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�L'Europe et le vide de puissanceEssais sur le gouvernement de l'Europe au si�cle des Super-�tats �ditions Jean Paul Bayol - sortie mai 2008 |
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Annexe 10.La relance de la recherche scientifique en Europe� � Nous avons dans cet essai propos� un certain nombre de grands programmes s’inscrivant dans les perspectives strat�giques de l’Europe pour les prochaines d�cennies. Tous ces programmes, s’ils �taient d�cid�s, entra�neraient des cons�quences importantes sur les capacit�s de la recherche/d�veloppement en Europe, aussi bien au niveau des Etats-membres qu’� celui de l’Union Europ�enne. Ils auraient d’abord des cons�quences sur les allocations budg�taires ou cr�dits publics mis � la disposition de la recherche. Mais ils impliqueraient aussi les capacit�s de financement des entreprises. Ils se traduiraient enfin par un renforcement consid�rable des potentiels industriels europ�ens et la d�finition de politiques industrielles ambitieuses. Mais il ne faut pas se faire d’illusion. A supposer que ces programmes soient un jour d�cid�s par les Etats Europ�ens membres de l’Union ou par les institutions de celle-ci, ils n’entreraient pas en application rapidement. Or la situation d�sastreuse de la recherche europ�enne, que nous avons d�j� �voqu�e, ne saurait attendre. Des rem�des imm�diats s’imposent. Dans l’ordre des priorit�s, ils devraient venir bien avant la r�forme des institutions europ�ennes pr�vues par le Trait� interm�diaire, m�me si le renforcement d’une autorit� commune ne pouvait que faciliter leur prise en compte. Que pourrait �tre une politique de relance et de d�veloppement de la recherche en Europe�? Elle devrait satisfaire en priorit� l’exigence de retrouver la parit� avec les Etats-Unis dans les cinq ou dix ann�es qui viennent, et d�finir le cheminement pour y arriver. Il s’agira d’aborder les questions budg�taires (que nous retrouverons ici, in�vitablement), les probl�mes d’organisation de la recherche et de ses liens avec la comp�titivit� des entreprises, les questions enfin de la formation et de la qualification des jeunes scientifiques et techniciens. On objectera qu’il est politiquement difficile d’afficher l’objectif de retrouver la parit� avec les Etats-Unis. On se souvient que Nikita Kroutchev avait fait rire le monde entier dans les ann�es soixante quand il avait pr�tendu rattraper le niveau de vie des Etats-Unis en quelques ann�es. Mais � l’�poque, les Etats-Unis repr�sentaient une sorte d’id�al pour le d�veloppement. Aujourd’hui, ils sont devenus des contre-exemples par leurs gaspillages, leur m�pris des faibles et leur refus syst�matique de contracter des obligations de r�sultat, notamment en mati�re de protection de l’environnement et du climat. De plus, l’Europe se trouve confront�e � une autre gageure, qui sera plus difficile encore que celle consistant � rattraper les Etats-Unis. Elle devra �viter de se faire rattraper par de nouvelles superpuissances comme la Chine et l’Inde. Celles-ci disposent d’une p�pini�re d’�tudiants pratiquement in�puisable, d’un dynamisme �conomique sans faille et de la volont� politique affirm�e de prendre la t�te en tout. On peut penser cependant que l’Europe, aussi affaiblie soit-elle, conserve de bons atouts, mais encore faudrait-il qu’elle sache les exploiter et en ait le d�sir. En simplifiant beaucoup, nous proposerons ici des m�thodes d’organisation diff�rentes de celles tant des Etats-Unis que de la Chine et de l’Inde, visant notamment � lutter contre les d�fauts structurels europ�ens : dispersion, bureaucratie, nationalismes. Respecter puis d�passer les objectifs dits de Lisbonne en mati�re de part du PNB consacr�e � la recherche/d�veloppement L’objectif en �tait, vers 2010, d’affecter 3�% des PNB � la recherche (1). Ces 3�% concernaient d’abord le budget europ�en de recherche d�veloppement, mais il �tait entendu que les Etats, dont les budgets de recherche sont largement sup�rieurs en valeur absolue et globalement, au total du budget europ�en, devaient faire de m�me. Or aujourd’hui, nous l’avons vu, le chiffre europ�en atteindra � peine 2,2�% en 2010. Dans les grands Etats, il ne sera gu�re meilleur. Nous estimons que, pour frapper l’opinion, et quelles
que soient les difficult�s � r�soudre pour atteindre
cet objectif, l’Europe doit se fixer pour 2012/2015, comme les Etats-membres
en ce qui les concerne, l’objectif de d�penser au moins 4�%
des PNB en recherches et d�veloppements. Ce chiffre comprendrait
les ressources publiques, � hauteur d’environ 60�%,
compl�t�es des financements priv�s. Il n’a
rien d’extravagant, puisqu’il est celui, semble-t-il, de certains
pays en pleine ascension technologique, par exemple le Japon. Il exigera
des sacrifices sur de nombreux autres postes, mais c’est bien ce
que nous voudrions voir d�cider. F�d�raliser une large partie des cr�dits de Recherche des Etats-membres Nous voulons dire par l� que l’Europe,
en tant que superpuissance, devrait devenir capable, au plan institutionnel
et constitutionnel, de prendre � son compte et de coordonner au
moins 50�% des cr�dits de recherche des Etats et des grandes
r�gions europ�ennes. Il s’agirait d’un changement
majeur puisque aujourd’hui le budget de recherche communautaire
n’atteindra pas 10�% du budget de l’Union en 2010 (2).
Le r�gime actuel dit de subsidiarit� qui laisse l’initiative
aux Etats en mati�re de recherche/d�veloppement, est g�n�ralement
source de gaspillage et doubles emplois. Il est �vident que la f�d�ralisation des budgets de recherche nationaux, envisag�e ici, ne sera viable que si les Etats mettent en place, au niveau de Bruxelles, un ex�cutif commun autrement plus efficace et plus interventionniste que ne l’est l’actuelle Commission. Il faudra accro�tre les pouvoirs du Parlement, cr�er un Conseil des Chefs d’Etat et un v�ritable ministre europ�en de la recherche. Celui-ci devrait �tre dot� de pouvoirs incitatifs forts, analogues � ceux du d�partement de la d�fense am�ricain. On ne peut pas envisager, en Europe, de mettre comme aux Etats-Unis la quasi-totalit� des programmes de R/D sous le contr�le des militaires, mais il faudra trouver des solutions apportant globalement la m�me efficacit� (3). Une remarque compl�mentaire importante s’impose. Parler de recherche est trop restrictif. Les administrations europ�ennes de la recherche sont actuellement focalis�es sur la recherche scientifique, sinon universitaire. D’autres administrations, tr�s diverses, relevant des minist�res de l’industrie, de l’agriculture ou de l’environnement, interviennent. Le tout est timide, ferm� sur de multiples divers pr�s carr�s, soumis aux int�r�ts �lectoraux imm�diats et par cons�quent incapable de vues � long terme. C’est normal mais les enjeux pour l’Europe sont beaucoup plus larges. Il s’agit de d�finir des objectifs strat�giques globaux, int�ressant les industries et la soci�t�, c’est-�-dire en fait, comme aux Etats-Unis, la S�curit� Nationale (europ�enne). D’o� la n�cessit� de placer les organes d�cisionnaires au niveau des chefs d’Etat d’une part et du sommet le plus �lev� des institutions europ�ennes, d’autre part. La dimension de la communication avec le public europ�en ne sera pas sous-estim�e. Encourager la recherche fondamentale Ceci ne veut pas dire que, dans le sch�ma propos� ici, l’Europe devrait se d�sint�resser de la recherche fondamentale. Au contraire. Le Conseil Europ�en de la Recherche, ERC (4), qui cherche p�niblement ses marques actuellement, devrait avoir pour r�le de fixer des objectifs � long terme en mati�re de recherche fondamentale d�sint�ress�e. La configuration et les moyens de ce Conseil ont �t� pr�cis�s par plusieurs �tudes dont notamment le rapport Mayor �tabli en 2003 sous la pr�sidence danoise (5). Ces rapports sont � actualiser, car ils sont trop timides. Le Conseil devrait �tre l’autorit� supr�me en mati�re de d�finition des orientations de la recherche fondamentale europ�enne. Il devrait �tre compos� uniquement de scientifiques reconnus et devrait disposer d’une large autonomie � l'�gard tant des gouvernements que des institutions europ�ennes (Commission, Parlement) . Le mod�le de ce que fait aux Etats-Unis la National Science Foundation est souvent �voqu�. Nous ne sommes pas aussi convaincus que certains de son ind�pendance vis-�-vis des pouvoirs et de la science dite � main stream �. Mais sans doute l’ambition d’une r�elle ind�pendance de tels Conseils est une illusion. Il est utile de les mettre en concurrence avec des instances d’encouragment � la recherche fondamentale plus r�parties, au plan des disciplines et des pays. Ceci �tant, on constate de plus en plus que recherche fondamentale, recherche appliqu�e, d�veloppement et industrialisation s’organisent dans des cha�nes ininterrompues, au moins quand les projets sont bien choisis. Il ne devrait donc pas y avoir de monopole dans la responsabilit� de proposer � l’Europe des objectifs scientifiques � long terme Installer des Conseils scientifiques sp�cialis�s Ceux-ci, en relation avec les Acad�mies, Comit�s et soci�t�s savantes existant dans les Etats-membres, devraient �tre dot�s de certains pouvoirs d�cisionnaires et �tre largement repr�sentatifs. On pensera aux exemples am�ricains. Les Conseils y sont nombreux et vari�s, avec il est vrai, dans la tradition anglo-saxonne, une forte pr�sence de fondations qui ne sont peut �tre pas � encourager en Europe car dans l’�tat actuel des rapports de force, elles permettraient aux int�r�ts politiques, financiers ou religieux non europ�ens de renforcer leur pr�sence. Les scientifiques europ�ens souhaitent �galement donner plus d’importance au Forum europ�en strat�gique des infrastructures scientifiques (ESFRI) qui doit d�finir les grands �quipements n�cessaires � l’ind�pendance de la science et de la technologie europ�enne. Une r�flexion men�e dans ce cadre aurait par exemple pu �viter les dissensions entre Europ�ens et les ann�es perdues au sujet de Galil�o et de Iter. Doter l’Europe des grands �quipements scientifiques indispensables � son ind�pendance La science d’aujourd'hui est tr�s largement le produit du travail interdisciplinaire d'�quipes multinationales travaillant sur de grands �quipements. Ces �quipes doivent �tre interconnect�es au plan mondial gr�ce � des r�seaux modernes d'�change. Mais l'autonomie scientifique ne peut �tre garantie si on d�pend des ressources que les concurrents accepteront de d�gager sur leurs propres �quipements. Ceux-ci donneront toujours la priorit� � leurs propres �quipes. Un effort europ�en sp�cifique est indispensable. A premi�re vue, mais ceci devra �tre discut� avec les scientifiques, notamment au sein du Forum europ�en strat�gique des infrastructures scientifiques (ESFRI) pr�cit�, les priorit�s d'�quipement devraient int�resser, � �galit�, les grands domaines suivants : La fusion nucl�aire Il convient de ne pas limiter les ambitions europ�ennes � la mise en place d’un premier r�acteur exp�rimental. L’Europe doit absolument accompagner la mont�e en puissance progressive du programme international Iter. Comme on le sait, suite � un sursaut inattendu des Europ�ens, provoqu� en grande partie par la France, il a �t� d�cid� en 2005 d’implanter conjointement � Cadarache un futur r�acteur exp�rimental et au Japon des facilit�s destin�es � tester la r�sistance des mat�riaux aux neutrons et les logiciels de gestion des plasmas. Mais comme il s’agit de points essentiels, non seulement � la r�alisation de r�acteurs op�rationnels mais aussi � celle des centrales � fission dites de 4e g�n�ration, l’Europe doit aussi se doter de tels �quipements. Ils seront �galement associ�s au retraitement des d�chets. Nous reviendrons sur ces points dans l’annexe consacr�e � la politique �nerg�tique europ�enne Les acc�l�rateurs L’Europe devra veiller � renforcer les ressources
en acc�l�rateurs synchrotrons actuellement disponibles ou
en construction, qui paraissent d�j� tr�s inf�rieures
en capacit� aux besoins potentiels. Les physiciens pr�parent par ailleurs la r�alisation de grands collisionneurs lin�aires de particules. Il s’agira notamment du GLC, Global Liner Collier. Cet acc�l�rateur permettra, s’il est d�cid�, de voir ce qui s'est produit quelques instants apr�s le Big-Bang. Contrairement � ses pr�d�cesseurs qui �taient circulaires il sera construit en ligne droite. Il permettra d'explorer de nouvelles plages d'�nergie o� les physiciens des particules esp�rent mettre en �vidence des particules jusqu'� pr�sent inconnues et en d�duire de nouvelles th�ories d�crivant le fonctionnement des particules les plus petites de notre univers. Cependant il reste de nombreux d�fis technologiques � relever avant de pouvoir commencer la construction du GLC. Les physiciens des particules esp�rent pouvoir analyser les premi�res donn�es produites par le GLC aux environs de l'ann�e 2015. L’Europe, en bonne logique, ayant d�j� le LHC, ne pourra pas esp�rer voir construire chez elle ce GLC, mais elle devra se doter des �quipements d’accompagnement en r�seaux lui permettant de jouer toute sa part dans les recherches. Les observatoires c�lestes On ignore g�n�ralement que l’Europe est la premi�re puissance scientifique, derri�re les Etats-Unis et souvent � �galit� avec eux, dans l’exploration du ciel. Pour les t�lescopes en orbite, elle travaille en partenaire d�pendant de la Nasa dans l’exploitation du t�lescope Hubble. Elle a par ailleurs ses propres programmes et envisage un successeur � Hubble en propre dans quelques ann�es. Mais la comp�tence de l’Europe se marque aujourd’hui principalement dans le domaine des grands observatoires terrestres, que ce soit sous la responsabilit� de l’Europ�en Southen Observatory (ESO) ou plus g�n�ralement de divers observatoires europ�ens. Apr�s les t�lescopes coupl�s utilisant l’interf�rom�trie optique, comme le Very Large T�lescope europ�en implant� au Chili, on envisage maintenant les hyper t�lescopes regroupant des centaines ou milliers de miroirs tr�s espac�s par rapport � leur diam�tre. D’ores et d�j� l’ESO a programm� � �ch�ance relativement proche un successeur au VLT. Il s’agira du projet E.ELT de 43m de diam�tre, pouvant entrer en service vers 2018. De tels t�lescopes devaient permettre de voir de la Terre des plan�tes de type terrestre situ�es dans des syst�mes solaires proches (10 millions d’ann�es lumi�re), avec une r�solution permettant de distinguer d’�ventuels oc�ans ou taches de v�g�tation. On imagine les bouleversements scientifiques et philosophiques en r�sultant. Ult�rieurement, un OWL de 100m de diam�tre pourrait voir le jour vers 2050. L’astronomie europ�enne entra�ne dans ce sillage d’excellence de nombreuse entreprises de hautes technologies travaillant dans les diverses gammes d’observation : optiques ou �lectromagn�tiques. Les observatoires terrestres ne sont pas rempla�ables par les observatoires satellitaires, contrairement � ce que l’on croit souvent. Ils sont compl�mentaires. A eux tous, ils offrent la possibilit�, non seulement d’observer l’univers profond, mais de faire v�rifier instrumentalement les hypoth�ses les plus avanc�es int�ressant l’histoire et le devenir du cosmos. Il s’agit d’un point essentiel aux progr�s de la physique fondamentale ainsi qu’� ceux de nombreuses applications. L’Europe doit continuer � �tre un leader dans ces domaines. Equipements d’imagerie et de calcul int�ressant la biologie L’Europe, si elle ne veut pas d�crocher dans le domaine des biotechnologies et des sciences du vivant �voqu�es dans la section pr�c�dente, devra se doter d’un r�seau d'�quipements permettant de caract�riser et de visualiser par imagerie les machines mol�culaires op�rant dans les cellules, � partir des r�sultats fournis par les biotechnologies. Ult�rieurement l'analyse des prot�omes entiers (r�sultant de l'activit� des g�nes) permettra de comprendre la fa�on dont les bact�ries s'adaptent au changement gr�ce � des mobilisations � la demande de leur potentiel prot�omique. De m�me, elle devra pouvoir compter sur un r�seau d'�quipements permettant l'identification, la production et le marquage des prot�ines, indispensables pour le d�veloppement des bio-technologies. On se situe l� en amont des cellules mentionn�es ci-dessus. L'objectif sera de produire en masse des dizaines de milliers de prot�ines par an, d�finir des �tiquettes permettant de les identifier et mettre les r�sultats de ces travaux � la disposition de l'ensemble des chercheurs europ�ens. Un ou plusieurs simulateurs de la Terre Nous avons indiqu� que l’Europe se devait de jouer un r�le pilote dans les sciences et politiques de l’environnement. Pour cela, les laboratoires s’en occupant ne pourront pas continuer � mendier des ressources de calcul � divers pays mieux �quip�s. La mise en place d'un Simulateur de la Terre sur le mod�le japonais s’impose. Il s'agira d'un super-ordinateur ou plut�t de r�seaux ou clusters de super-ordinateurs et d’ordinateurs du commerce, organis�s en grids. Ce simulateur permettra de tirer parti de toutes les observations de l'environnement o� l'Europe d�tient une expertise non n�gligeable. Un tel simulateur est indispensable pour la d�finition de politiques de d�veloppement durable et de conservation.
� Cr�er autant d’Agences Europ�ennes que n�cessaire Ces Agences se verraient confier la plus grande partie de la gestion op�rationnelle des projets et des budgets, hors recherche fondamentale universitaire. Elles auraient aussi la capacit� d’exprimer pour leur compte des besoins et proposer des objectifs. De telles Agences sont soumises � la tutelle des ministres des Etats ayant accept� d’en �tre membres, mais elles doivent disposer d’une autonomie indispensable. Les exemples d�j� anciens de l’Agence spatiale europ�enne ESA, du Centre europ�en de recherche nucl�aire CERN ou de l’European Southern Observatory ESO montrent que de telles structures, qui peuvent faire peur � des gestionnaires orthodoxes des cr�dits publics par d’�ventuels risques de non transparence, militent au contraire pour la g�n�ralisation de telles solutions. Avec bien moins d’argent et d’effectifs, l’ESA s’est r�v�l�e au moins aussi efficace que la NASA, r�put�e grande gaspilleuse. M�me Eurocontrol, dans le domaine difficile du contr�le de l’espace a�rien europ�en, bien que critiqu�e, n’offre pas un contre-exemple. Les Agences doivent pouvoir assurer en g�n�ral la ma�trise d’ouvrage, c’est-�-dire la direction continue, des projets dont elles ont la charge. Dans beaucoup de cas, elles devront aussi avoir de v�ritables comp�tences en mati�re de suivi industriel. Ce devrait �tre le cas, notamment, de l’Agence Europ�enne de l’Armement, en cours de mise en place, dont les comp�tences pour prot�ger les industries europ�ennes de l’armement des convoitises ext�rieures et pour impulser de nouvelles recherches et d�veloppements technologiques seront d�cisives. La solution consistant � cr�er des Agences est pratiquement la seule possible, puisque l’on ne pourra pas dans l’imm�diat cr�er au niveau de l’ex�cutif europ�en de v�ritables structures minist�rielles analogues par exemple � celles du d�partement de l’�nergie aux Etats-Unis. M�me si de tels minist�res europ�ens �taient d�cid�s, ils auraient int�r�t � s’appuyer sur des agences op�rationnelles. Certes, ces agences tendront tout naturellement � s’enfermer dans leurs sp�cificit�s au lieu de privil�gier les programmes transdisciplinaires. Mais on pourra �viter cela en juxtaposant des Agences � comp�tences sectorielles d�finies assez largement (Environnement, Energie, Biotechnologies, Nanotechnologies, Calcul haute performances, etc. ) et des Agences de d�veloppement g�n�ralistes sur le mod�le des deux agences fran�aises r�cemment cr�es, dont l’efficacit� reste � juger, l’Agence Nationale pour la Recherche et l’Agence pour l’innovation industrielle (8). De telles Agences, transpos�es au niveau europ�en, auraient un r�le tr�s important en mati�re de politique industrielle. On n’oubliera pas, dans un domaine plus sp�cialis� mais indispensables, une Agence capable de coordonner l’intelligence �conomique. Cr�er des plates-formes technologiques La cr�ation de nouvelles Agences n’exclurait pas, mais au contraire renouvellerait la n�cessit� de mettre en place les projets et r�seaux int�gr�s qui permettront aux financements nationaux d’entrer en symbiose plut�t que s’ignorer. Parmi ces projets et r�seaux, il faudra r�aliser avec les industriels europ�ens et les universit�s ou organismes de recherche publique des plates-formes technologiques de d�veloppement sur le mod�le de ce qui a �t� fait pour l’a�ronautique et la micro�lectronique, couvrant l’essentiel des fili�res �mergentes. On parle dor�navant en France de p�les de comp�titivit�. Ces p�les n’auront d’int�r�t que si les conditions pr�c�dentes destin�es � la relance de la recherche europ�enne sont remplies. Sinon ce seront de simples lieux de rencontre autour de notables locaux ou bien des portes ouvertes au pillage des comp�tences. L’exemple des b�gaiements du p�le de comp�titivit� Minatec/Crolles 2 destin� � encourager les investissements d’entreprises de pointe dans le secteur essentiel des nanotechnologies montre ce qu’il ne faut pas faire. Le cas m�rite quelques lignes ici. Eric Drexler, le p�re am�ricain des nanotechnologies, vient de publier (d�cembre 2007) sur son site personnel une ambitieuse “feuille de route” (le mot est � la mode) pour la r�alisation � grande �chelle de nanosyst�mes destin�s � op�rer dans tous les domaines de la production. C'est la “Technology Roadmap for Productive Nanosystems” (9). L’objectif poursuivi vise � explorer la fa�on dont les techniques courantes de laboratoires peuvent �tre utilis�es pour construire pas � pas des produits et fonctions de plus en plus sophistiqu�s. L’�tude a �t� conduite par le Battelle Memorial Institute, une organisation non-profit rassemblant un ensemble de grands laboratoires am�ricains, dont Pacific Northwest, Oak Ridge et Brookhaven. Elle a rassembl� 70 experts, scientifiques et ing�nieurs, provenant de l’universit�, de l’industrie et des laboratoires nationaux. Une s�rie de groupes de travail avait �t� lanc�e en 2005, dont est issu le rapport final de 400 pages. Ce rapport pr�sente un l’�tat de l’art de la nano-ing�nierie et formule des propositions int�ressant aussi bien des r�alisations � court terme que des projets de recherche � long terme. Eric Drexler estime que le rapport arrive � point nomm�. Le Conseil National de la Recherche (U.S. National Research Council) avait valid� les orientations qu’il avait propos�es dans sa propre �tude ( Nanosystems: Molecular Machinery, Manufacturing, and Computation) laquelle se terminait par un appel � des recherches exp�rimentales concernant l’ing�nierie mol�culaire. A la suite de quoi la Darpa (Pentagone) avait lanc� un appel � propositions pour la r�alisation de nanoobjets pr�cis � l’atome pr�s. Le gouvernement britannique, de son c�t�, avait offert des cr�dits de recherche � des �quipes capable de fabriquer des mat�riaux mol�cule par mol�cule. En dehors des perspectives et directions qu’elle propose, la Feuille de route recommande des techniques permettant d’�valuer les projets les plus aptes � faire �merger le domaine encore trop exp�rimental de la nano-ing�nierie atomique. Une des directions les plus prometteuses sera la possibilit� d’int�grer divers approches dans des syst�mes fonctionnels exploitant les d�couvertes r�centes en mati�re de structures g�n�tiques (DNA) auto-organisatrices � l’�chelle de l’atome. On voit l’int�r�t pour l’avenir de telles recherches. Eric Drexler se dit persuad� qu’en dehors des applications qui seront donn�es � ces propositions aux Etats-Unis, les pays asiatiques � la recherche de perspectives � long terme ne manqueront pas de s’y int�resser. Pour ce qui concerne l’Europe et la France en particulier, des cr�dits publics de recherche existent. Mais comme toujours en pareil cas, les industriels susceptibles d’utiliser ces cr�dits localement (sans se d�localiser) ne se pr�sentent pas ou ne parviennent pas � s’entendre. C’est ainsi qu’au sein du p�le Minatec, le site de Crolles2 inaugur� par Jacques Chirac en mars 2003 et pr�sent� comme un �accord historique � entre Freescale (Motorola), Philips et STMicroelectronics pour la fabrication de composants �lectroniques avanc�s a vu les fondateurs se dissocier progressivement. Il ne doit sa survie temporaire qu’� la participation de fonds d’investissement am�ricains dont le principal objectif est le pillage technologique (10). Ce sort menace nombre d’autres p�les technologiques. Rien n’y interdit la participation de partenaires � bidons � venus uniquement, soit pour acqu�rir des entreprises int�ressantes en se les appropriant, soit simplement pour drainer des hommes et de bonnes id�es, avant de se retirer. Cr�er dans les domaines strat�giques des Conseils des Chefs d’Etat et de gouvernement sp�cialis�s Dans des domaines sp�cifiques � haute port�e strat�gique, comme le scientifique militaire et le spatial, l’existence d’Agences (l’ESA et l’Agence europ�enne de l’armement en cours de mise en place), ne rendra pas inutile la cr�ation de Conseils de Chefs d’Etats ou de conseils des ministres sp�cialis�s. Ils travailleront dans le cadre de l’ex�cutif europ�en �largi, devront �tre capables de prendre rapidement les d�cisions importantes s’ajoutant � celles des Conseils des ministres en charge de la recherche, auxquels nous avons fait allusion. Revoir les modalit�s d’appels d’offre et d’attribution de contrats Dans la plupart des secteurs, il faudra revoir les proc�dures d’appels � proposition et d’attribution de contrats qui sont celles depuis 30 ans des Programmes cadres de recherche dits pr�-comp�titifs. Ceux-ci sont d’une lourdeur et souvent d’un manque de transparence devenus insupportables. La plupart des appels d’offre devront se faire sous la responsabilit� des Agences susvis�es. De plus, il faudra dans les domaines sensibles, revoir � l’exemple de ce que font syst�matiquement les administrations f�d�rales am�ricaines, les modalit�s de choix des attributaires. Celles-ci, actuellement, ne permettent aucune politique pr�f�rentielle suivie (ou pr�f�rence communautaire) au profit des acteurs europ�ens ou implant�s durablement en Europe. Lorsque les gouvernements interviennent, c’est pour faire favoriser, souvent � la limite de toute efficacit�, leurs propres entreprises (11). La mise en place, qui va sans doute se g�n�raliser, de p�les de comp�titivit� s’�tendant en r�seau � plusieurs Etats europ�ens, permettra de mieux conna�tre � qui l’on s’adressera et de favoriser les laboratoires et acteurs �conomiques ayant fait montre de r�sultats et de continuit�. L’exemple du programme non communautaire Eureka, qui favorise les regroupements ou clusters, sera sans doute � �tudier. Mais il faudra certainement aller plus loin. Nous ne nous prononcerons pas ici sur le d�tail des mesures � prendre, car le sujet est complexe. Moderniser la prise en compte des ressources humaines Nous avons d�j� �voqu� la question de la modernisation des m�thodes de formation, s�lection et gestion professionnelle des chercheurs et ing�nieurs, qu’ils appartiennent au secteur public ou au secteur priv�. Il faudra aussi faciliter notamment par des bourses la mobilit� interne des chercheurs. On compl�tera ceci, comme c’�tait le cas en Am�rique avant les restrictions dues � la lutte anti-terroriste, de mesures encourageant l’invitation durable de chercheurs provenant du reste du monde. Ce th�me est indispensable � traiter, si l’on veut que l’Europe atteigne au niveau d’excellence des Etats-Unis. Mais il exigerait un ouvrage tout entier. Nous ne le ferons donc pas ici.. Nous pensons que, pour r�soudre ces probl�mes et cr�er une v�ritable Europe des cerveaux, sans vider les pays du tiers monde de leur mati�re grise, il ne faudra pas se limiter aux �changes de personnes physiques. Il faudra faire appel beaucoup plus syst�matiquement qu’actuellement aux m�thodes de formation et de travail � distance, gr�ce � des r�seaux � haut d�bit que l’Europe pourrait parfaitement mettre en place en son sein et vers les pays alli�s, notamment en Afrique et Am�rique Latine. Moderniser les instruments mon�taires et financiers Parmi les instruments de la souverainet�, il ne faut pas oublier de mentionner les multiples aides que re�oivent les acteurs �conomiques am�ricains de la part de la R�serve F�d�rale, qui ajuste en permanence les taux de change aux besoins des op�rateurs � l’international. De m�me, l’extr�me richesse des dispositifs permettant aux entreprises d’obtenir toutes les sortes de cr�dit dont elles ont besoin, depuis les Business Angels et les Capital Risqueurs jusqu’aux cr�dits � long terme permettant l’investissement durable. D’une fa�on diff�rente, les entreprises publiques ou priv�es d�pendant d’Etats ne se pr�occupant pas de lib�ralisme, telle la Chine ou dans une moindre mesure l’Inde, se retrouvent face � leurs concurrentes europ�ennes dans une situation injustement favorable, car elles sont soutenues politiquement de multiples fa�ons. Comme l’Europe a r�cus� le capitalisme d’Etat et s’est enferm� dans les contraintes dites de Ma�stricht qui emp�chent de financer des pr�ts � long terme susceptibles d’accro�tre la dette publique, les possibilit�s d’emprunt/recherche des entreprises europ�ennes sont tr�s limit�es. Par ailleurs, le temps industriel est de moins en moins celui de la finance, qui exige des retours de 15 � 20�% en quelques mois. Il existe pourtant des outils permettant � l’Europe de faire de l'ing�nierie financi�re, en attendant la cr�ation d’institutions sp�cialis�es convenablement dot�es (12). L'Europe doit d'abord mieux utiliser les instruments dont elle dispose, gr�ce notamment � la monnaie unique. Il faudrait cr�er un march� unique des march�s financiers, assurer une v�ritable interbancarit� sans frais, inventer des produits financiers standard, se doter de banques europ�ennes v�ritables, associ�es avec l'assurance. Si cela n'est pas fait, ce seront les acteurs financiers am�ricains qui ont commenc� � s'installer en Europe et qui profiteront de l'Union �largie. Un 2e axe consistera � faire appel � des formes originales d'�pargne europ�enne garantie, sur le mod�le du livret d'�pargne fran�ais, pour financer les grands travaux structurants que la Banque europ�enne d'investissement ne peut ou ne veut prendre en charge. Un 3e axe pourrait viser � financer les entreprises innovantes par la titrisation (13). Enfin, en mati�re de monnaie, certains experts voudraient offrir l'euro aux nouveaux entrants dans l'Union, sans exiger d'eux le respect des conditions dites de Ma�stricht. Cela cr�erait une dynamique favorable � la zone euro dans son ensemble et permettrait plus facilement d'imposer l'euro comme monnaie de facturation internationale. Une intelligence �conomique europ�enne On n’oubliera pas la question de la mise en commun des informations concernant l’intelligence �conomique, c’est-�-dire, pour parler simplement, la lutte contre l’espionnage �conomique et surtout le pillage des entreprises europ�ennes � fort potentiel. On sait qu’aux Etats-Unis et m�me en Chine existent de nombreux fonds de financement d�pendant directement des services de renseignement et de S�curit� Nationale. Le laxisme europ�en leur permet de faire tranquillement, selon l’expression, leur march� parmi les start up ou les spin up (nombreuses en Europe) disposant des comp�tences qui les int�ressent. Il existe d�sormais un fort imp�ratif de protection des entreprises avec lesquelles les Etats europ�ens travaillent. Il faut surveiller voire emp�cher les prises de contr�les, cr�er des fonds de capital-risque pour les entreprises sensibles, rapprocher les services d'intelligence �conomique, sur le mod�le de ce qui va peut-�tre se faire au plan franco-allemand…Mais seul le niveau europ�en est pertinent - ce qui n’emp�chera pas chaque pays le souhaitant de recueillir lui-m�me ses propres observations et se comporter ainsi de fa�on pro-active au sein d el’ensemble europ�en. Autres mesures int�ressant la recherche proprement dite Entre autres mesures, citons la n�cessit� : - de cr�er un grand p�le de publication scientifique europ�en pour faire face � l’�crasante domination de la publication anglo-saxonne, fut-elle en Open source comme la Public Library of Sciences - d’organiser des programmes de sensibilisation des opinions publiques et des lieux o� discuter les divergences d'appr�ciation. - de rendre plus efficace le fonctionnement de l’Office europ�en des Brevets. |
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