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�L'Europe et le vide de puissanceEssais sur le gouvernement de l'Europe au si�cle des Super-�tats �ditions Jean Paul Bayol - sortie mai 2008 |
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Annexe 7.Le � cas particulier � des relations entre l’Europe et l’Afrique.Le sommet Europe Afrique de Lisbonne (8 et 9 d�cembre 2007)� L'Union europ�enne a une longue tradition de relation avec l'Afrique, mais celle-ci s'est souvent ressentie des persistances du colonialisme. M�me si les Etats europ�ens respectent en principe l'ind�pendance et la souverainet� de leurs homologues africains, ils ont du mal � se persuader que les entreprises europ�ennes ne doivent pas exploiter les ressources africaines au mieux de leurs seuls int�r�ts. Ils ont du mal � accepter que les Etats africains cherchent � prot�ger leurs �conomies face � des partenaires dont le niveau de d�veloppement est si sup�rieur que tout objectif de “partenariat strat�gique” bas� sur une relation “d'�gal � �gal” avec l'Afrique, qui serait en rupture avec “une vision caritative moralisante” parait relever de l'incantation, sinon de la tromperie. C'est pourtant cet objectif qui a �t� propos�, par la bouche de Louis Michel, Commissaire europ�en pour le d�veloppement, l'aide humanitaire et les relations avec les Etats de l'Afrique, des Cara�bes et du Pacifique, en introduction au sommet Europe Afrique des 8 et 9 d�cembre 2007 � Lisbonne. Ce sommet a r�unit les dirigeants de 53 pays africains et des 27 pays de l'Union europ�enne. Aucune r�union de ce type n'avait pu �tre organis�e depuis la premi�re, qui s'�tait tenue au Caire en 2000. Il n'est pas certain que le sommet ait convaincu les Etats africains de la possibilit� de voir modifier en profondeur leurs relations avec l'Europe, d'une fa�on leur permettant de rattraper v�ritablement leurs retards �conomiques. Les Etats africains sont de plus en plus courtis�s par les Etats-Unis (1), la Chine, l'Inde et m�me le Br�sil, notamment pour les ressources en p�trole et en mati�res premi�res dont disposent certains d'entre eux. On con�oit bien qu'ils veuillent rappeler � leurs partenaires europ�ens qu'ils ne d�pendent plus du bon vouloir de ces derniers. L'id�e de b�tir avec l'Union europ�enne un partenariat d'�gal � �gal ne peut donc que leur plaire. L'Europe sent bien de son c�t� que ses liens traditionnels avec l'Afrique doivent �tre r�activ�s et rajeunis, dans son propre int�r�t. Sans un v�ritable partenariat strat�gique, en effet, comme l'a rappel� le pr�sident du S�n�gal Abdoulaye Wade, elle ne fera pas le poids face aux quatre g�ants du monde de demain, Etats-Unis, Chine, Inde et Br�sil. Un authentique co-d�veloppement Mais comment concevoir ce partenariat strat�gique. Le concept � la mode, du moins en Europe, est celui de co-d�veloppement. L'id�e, dans l'esprit de ceux qui la d�fendent, � gauche comme � droite (par exemple Claude B�b�ar), vise � cr�er par des accords sp�cifiques de coop�ration technique et de formation (t�l�-formation notamment), des p�les africains un peu �quivalents � nos p�les de comp�titivit�. Des entreprises europ�ennes, sans exclure �videmment celles d'autres nationalit�s, viendraient investir pour valoriser les ressources locales ou d�localiser certaines de leurs activit�s. Ceci fixerait et formerait sur place les personnels, tout en encourageant les investisseurs locaux. Ces entreprises pourraient le cas �ch�ant �tre rachet�es par des partenaires africains. Il s'agirait d'une forme de d�localisation des activit�s europ�ennes qui profiterait � tous. Pourquoi pas ? Si une entreprise automobile ou a�ronautique devait d�localiser une partie de sa production, pourquoi ne s'installerait-elle pas en Afrique plut�t que dans la zone dollar? On ne confondra pas de telles d�localisations gagnant-gagnant avec celles consistant � implanter en Afrique des filiales qui se bornent � exploiter � leur seul profit les ressources locales, sans que le pays d'accueil en tire le moindre b�n�fice (sauf quelques royalties vers�es aux cadres politiques). De telles situations g�n�rent, on le sait, des mouvements de r�sistance violents. C'est pourtant ce qui se produit encore g�n�ralement, par exemple dans le domaine de l'exploitation foresti�re ou dans le secteur de l'extraction p�troli�re et mini�re. Les capitaux chinois ou am�ricains s'int�ressant � l'Afrique ne sont pas � cet �gard plus d�sint�ress�s que les capitaux europ�ens. A terme, le v�ritable co-d�veloppement tel que l'Europe devrait le proposer viserait, non � exploiter les ressources locales, au risque de d�truire ce qui reste de milieux naturels, mais � r�aliser les grands travaux d'infrastructures, de r�habilitation et de protection qui manquent cruellement � l'Afrique. On pense d'abord aux transports mais de plus en plus dor�navant � la lutte contre les futurs risques climatiques : protection des ressources en eau, lutte contre la d�sertification, r�novation de l'habitat, production d'�nergie naturelle, r�habilitation de la biodiversit�., etc. . Id�alement, il s'agirait de mettre en commun la science, la technologie, le savoir-faire, les capacit�s financi�res de l'Europe, le potentiel humain et les immenses ressources naturelles de l'Afrique. Du coup, des probl�mes aigus comme l'immigration clandestine massive, produits d'�conomies dissym�triques, dispara�traient, car les Africains trouveraient des emplois chez eux. Il faudrait faire plus. Comme il a �t� indiqu� par ailleurs au sommet de Bali consacr� � la lutte contre le d�r�glement climatique (10 au 15 d�cembre 2007) les pays du Nord, en l'esp�ce ceux de l'Union Europ�enne, devraient verser des r�mun�rations sp�cifiques aux pays africains qui accepteraient de prot�ger leur biodiversit�, notamment leurs for�ts primaires et leurs mar�cages, en se privant par ce fait des b�n�fices esp�r�s de leur mise en culture. Il s'agirait de d�penses importantes mais in�vitables dans la perspective de la g�n�ralisation du protocole de Kyoto. Certains de ces th�mes rejoignent ceux envisag�s pour justifier l'Union euro-m�diterran�e propos�e par la France. Mais il ne faut pas se faire d'illusion. De tels programmes ne pourront qu'exceptionnellement �tre financ�s par les Etats africains. Ils devront �tre presque unilat�ralement, du moins au d�but, pris en charge par les Etats europ�ens ou les bailleurs de fonds internationaux. Les pays africains par contre y apporteraient leurs ressources humaines. Celles-ci pourraient repr�senter une part essentiel des contributions n�cessaires. Il ne faut pas en effet concevoir ces programmes d'infrastructures et de grands travaux comme reposant, � l'am�ricaine, sur un �norme d�ploiement de mat�riels lourds import�s et gros consommateurs de p�trole. Ils devraient faire appel � l'expertise locale qui ma�trisera progressivement les technologies avanc�es � l�g�res � que les firmes europ�ennes leur apporteraient. On pourrait penser que cette conception � g�n�reuse � du co-d�veloppement a �t� ent�rin�e au sommet de Lisbonne. Un relev� de d�cisions prometteur a �t� publi�. La Commission a sign� le 9 d�cembre les documents de strat�gie par pays du 10�me Fonds Europ�en de D�veloppement (FED) avec 31 pays d'Afrique sub-saharienne. Une enveloppe de 8 milliards d'euros est pr�vue pour la p�riode 2008-2013. Les 8 priorit�s refl�tent le nouvel agenda du partenariat lanc� � Lisbonne: Paix et S�curit�, Gouvernance d�mocratique et Droits de l'Homme, Commerce et Int�gration r�gionale, Objectifs du Mill�naire pour le D�veloppement, �nergie, Changement climatique, Migrations, Emploi et enfin Sciences, Soci�t� de l'Information et Espace (2). Le co-d�veloppement est incompatible avec le lib�ralisme Malheureusement, on peut craindre que ces ambitions ne soient pas compatibles avec le lib�ralisme �conomique et la recherche de profit imm�diat dont les Etats europ�ens n'ont pas encore su se d�barrasser. Sous la pression de l'id�ologie dominante, id�ologie impos�e par les Etats-Unis pour mieux faciliter leur emprise et relay�e par la Grande Bretagne et les pays du Nord de l'Europe, les pays europ�ens ont paru surtout s'int�resser � l'ouverture du march� africain. Or, celle-ci serait incompatible avec les modalit�s du co-d�veloppement telles que d�crites ci-dessus. En effet, la mise en œuvre concr�te des propositions de la r�solution finale risque de se heurter aux probl�mes et d�sordres qui na�tront de l'exigence europ�enne formul�e par ailleurs et visant � signer, avant le 31 d�cembre 2007, de nouveaux accords de partenariat �conomique et de coop�ration multilat�rale (APE). Il s'agit de prendre le relais des accords de Cotonou, qui viennent � expiration � cette date et qui, depuis sept ans, accordaient aux 46 Etats d'Afrique, des Cara�bes et du Pacifique un r�gime d�rogatoire au principe de libre-�change, par le biais de pr�f�rences commerciales unilat�rales. En l'absence de signature de ces nouveaux accords, ce serait le vide entre l'Union europ�enne et l'Afrique. Cette perspective serait doublement catastrophique. En effet, dispara�trait, avec les accords de Cotonou, le dispositif qui sert de base � l'aide europ�enne. Et cette forme d'aide est encore plus vitale aujourd'hui pour l'Afrique, au moment o� la hausse du prix du p�trole entra�ne celle des denr�es de premi�re n�cessit� et d�clenche partout le m�contentement populaire. Il est vrai que les experts reconnaissent l'�chec des accords de Cotonou et, avant eux, de ceux de Yaound� et de Lom�, qui les ont pr�c�d�s. L'objectif �tait d'augmenter les exportations de l'Afrique vers l'Europe, et l'on a abouti au r�sultat exactement inverse : les exportations de l'Europe vers l'Afrique ont augment� de 6,5 % depuis 2000, alors que les exportations africaines vers l'Europe se sont tr�s sensiblement d�t�rior�es. Or le syst�me de remplacement que propose l'Union europ�enne aux actuels APE n'est pas consid�r� comme acceptables par une majorit� d'Etats d'Afrique. Les nouveaux accords de partenariat �conomique veulent d�manteler les protections tarifaires actuelles et instaurer une parfaite �galit� de comp�tition entre des �conomies europ�ennes et africaines totalement asym�triques. Cela revient � consacrer et accentuer un d�s�quilibre de fait et � livrer totalement les march�s africains aux produits europ�ens subventionn�s. L'Europe se comporte pour ses produits comme le fait l'Am�rique pour les siens, notamment le coton. Ni l'industrie ni l'agriculture africaines n'ont la capacit� et les structures qui leur permettraient, soit de r�sister � la concurrence europ�enne soit m�me de r�pondre � une forte demande europ�enne. D�j� en partie d�truites par la concurrence des pays riches, elles dispara�traient rapidement, ajoutant des millions de ch�meurs � ceux qui peuplent les bidonvilles urbains, avant de tenter vers le Nord des �migrations de la mis�re. Il faut ajouter que le nouveau dispositif de d�sarmement tarifaire impos� par le libre-�change entra�nerait imm�diatement d'�normes pertes de recettes douani�res pour les Etats africains dont ces recettes constituent entre 35 % et 70 % des budgets. L'Europe, s'inspirant de la doxa lib�rale, semble croire qu'en abaissant les barri�res douani�res et r�alisant une sorte de vaste zone de libre-�change euro-africaine, la prosp�rit� pourrait y revenir, au b�n�fice des diverses parties. Le th�me de la zone de libre-�change, on le sait, est l'arme pr�f�r�e du pouvoir am�ricain pour p�n�trer les �conomies des pays avec lesquels les Etats-Unis entendent �tablir de pr�tendues � unions strat�giques �. L'offre en a �t� faite en 2005 au Maghreb, ainsi que plus r�cemment � l'Am�rique Latine. Certains diplomates am�ricains avaient m�me propos� d'�tablir une telle zone entre l'Europe et l'Am�rique. On voit tr�s bien que ces unions du fort et du faible ne profitent aux forts. C'est au contraire un protectionnisme s�lectif, modul� selon les secteurs et les partenaires, qui permet de sauvegarder les int�r�ts des plus faibles - � condition que ceux-ci disposent du minimum de souverainet� leur permettant de faire reconna�tre leurs diff�rences. Les processus de co-d�veloppement d�crits
ci-dessus sont les seuls susceptibles d'assurer entre l'Europe et l'Afrique
un partage �quilibr� des efforts d'adaptation au monde de
demain et � ses crises. Mais ils ne pourront pas �tre mis
en place dans un espace commercial ouvert � tous les vents, ni
n�goci� dans des instances comme l'OMC. Ils ne sont concevables
que dans le cadre du protectionnisme s�lectif �voqu�
ici. Certes, pour qu'un tel protectionnisme s�lectif puisse �tre
d�fini et appliqu� � l'�chelle des deux continents,
il faudrait que les pays europ�ens puissent parler d'une seule
voix, de m�me que les pays africains. Ce n'est gu�re envisageable
concernant ces derniers. Cela ne l'est pas non plus pour le moment en
ce qui concerne l'Union, qui n'est pas encore une puissance politique.
Dans les meilleures des hypoth�ses, on en reviendrait donc �
des coop�rations renforc�es entre partenaires se r�unissant
sur la base d'int�r�ts ou de traditions partag�s.
Aussi imparfaites pour l'esprit que soient ces coop�rations renforc�es,
elles seraient de toutes fa�ons bien pr�f�rables
� l'abaissement total des fronti�res r�glementaires
et douani�res entre l'Europe et l'Afrique. 1/Les Etats-Unis sont des courtisans plus ou moins casqu�s, comme nous l’avons indiqu� en annexe 4, en signalant la cr�ation en 2007 de l’ � African Command � ou AFRICOM. 2/Pour la premi�re fois, un repr�sentant sp�cial de l'Union aupr�s de l'Union africaine (UA), le diplomate belge Koen Vervaeke, actuel collaborateur du haut repr�sentant de l'Union pour la politique �trang�re, Javier Solana, a �t� d�sign�. Bas� � Addis-Abeba, il aura pour mission de veiller � l'application de la politique europ�enne en Afrique. �� |
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