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Compl�ments du livre
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L'observation du monde quantique la plus surprenante, qu'Einstein s'�tait toute sa vie refus� d'admettre, concerne l'intrication (entanglement). Lorsqu'un syst�me exp�rimental produit deux particules corr�l�es, toute intervention sur l'une affecte instantan�ment l'autre, quelles que soient leurs distances respectives. Leurs �tats sont corr�l�s. Supposer qu'une action � distance (non productrice il est vrai de transfert d'information) puisse se produire instantan�ment, m�me si les particules intriqu�es sont s�par�es par l'univers entier, remet en cause radicalement nos conceptions de l'espace et du temps. Mais il sera sans doute de plus en plus difficile d'admettre l'intrication comme une simple curiosit� scientifique, sans cons�quence sur nos conceptions du r�el instrumental qui sert d'arri�re-plan � notre vie quotidienne. Un article tout � fait r�v�lateur du r�dacteur scientifique Micha�l Brooks publi� dans le NewScientist du 27 mars 2004 nous dit pourquoi. Des physiciens font d�sormais l'hypoth�se que l'intrication entre particules existe partout, tout le temps, et qu'elle est susceptible d'affecter le monde macroscopique, nous obligeant � modifier radicalement nos conceptions de celui-ci. Ceci pourrait avoir des cons�quences relatives � notre compr�hension des ph�nom�nes qui nous demeurent encore en partie myst�rieux, ceux de la vie, auxquels nous ajouterons ceux de la conscience. On l'a dit, l'intrication n'est plus seulement aujourd'hui
une propri�t� th�orique. Elle est utilis�e
pratiquement dans certaines applications, comme la cryptologie quantique.
Toute intervention (lecture) sur une particule corr�l�e
avec une autre affecte imm�diatement l'�tat de la particule
sœur, si bien que deux correspondants �tant convenu d'utiliser
un syst�me intriqu� comme clef de s�curisation pour
leurs �changes peuvent constater en temps r�el les tentatives
d'effraction sur ce syst�me, lesquelles se traduisent par la r�duction
imm�diate et visible de la fonction d'onde des particules. Dans l'exp�rience de Sayantani Ghosh, int�ressant un sel magn�tique contenant des atomes d'holmium, on a pu montrer qu'� tr�s basse temp�rature, ces atomes coordonnaient leur orientation magn�tique au sein d'un champ d'une fa�on explicable seulement par un effet d'intrication. Cet effet avait �t� pr�vu th�oriquement 3 ans auparavant par le physicien th�oricien Vlatko Vedral de l'Imperial College � Londres et a �t� ainsi v�rifi�. C'est la premi�re fois qu'un tel effet est mis en �vidence � �chelle macroscopique. Ceci voudrait dire qu'il faudrait dor�navant prendre en compte les effets de l'intrication si l'on voulait pr�dire le comportement et les propri�t�s de certains mat�riaux (de tous mat�riaux�?) � l'interface de leurs comportements macroscopiques d'une part, quantiques de l'autre. Mais, selon Micha�l Brooks, il va falloir �tudier
l'effet de l'intrication dans de nombreux autres cas, par exemple dans
la supraconductivit� � haute temp�rature, o�
des paires d'�lectrons apparaissent intriqu�es. D'autres
physiciens suspectent que l'intrication est partout, dans le vide quantique
(Reznik, r�f�renc� par Foundations of Physics, vol
33, p. 137), dans les photons qui nous parviennent d'une �toile,
entre les atomes qui composent notre corps (Thomas Durt de la Vrije Universit�
� Bruxelles). Evidemment, suspecter ces divers ph�nom�nes est une chose, prouver leur r�alit� en est une autre, en tirer des cons�quences pratiques une troisi�me. La premi�re difficult� consiste � produire des particules intriqu�es de fa�on courante et en nombre suffisant pour pouvoir exp�rimenter sur elles. Les difficult�s ne sont pas seulement physiques, mais math�matiques et informatiques, car les outils actuellement disponibles pour en calculer les effets sont insuffisamment puissants. Il faudra aussi s'assurer que les premi�res observations relatives � l'intrication entre plusieurs particules se retrouvent dans les nombreux autres domaines o� l'on pourrait a priori suspecter la pr�sence de particules quantiques intriqu�es avec des particules mat�rielles, y compris dans les syst�mes biologiques. Il faudra aussi expliquer pourquoi des particules quantiques peuvent conserver leurs caract�res, notamment l'intrication, alors qu'elles sont au contact d'un tr�s grand nombre de particules mat�rielles�? Elles devraient "d�coh�rer" imm�diatement, comme l'avaient montr� les exp�riences conduites depuis une vingtaine d'ann�es sur la d�coh�rence. Cela �tant, il ne faut pas s'�tonner que les observations pr�c�dent les explications. Peut-�tre m�me faudra-t-il se r�soudre � ne pas expliquer ce que l'on observera. Comme l'on sait, en m�canique quantique, on se borne � mesurer (observer puis pr�dire en termes statistiques) les ph�nom�nes, sans pouvoir v�ritablement les expliquer, tout au moins dans les termes de la physique classique. Il est tout � fait possible que les explications scientifiques traditionnelles demeurent limit�es aux domaines des sciences macroscopiques, celles-ci n'apparaissant plus que comme des cas particuliers d'une science d'arri�re-plan o� l'on se bornera � observer et mesurer - ce qui n'emp�chera pas d'ailleurs d'agir. Par contre, montrer que des particules quantiques interviennent
efficacement dans des syst�mes macroscopiques constitu�s
d'un nombre immense de particules classiques changerait �videmment
notre fa�on de voir le monde. C'est d'abord dans le domaine de
la biologie que la question doit �tre pos�e. L'objection constamment faite aux biologistes �volutionnistes
est que le n�o-darwinisme ne permet pas d'expliquer le d�marrage
du processus r�plicatif (voir chapitre 2). On pourrait envisager
que l'interaction de particules quantiques intriqu�es leur ait
permis de trouver, parmi une quasi-infinit� de solutions test�es
dans le m�me instant, la bonne ou les bonnes solutions susceptibles,
une fois mat�rialis�es dans le monde macroscopique, de se
r�pliquer. En appliquant la m�me hypoth�se, on pourrait
admettre que des particules quantiques intriqu�es avec des particules
physiques entrant dans la composition des mol�cules d'ADN pourraient,
� chaque mutation, calculer les solutions les plus efficaces �
la r�plication du g�nome ou de l'organisme qui en est le
porteur. Ceci r�pondrait � l'autre objection faite aux biologistes
�volutionnistes�: comment les bonnes solutions g�n�tiques
apparaissent-elles si vite, alors que le jeu spontan� des mutations/s�lections
au hasard pourraient demander un nombre d'ann�es bien sup�rieur
� ce qu'est l'�ge de la vie. lui expliquerait l'autre. Les
partisans d'une �volution finalis�e par un facteur ext�rieur
perdraient l� leur principal argument. Evoquons ici d’un mot l'autre hypoth�se, encore plus r�volutionnaire, signal�e par l'article de Micha�l Brooks�: celle selon laquelle les particules quantiques disposeraient d'�tats intriqu�s dans le temps. Si je mesure une particule donn�e au temps t et lui trouve tel �tat, si je renouvelle la mesure une seconde fois, je constate un lien entre la seconde mesure et la premi�re. Tout se passe comme si ma seconde mesure avait affect� la premi�re, par une action � distance dans le temps (analogue � l'action � distance dans le temps qui lie les mesures de l'�tat de deux particules intriqu�es). Selon Caslav Brukner, ceci ne permet pas de transmettre des informations dans le pass� car il n’y a pas transmission d’�nergie, mais peut avoir une cons�quence autrement importante, sur le plan th�orique�: c'est que l'espace et le temps sont �galement quantifi�s et mesurables. La m�canique quantique n'admet pas que le temps soit un observable, mais ce ne devrait pas �tre le cas de la gravitation quantique, dont on attend un jour ou l'autre, peut-�tre prochain, des propositions r�volutionnaires, par rapport � la physique actuelle, propositions selon lesquelles le tissu ultime de l'univers ne ferait pas r�f�rence au temps non plus qu'� l'espace consid�r�s comme des cadres absolus - ce qui est d�j� le cas dans le vide quantique ou plus simplement dans les trous noirs. Il est �vident que si des particules quantiques
intriqu�es avec des particules classiques, celles notamment composant
notre g�nome, pouvaient d'une fa�on ou d'une autre r�troagir
sur leur �tat pass� en fonction de leur �tat pr�sent,
ceci expliquerait encore mieux que l'appel � des computations quantiques
l'apparente finalit� de l'�volution. Une solution isol�e
ayant r�ussi aujourd'hui pourrait modifier les param�tres
lui ayant permis de voir le jour, de fa�on � ce que ceux-ci
puissent produire � plus grande �chelle la bonne solution.
Mais n'explorons pas davantage de telles perspectives, car il est �vident
que si leurs fondements scientifiques se v�rifiaient, bien d'autres
cons�quences pourraient en d�couler, n'int�ressant
pas seulement l'�volution biologique. Mais que se passerait-il si les calculs qui me permettent
de me concevoir comme capable d'agir librement se d�roulaient dans
le monde quantique. Dans ce cas, en un temps nul, les neurones supports
des m�canismes d'auto-r�flexion pourraient par l'interm�diaire
de particules quantiques intriqu�es � certains de leurs
�l�ments, proc�der � des computations dont
seul le r�sultat (suppos� alors le meilleur) �mergerait
sous forme de d�cision observable. Quand je me sens libre de prendre
telle ou telle d�cision, je ne pr�tends pas que je suis
libre de faire n'importe quoi, par exemple d�cider de fa�on
al�atoire comme si je tirais la solution au sort. Je me sens seulement
libre de faire un choix responsable, engageant l'ensemble de mon �tre
et de son histoire, conscient et inconscient. Mais dans le monde de la
neurologie computationnelle macroscopique, je n'ai ni les ressources ni
le temps de proc�der aux innombrables computations qui seraient
n�cessaires. D'o� ma tentation de consid�rer que
ma suppos�e libert� n'est qu'une illusion et que je suis
en fait agi par des d�terminismes divers. Ces supputations apportent de l’eau au moulin �
la th�se de Seth Lloyd, expos�e ci-apr�s, selon laquelle
l’univers serait un immense ordinateur quantique. �
Sayantani
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