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La science, selon Robert Laughlin, d�couvre aujourd'hui une nouvelle fronti�re, celle de l'�mergence. Mais elle est encore loin de disposer des outils lui permettant de faire face aux d�fis qui en r�sultent. Deux types de "lois" continueront � s'opposer, la loi des parties et la loi du collectif. Autrement dit la science balancera toujours entre deux Ages, celui du R�ductionnisme et celui de l'Emergence. Mais aujourd'hui, il est indispensable de comprendre que les succ�s ind�niables du r�ductionnisme, justifiant notamment le pouvoir absolu des math�matiques, ne doivent pas faire oublier les fronti�res qu'il atteint. C’est la difficult� que doit r�soudre toute activit� scientifique qui fondamentalement vise � construire des mod�les (Sur la science et les mod�les, voir Les grands concepts de la philosophie des connaissances, en annexe. La r�alisation de mod�les est un processus fondamental aussi bien dans les sciences que dans les technologies. La mod�lisation consiste � repr�senter en format r�duit et simplifi� (qui sont souvent des �quations ou des programmes informatiques) tels � �v�nements � ou ��objets�� du monde � r�el � trop complexes pour qu’il soit possible d’exp�rimenter directement sur eux. Nous mettons des guillemets pour introduire les nuances qui seront expos�es ult�rieurement, relativement au concept de r�alit�.). Ces mod�les ne peuvent, m�me quand ils d�coulent de lois math�matiques rigoureuses, �tre exhaustifs ni totalement pr�dictifs. Il faut aborder l'Age de l'Emergence, y compris en acceptant toutes les fausses explications qui peuvent momentan�ment r�sulter d'une recherche n�cessairement al�atoire des processus g�n�rant l'�mergence. Nous ne pouvons en ce qui nous concerne qu’adopter pleinement ce point de vue. Or la science et plus g�n�ralement la soci�t� ne paraissent pas en �tat de le faire. Vivre � l'�ge de l'Emergence signifie, nous l'avons vu, vivre avec l'incertitude, et cela la soci�t� ne l'accepte pas. Sous des pressions diverses, y compris politiques et �conomiques, la science a tendance � tenter de sauver le r�ductionnisme en inventant des mythologies que Robert Laughlin compare aux anciens Dieux de l'Olympe, destin�s � rassurer les hommes. Parmi ces mythologies, il range les hypoth�ses concernant les premiers instants du Big Bang, l'�re inflationnaire (Hypoth�se de l’inflation cosmologique. Dans les premiers instants de la vie de l’univers, celui-ci aurait subi une �norme augmentation de taille. Celle-ci expliquerait pourquoi aujourd’hui il nous appara�t illimit� dans l’horizon visible. Cette hypoth�se, qui explique beaucoup de choses, semble aujourd’hui de plus en plus contest�e. Elle para�t vraiment con�ue, selon l’ancienne expression, pour sauver les apparences. On en saura davantage apr�s le lancement de la sonde europ�enne Planck, vers 2010/2012, destin�e � mesurer de fa�on plus pr�cise qu’actuellement les anisotropies ou diff�rences dans le rayonnement micro-onde � 4� r�sultant du Big Bang.), la g�n�ration de b�b�-univers, le principe anthropique (1), la th�orie des cordes au niveau subatomique et tout ce qui fait aujourd'hui la r�putation d'une certaine physique th�orique renon�ant � la possibilit� d'�tre v�rifi�e de fa�on instrumentale. Robert Laughlin ne refuse pas l'utilisation des grands instruments en astronomie ou en physique. Il ne refuse pas la recherche de mesures de plus en plus pr�cises. Mais il voudrait que ces instruments soient utilis�s les yeux grands ouverts sur l'insolite voire sur l'incompr�hensible qu'ils pourraient r�v�ler. Il s'agit d'une d�marche difficile, non programmable par le pouvoir politico-scientifique, qui repose essentiellement sur la libert� d'esprit et de cr�ation des chercheurs. Il fait le pari que, malgr� le poids des appareils, de tels chercheurs existeront toujours, du moins dans les d�mocraties. Comment cependant tenir compte de l’�mergence dans l’enseignement des sciences ou dans celui des bonnes m�thodes scientifiques�? Une premi�re difficult� appara�t, qui consiste � identifier les objets �mergents afin de ne pas les confondre avec des objets susceptibles d’�tre analys�s � partir de la connaissance de leurs composants. Si je suis en pr�sence d’une machine relativement simple, comme l’est un moteur automobile, je pourrai analyser ses pannes en testant le fonctionnement de ses diverses parties. Si je me trouve confront� � un syst�me complexe, comme un r�seau de t�l�communication dense, je serai oblig� d’admettre que certaines pannes pourraient �tre �mergentes. Je ne pourrai pas les d�tecter et moins encore les r�parer en intervenant sur les nœuds ou les terminaux pris un par un. Je devrai me r�soudre � une approche interactionniste (me connecter au syst�me et observer comment il r�pond) ou m�me syst�mique, de type probabiliste. Autrement dit, un d�panneur informatique pourra expliquer la survenue d’un bug en faisant appel � l’�mergence. Un m�canicien automobile ne le pourra pas… en principe. Il est difficile de se rendre compte de la complexit� des objets et ph�nom�nes du monde, entra�nant la n�cessit� de d�finir des modes d’analyse et d’intervention sp�cifiques � la totalit� et ne se limitant pas � agir sur telles ou telles de ses parties. On pourrait affirmer que le progr�s contemporain des sciences repose actuellement pour l’essentiel sur cet exercice. Il oblige � sortir des approches compartiment�es pour �tablir des synth�ses. Mais jusqu’o� aller dans la d�finition des limites d’un ph�nom�ne ou d’un organisme complexe r�put� �mergent�? On voit la difficult� quand il s’agit par exemple de th�rapeutique. Faut-il identifier puis traiter les pathologies au plan local ou � celui de l’organisme entier�? Faut-il aller plus loin et r�introduire l’organisme dans son environnement �cologique ou sociologique�? Vu l’importance que repr�sente pour l’innovation scientifique l’identification de l’�mergence, on aurait pu penser que le ph�nom�ne aurait fait depuis longtemps l’objet d’�tudes m�thodologiques sur le th�me�: ��Apprenons � ne pas confondre le Tout avec ses Parties�� ou, inversement, ��Apprenons � identifier un Tout possible derri�re les Parties qui se manifestent � nous��. Mais rien n’a apparemment �t� fait de fa�on syst�matique dans cette direction. Par ailleurs, faudra-t-il traiter l’�mergence comme un m�canisme g�n�ral intervenant dans l’importe quel domaine de la connaissance scientifique�? Ou bien sera-t-il n�cessaire de distinguer selon les domaines, l’�mergence en biologie ne se d�finissant pas de la m�me fa�on que l’�mergence en physique ou en sciences humaines�? A priori, nous serons tent�s pour ce qui nous concerne d’essayer d’analyser l’�mergence comme un ph�nom�ne global du monde profond, et non pas comme quelque chose � d�cliner de fa�on diff�rente selon les domaines. Ceci n’emp�chera pas cependant d’�tudier ensuite la fa�on dont elle se manifeste au cas par cas, afin notamment de faire des comparaisons. Ainsi l’�mergence du comportement en essaim ou celle du langage ne se produira pas exactement de la m�me fa�on dans les esp�ces vivantes ou dans les mod�les informatiques, automates cellulaires ou robots, cens�s la reproduire. Mais si d�tecter l’�mergence est consid�r�
comme un �l�ment essentiel � la cr�ation scientifique,
on pourrait dire aussi qu'elle ne se produit que dans l’esprit de
l’observateur. Dans le monde r�el, tout est li� depuis
les origines. Le propre de la d�couverte scientifique humaine consistera
� �largir les mod�les du monde qu’il se donne
par la pratique exp�rimentale pr�c�demment d�crite.
Le scientifique �tablit des lois et, subitement, il d�couvre
en continuant � exp�rimenter que ces lois ne sont plus pertinentes
et qu’il faut en proposer d’autres. Alors il parlera d’�mergence.
Pour identifier les � faits � exp�rimentaux susceptibles
de remettre en cause des lois �tablies, il faut beaucoup de clairvoyance,
de courage et une certaine dose d’inadaptation � l’establishment
scientifique dominant. 1 : Selon le principe anthropique,
l’univers para�t �tonnamment compatible avec l’apparition
de la vie et de la pens�e. Certains en d�duisent (principe
anthropique fort) qu’il a �t� organis� en ce
sens par une puissance sup�rieure. On rejoint l’hypoth�se
du Cr�ateur ou de l’�volution finalis�e vers
un but. D’autres pensent (principe anthropique faible) que l’univers
�volue spontan�ment vers des formes de mati�re et
d’�nergie propices � la vie et � l’intelligence.
Nous discutons cette hypoth�se ci-dessous. |
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