La question des math�matiques

Toutes les sciences ont recours aux math�matiques,
y compris la physique quantique.
Elles le font d'abord par commodit�. Une �quation ou une
figure g�om�trique permet de se repr�senter un ph�nom�ne,
sous forme de mod�le, plus facilement qu'en utilisant les p�riphrases
du langage courant. De plus, aujourd'hui, les ordinateurs peuvent faire
tourner des �quations complexes sans effort, faisant appara�tre
des r�sultats insoup�onnables par l'imagination. En ce sens,
les math�matiques sont la repr�sentation la plus fid�le
qui soit du r�el instrumental produit par l'homme, tel que d�fini
ci-dessus : par exemple un pont, une fus�e spatiale, une fonction
biologique.
Mais les math�matiques sont-elles pour autant l'expression la plus
fid�le qui soit d'un hypoth�tique r�el en soi, �
supposer que nous conservions ce terme ? Autrement dit, le r�el
est-il math�matique ?
Beaucoup de math�maticiens ont tendance � le penser(1).
Mais il est difficile de s'en convaincre, car il n'est pas de math�matiques
sans supports mat�riels ou biologiques (neurones par exemple).
Un tissu cosmologique compos� de math�matique para�t
aussi improbable que s' il
�tait, comme le pr�tendent certains, fait d'informations.
Des math�maticiens devenus informaticiens, comme Stephen Wolfram
(Wolfram, op.cit.) pr�tendent d'ailleurs aborder l'ensemble des
probl�mes scientifiques du moment sans faire appel aux math�matiques,
auxquelles ils substituent des automates cellulaires(2).
Pour Wolfram, les math�matiques ne traitent que les questions qu'elles
sont outill�es pour r�soudre. Elles ne cherchent donc pas
� r�soudre des questions qui pourtant seraient essentielles
� la compr�hension de beaucoup de ph�nom�nes
complexes. D'une certaine fa�on, elles interdisent m�me d'imaginer
de tels ph�nom�nes. On pourrait perfectionner les outils,
comme le firent les grands math�maticiens du pass� en inventant
le calcul diff�rentiel et le calcul infinit�simal. Mais
encore faudrait-il que les math�maticiens d'aujourd'hui s'int�ressent
aux questions scientifiques qu'ils ne peuvent r�soudre. Ils leur
pr�f�rent g�n�ralement la th�orie sans
applications.
L'hypoth�se que les math�matiques sont des constructions
ou outils plus ou moins imparfaits dont l'�volution a dot�
les organismes vivants, en m�me temps qu'elle les dotait d'autres
types de langages symboliques, pourrait �tre confort�e par
le fait que l'aptitude � d�nombrer les �l�ments
significatifs de l'environnement, comme d'ailleurs l'aptitude �
construire des cartes g�om�triques de celui-ci, semblent
tr�s r�pandues, y compris chez des esp�ces qui ne
sont pas consid�r�es comme sup�rieures(3).
Nous retrouvons alors l'hypoth�se constructiviste. On construit
les math�matiques dont on a besoin pour agir - ce qui justifie
la revendication de scientifiques travaillant dans les secteurs �mergents
: donnez-nous les outils math�matiques qui nous manquent encore,
au lieu de vous complaire dans la contemplation d'hypoth�tiques
essences math�matiques.
1 :
Un math�maticien fran�ais renomm�, Alain Connes,
parle de " math�matiques archa�ques " qui constitueraient
un univers profond ind�pendant des hommes et que le math�maticien
aurait pour mission de d�couvrir, comme l'explorateur spatial d�couvre
de nouvelles plan�tes. On lira de lui, notamment, Mati�re
� penser (avec Jean-Pierre Changeux), Odile Jacob, 1989-2000 (r��ditions).
2 : Voir chapitre
4.
3 : Des observations, toujours
plus nombreuses, montrent que beaucoup d'animaux pourraient identifier
et distinguer des groupes comportant de un � trois, voire cinq
individus.
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