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� Dans la section ci-dessus, nous �voquons les travaux
de Carl Woese, "inventeur" des arch�obact�ries,
et la question pos�e par Woese et Dyson : d'o� pouvaient
provenir les trois grandes familles identifi�es aujourd'hui, archea,
bact�ries et cellules � noyau. Et surtout, pourquoi semblaient-elles
�tre apparues simultan�ment ? D’o� leur hypoth�se,
celle d’un ��march� commun�� des g�nes,
ant�rieur � l’apparition de ces trois branches. Il
s’agissait selon les auteurs cit�s d'un univers peu organis�
de proto-cellules qui �changeaient constamment du mat�riel
g�n�tique entre elles, au sein d'un environnement commun
dont les effets s�lectifs s'appliquaient � toutes. Ce march�
commun a �t� nomm� par Woese le transfert g�n�tique
horizontal (horizontal gene transfer). Ceux de nos lecteurs qui souhaitent
approfondir cette question s’int�resseront sans doute �
une d�couverte r�cente, r�alis�e principalement
par des chercheurs fran�ais, celle du mimivirus. Rappelons d’abord la d�finition du virus. Rien n’est plus �lusif que ce micro-organisme. Il s’agit de petits �l�ments d’ADN ou d’ARN envelopp�s de prot�ines, interm�diaires entre la vie et la non-vie. Ils n’ont pas de membranes, ce ne sont donc pas des cellules, ni m�me ces cellules �l�mentaires que sont les bact�ries. Ils ne prennent vie que lorsqu’ils envahissent les cellules afin de les utiliser pour se reproduire. Cela en fait les tueurs que l’on conna�t : fi�vre Ebola, VIH, grippe, etc. Mais d’innombrables autres virus ne sont pas pathog�nes. Rappelons que les virus n’�tant pas des cellules ne sont pas sensibles aux antibiotiques. C’est le botaniste hollandaise Martin Beijerinck qui a soup�onn� leur existence au d�but du 20e si�cle en recherchant les causes d’une affection v�g�tale, la Mosa�que du tabac. Les extraits de feuilles infect�s demeuraient virulents apr�s passage par un filtre en porcelaine alors que ce filtre aurait d� arr�ter une bact�rie. Mais l’agent de la mosa�que du tabac n’a �t� identifi� qu’en 1935 gr�ce � l’invention du microscope �lectronique. Le chimiste Wendell M. Stanley, qui obtint pour cela le prix Nobel, montra que le virus pouvait �tre effectivement consid�r� comme interm�diaire entre un organisme vivant et un compos� physico-chimique. Aujourd’hui, le d�bat ne s’est pas �clairci. O� se situent les virus, entre les trois branches de micro-organismes officiellement reconnues : les eucaryotes, multicellulaires disposant de cellules � noyau, les bact�ries monocellulaires avec ou sans noyau (dites procaryotes en ce cas) et les archea, d�couvertes par Carl Woese, bact�ries sans noyau qui constitueraient peut-�tre le tiers de toute la mati�re vivante existant sur la Terre. On consid�rait les virus comme d�pendant des organismes sans lesquels ils ne peuvent se reproduire. Donc ils seraient apparus apr�s ceux-ci et non avant. Mais cette vision est difficilement compatible avec les effectifs de virus que l’on pense exister sur Terre, sans doute en majorit� dans les oc�ans comme le g�n�ticien Craig Venter vient de le montrer en accomplissant un tour du monde en bateau destin� � pr�lever et �tudier des �chantillons de virus oc�aniques. Le nombre des virus identifi�s � ce jour est infime par rapport � ceux qui ne le sont pas. On estime parfois que, mis bout � bout, l’ensemble des particules virales existant sur Terre formerait une ligne longue de 10 millions d’ann�es-lumi�re. Les plus nombreux de ces virus n’apparaissent pas mena�ants pour les esp�ces complexes comme la n�tre mais font n�anmoins partie int�grale de leur vie. Les modes de r�plication des virus sont tr�s vari�s, avec de nombreuses diff�rences dans la fa�on d’infecter les cellules h�tes. Les souches de virus � ADN, comme ceux de la variole ou de l’herpes, peuvent vivre des si�cles en dehors d’un h�te, en se reproduisant par division avec un taux minimum d’erreur. Les virus � ARN se reproduisent vite et en mutant fr�quemment. On estime que ces derniers sont les descendants des formes vivantes existant avant l’apparition de la double h�lice, un monde qui avait �t� qualifi� de "monde de l’ARN". Ils dirigent la copie de leur g�nome sans ADN et, de ce fait, plus rapidement mais avec beaucoup plus d’erreurs - ce qui �tait un avantage � une �poque o� la vie n’avait pas encore choisi de s’incarner dans des formes stables. Aujourd’hui, c’est de nouveau un avantage face aux m�thodes de lutte anti-virales adopt�es par l’homme. Les virus de la grippe, notamment celui de la grippe aviaire, sont aujourd’hui connus, au moins de nom, du monde entier. Le virus de HIV �galement. Mais celui-ci est encore plus pernicieux. Une fois qu’il s’est introduit dans la cellule de l’h�te, sous forme d’un brin d’ARN, il y fabrique son propre double brin d’ADN qui s’incorpore � celui de l’h�te et se transmet avec lui. Il est qualifi� pour cette raison de r�trovirus. Le monde des virus s’est enrichi r�cemment des viro�des, fragments d’ARN sans enveloppes prot�iniques dont le r�le est aujourd’hui inconnu. Les viro�des n’ont pas de g�nes et cependant peuvent provoquer des maladies. D’autres organites, nomm�s satellites, ne peuvent se reproduire que dans un virus, lui-m�me h�berg� par un h�te. Mentionnons pour �tre complet les prions, prot�ines complexes dont le r�le, utile ou nuisible � la vie cellulaire, reste encore en partie myst�rieux. On les exclut � ce jour de la cat�gorie des �tres vivants. Rappelons enfin que l’ing�nierie g�n�tique fabrique aujourd’hui des ARN enti�rement � chim�riques �, en enfilant des paires de bases pour reconstituer certains virus, existant d�j� comme celui de la poliomy�lite, ou inconnus � ce jour dans la nature, mais pouvant potentiellement s’y d�velopper et devenir dangereux pour l’homme. Nous avons �voqu� ces travaux � propos de la biologie synth�tique. Dans le panorama d�j� surprenant des virus, la d�couverte du Mimivirus a eu l’effet d’une petite bombe, dont les retomb�es sont encore loin d’�tre toutes perceptibles. Le Mimivirus est plus complexe g�n�tiquement, non seulement que les virus mais que beaucoup de bact�ries. Cette d�couverte oblige � red�finir le concept plus g�n�ral de virus. On est aujourd’hui tent� de faire des virus une branche � part dans l’arbre de la vie. Mais cette branche ne serait pas r�cente. Elle pourrait au contraire �tre l’anc�tre des trois autres. On pourrait alors consid�rer que les virus seraient � l’origine m�me de la vie, origine dont on sait qu’elle demeure encore myst�rieuse. Nous allons examiner rapidement ces diverses perspectives. On peut attribuer � Bernard La Scola, bact�riologiste au sein de l’�quipe de Didier Raoult (1) l’honneur d’avoir identifi�, en travaillant sur des germes suppos�s de la maladie du l�gionnaire transmis par des coll�gues britanniques, ce qui lui est apparu imm�diatement comme un vrai monstre. Il s’agit d’un organisme montrant des traits caract�ristiques des virus, notamment une architecture cristalline. Mais sa taille, l’esp�ce de chevelure dont il s’entoure, en font un virus diff�rent des autres. Autrement dit, ce que l’on pensait �tre une bact�rie responsable de la maladie du l�gionnaire et d’autres affections pulmonaires voisines, infectant pr�f�rentiellement les amibes vivant dans les r�servoirs d’eaux ti�des et qui avait d�j� �t� baptis� le Bradfordcoque (du nom de la ville britannique de Bradford o� s’�tait d�clench� en 1992 une �pid�mie pulmonaire), �tait en fait un virus, mais un virus tr�s sp�cial. La s�quence du Mimivirus est d�sormais connue, suite aux travaux des �quipes de Marseille. Le Mimivirus est g�ant d’abord par sa taille, qui le place � la limite de la visibilit� des microscopes optiques ordinaires. Son g�nome, d'environ 1,2 million de bases est deux fois plus grand que celui du virus qui d�tenait le record de taille avant lui, un bact�riophage (0,67 Mb). Il est �galement beaucoup plus grand que le g�nome d'une vingtaine d'organismes unicellulaires (archaebact�ries et eubact�ries). Les chercheurs y ont identifi� environ 1200 g�nes potentiels dont 298 auxquels ils ont pu attribuer une fonction. Les virus se contentent g�n�ralement de 10 g�nes, les plus grands en ayant 300 (dont le r�le, en ce cas, n’appara�t pas clairement). De plus l'analyse du g�nome du Mimivirus indique la pr�sence d'une trentaine de g�nes habituellement pr�sents chez les organismes cellulaires et absents des virus. Parmi ceux-ci, on trouve plusieurs g�nes de la synth�se des prot�ines, une propri�t� tout � fait inhabituelle pour les virus, qui utilisent normalement la machinerie de l'h�te qu'ils infectent pour synth�tiser leurs propres prot�ines. On trouve �galement des prot�ines de r�paration de l'ADN, d'aide au repliement des prot�ines et des enzymes du m�tabolisme, jamais identifi�es auparavant chez aucun virus. Cependant, m�me si le Mimivirus pr�sente quelques caract�ristiques cellulaires, il poss�de encore plusieurs des crit�res propres aux virus, en particulier l'absence de m�tabolisme �nerg�tique et un mode de multiplication intracellulaire typiquement viral, supposant l’infection d’organismes h�tes, ici les amibes. Le Mimivirus offre donc des traits qui ne permettent pas de l’assimiler aux autres virus non plus qu’aux trois cat�gories d’organismes cellulaires reconnues aujourd’hui, eucaryotes, bact�ries et archea. Tout laisse penser qu’il s’agit d’une lign�e distincte et vraisemblablement tr�s primitive de virus � ADN. Certaines de ses caract�ristiques se retrouvent dans les trois familles de micro-organismes. On peut en d�duire qu’elles �taient ant�rieures � celles-ci. Dans ce cas, le Mimivirus ou des pr�-Mimivirus auraient jou� un r�le capital dans l’invention des formes cellulaires. Face � lui, les microbiologistes sont un peu dans la situation o� seraient des pal�oanthropologues d�couvrant une esp�ce aujourd’hui vivante qui pourrait �tre plac�e dans l’�chelle de l’�volution au point de divergence des divers embranchements de grands singes. Mais alors les pr�d�cesseurs suppos�s du Mimivirus, comme le Mimivirus lui-m�me, obligeraient � revoir l’id�e bien acquise que les virus ne se d�veloppent qu’en parasitant des organismes cellulaires plus complexes. Mieux encore, si l’arch�o-Mimivirus suppos� avait �t� � l’origine des trois branches actuelles de micro-organismes, il faudrait admettre qu’il aurait �volu� vers, � la fois, plus de complexit� (les cellules) et moins de complexit� (les virus actuels). Ces deux types d’�volution se seraient r�v�l�s �galement fructueux, ce qui d�montre que le retour � plus de simplicit�, ou si l’on pr�f�re � moins de complexit�, peut dans certaines conditions �tre un avantage. Seul le Mimivirus actuel, pour une raison �volutive inconnue, aurait conserv� le grand nombre de g�nes de la famille archa�que. Apparemment, cela n’a pas nui � sa survie, mais ne l’a pas rendu cependant plus efficace en termes de reproduction que ses divers descendants, car il est rest� confin�, autant que l’on sache � ce jour, dans une niche assez �troite, le milieu amibien. Pour reprendre une autre comparaison tir�e de la zoologie, on pourrait voir en lui une esp�ce de cœlacanthe du monde des organismes pr�-cellulaires et pr�-viraux. Apr�s l’analyse du g�nome du Mimivirus, les travaux de s�quen�age de tous les micro-organismes existants, � ARN ou � ADN, sont en train de se multiplier, avec recherche de r�f�rences crois�es. Les �quipes marseillaises et leurs coll�gues de par le monde ont d�j� entrepris de rechercher d’autres esp�ces de Mimivirus, dans les algues, la mer ou les tours r�frig�rantes. Ces travaux renforcent l’hypoth�se selon laquelle ce serait les virus qui seraient � l’origine de la vie, il y a quelques 4 milliards d’ann�es. Pourrait-on alors envisager une �poque o�
les �changes de mat�riels g�n�tiques se faisaient
tr�s librement, avec des taux de mutations consid�rables,
entra�nant des m�canismes d’�limination par
s�lection darwinienne infiniment plus nombreux qu’aujourd’hui
? On pourrait alors reprendre pour caract�riser cette �poque
les termes de march� commun des g�nes ou de transfert g�n�tique
horizontal �voqu�s en d�but de cet encadr�.
C’est ce que pense Patrick Forterre, biologiste mol�culaire � Paris-Sud (Patrick Forterre, http://www-archbac.u-psud.fr/LabHome/PForterre/ePF.html). Il a organis� en juillet 2005 une conf�rence internationale en France � la fondation Les Treilles, sur le th�me �� Les origines du noyau cellulaire��. C’est ce noyau qui permet de distinguer clairement les cellules proprement dites des bact�ries. Le noyau est le centre de commandement de l’ensemble des m�canismes m�taboliques et reproductifs des eucaryotes. Avant lui, la vie pouvait �tre consid�r�e comme un bouillon de culture confus, o� se m�laient et interf�raient tr�s librement les mol�cules pr�biotiques non vivantes et les virus ou pr�-virus. Elle s’est structur�e avec l’apparition des organismes � noyaux. Mais comment le noyau est-il apparu ? La question pr�occupe les biologistes depuis un si�cle et demi. La d�couverte du Mimivirus permet de d�fendre un sc�nario s�duisant. Un gros virus � ADN semblable au Mimivirus aurait pu � une certaine �poque s’introduire dans une arch�o-bact�rie ou une bact�rie. Mais au lieu de la d�truire, il s’y serait incorpor� et y aurait surv�cu sous forme d’une nouvelle structure interne, le noyau. L’hypoth�se est confort�e par l’observation selon laquelle le Mimivirus et les noyaux des cellules des eucaryotes se r�pliquent dans le cytoplasme des cellules de fa�on voisine. Notons cependant que pour d'autres biologistes, le noyau s'est d�velopp� selon une formule analogue � celle de la formation des mitochondries, par introduction et adoption d'une bact�rie. Patrick Forterre a baptis� l’organisme primitif
du nom de LUCA, ou Last Universal Common Ancestor. Celui-ci, selon l’opinion
qui se r�pand, �tait viral. Dans ce cas, les hommes seraient
basiquement des descendants des virus ou de l’organisme archa�que
� l’origine des trois ordres d’organismes vivants.
Ces consid�rations conduisent � regarder les virus avec
un œil moins craintif que celui que nous leur offrons. La tr�s
grande majorit� des virus sont inoffensifs pour leurs h�tes.
Beaucoup sont sans doute utiles. Mais nous ne pouvons pas encore le mettre
en �vidence. Ce sont des parasites, certes, mais les parasites
survivent parce qu’ils sont non seulement inoffensifs mais utiles
� l’organisme parasit�. On pourrait les comparer au
tr�s grand nombre de s�quences d’ADN dont le r�le
n’est pas �lucid� et qui constituent ce que l’on
appelle � tort l’ADN poubelle (junk DNA). 1 : La s�quence compl�te
du Mimivirus, le plus grand virus � ADN connu, a �t�
publi�e en ligne dans la revue Science le 14 octobre 2004 (Science,
The 1.2 Mb genome sequence of Mimivirus, Didier Raoult, St�phane
Audic, Catherine Robert, Chantal Abergel, Patricia Enesto, Hiroyuki Ogata,
Bernard La Scola, Marie Suzan, Jean-Michel Claverie). Les �quipes
du CNRS � l'origine de la d�couverte sont les groupes de
Didier Raoult (Unit� des Rickettsies et pathog�nes �mergents,
UMR 6020 CNRS/Universit� de la M�diterran�e, Marseille)
et de Jean-Michel Claverie (Laboratoire Information G�nomique et
Structurale, UPR 2589 CNRS, Marseille). |
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