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Pour un principe matérialiste fort

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"Pour un principe mat�rialiste fort"

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Mod�les du cerveau : La th�orie de la s�lection des groupes de neurones de Gerald Edelman

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Les �tudes consacr�es au cerveau humain ne se comptent plus, si bien qu’il est s�rieusement envisag� de r�aliser un ou plusieurs Atlas du cerveau permettant de rassembler et comparer les donn�es, afin d’en tirer des informations que leur d�sordre actuel ne permet pas d’obtenir. Les approches et les modes d’observation sont multiples et se situent � tous les niveaux possibles, depuis l’analyse des mol�cules de liaison intersynaptiques jusqu’au cerveau global. Mais il reste difficile de passer de la description � l’explication, notamment quand il s’agit de comprendre l’origine, les modalit�s et l’utilit� fonctionnelle des grandes propri�t�s du cerveau, l’intelligence et surtout la conscience. (1)

La conscience est pourtant, elle-aussi, l’objet d’une inflation d’�tudes consid�rable, comme le montre la lecture des sommaires des revues internationales qui lui sont consacr�es. Dans la mesure o� on accepte le postulat du mat�rialisme scientifique selon lequel la conscience est une propri�t� �mergente de l’organisation c�r�brale ou neurale, l’�tude de la conscience suppose in�vitablement celle du cerveau. Le risque est alors de r�ductionnisme, se centrer sur l’anatomie et la physiologie des aires et des circuits c�r�braux suppos�s impliqu�s dans les �tats pr�curseurs de la conscience, en perdant de vue la n�cessit� de constituer un mod�le d’ensemble dans lequel on pourrait reconna�tre ce que l’intuition commune attribue depuis des si�cles � l’esprit humain et � la conscience.

Gerald Edelman ne pr�te pas � cette critique. C’est certainement dans le monde un des bons connaisseurs, aussi bien du cerveau proprement dit que de ses fonctions �mergentes, notamment la conscience (2). Il dirige aux Etats-Unis le Neurosciences Institute et pr�side la Neurosciences Research Foundation. Il est �galement directeur du d�partement de biologie du Scripps Research Institute. Ses travaux pr�c�dents en immunologie lui ont valu le prix Nobel de physiologie/m�decine. Depuis 30 ans, il s’est consacr� � l’�tude des bases neurales des fonctions c�r�brales sup�rieures : comment le cerveau a-t-il �volu� pour produire ces fonctions, comment celles-ci se manifestent-elles aujourd’hui.

Ceci l’a d’abord conduit � �laborer une th�orie g�n�rale, la Th�orie de la S�lection des Groupes de Neurones, TSGN (Theory of Neuronal Group Selection; TSGN) , reposant sur le principe que face aux exigences de la survie s’imposant aux organismes, des cellules sp�cialis�es, les neurones, eux-m�mes regroup�s en faisceaux, ont �t� s�lectionn�s sur le principe de la comp�tition darwinienne : les groupes de neurones les plus aptes � assurer telle fonction �tant retenus et inscrits dans le patrimoine h�r�ditaire. La comp�tition entre groupes de neurones r�gne �galement au cours du d�veloppement du cerveau chez l’individu jeune, l’adulte et m�me (Des �tudes r�centes montrent que le cerveau �g�, convenablement sollicit�, garde de grandes capacit�s d’apprentissage) la personne ag�e. Plusieurs groupes de neurones entrent en concurrence (dans certaines limites de sp�cialit� �videmment) pour r�pondre � tel besoin, sans plan g�n�tique d�termin� � l’avance. Ceci explique la diversit� des r�ponses possibles et leur redondance �ventuelle ou d�g�n�rescence (entendue au sens de convergence dans les r�ponses fournies par des organes diff�rents. Voir ci-apr�s Th�orie de la s�lection des groupes de neurones).

Gerald Edelman, �tudiant les propri�t�s dites sup�rieures du cerveau, s’est �galement particuli�rement attach� � comprendre le fonctionnement du cortex associatif, depuis longtemps consid�r� comme le si�ge de l’intelligence associative et de la conscience. Il a mis en �vidence l’existence et le r�le des fibres qu’il a qualifi� de r�entrantes joignant � partir du syst�me thalamocortical un tr�s grand nombre des aires c�r�brales sp�cialis�es. Contrairement aux autres groupes de neurones, organis�s soit en boucles ferm�es soit en faisceaux non remontants, les fibres r�entrantes fonctionnent dans les deux sens, �mettant vers une zone donn�e et transmettant en retour des signaux provenant de cette zone. L’ensemble constitue un r�seau dense interactif, couvrant la presque totalit� du cerveau sup�rieur, un peu analogue au r�seau Internet (3). On comprend bien qu’un tel maillage soit �minent favorable � l’�mergence d’�tats associatifs plus ou moins volatils et se succ�dant rapidement tels que ceux identifi�s dans la conscience primaire (commune � un grand nombre d’animaux et � l’homme) et dans la conscience sup�rieure, moins r�pandue puisqu’apparemment limit�e � l’homme.

Tout ceci avait �t� expos� dans de nombreux articles et ouvrages. Mais il manquait une pr�sentation facilement accessible de la th�orie g�n�rale du cerveau et de la conscience qui a progressivement �merg� de toutes ces �tudes. On la trouve dans le dernier ouvrage de Gerald Edelman (Wider than the sky, the Phenomenal Gift of consciousness, Plus vaste que le ciel, Une nouvelle th�orie du cerveau [Edelman, op.cit.]) que nous nous proposons ici d’analyser et commenter. L’auteur part du principe qu’il d�tient aujourd’hui un mod�le explicatif global de la conscience permettant de r�soudre les difficult�s que pose encore la compr�hension d’un ph�nom�ne paraissant rebelle � la description objective, dans la mesure o� nous en sommes nous-m�mes issus (4). Dire que toutes les questions y sont r�solues serait sans doute excessif, mais beaucoup de probl�mes y sont �claircis et des pistes pour tenter de r�soudre ceux qui ne le sont pas sont offertes.
Il va sans dire que Gerald Edelman est un mat�rialiste et s’annonce comme tel, ce qui n’est pas sans courage dans un pays comme les Etats-Unis o� les fondamentalistes religieux disposent d’une audience accrue, y compris de la part des institutions publiques. Mais ce n’est pas un mat�rialiste r�ducteur, puisqu’il postule que si l’esprit n’est rien sans le corps, il admet l’�mergence de la complexit� � partir du simple et se donne les outils pour en traiter sans y voir le produit de d�terminismes lin�aires.

Quelles sont les propositions de Gerald Edelman relatives � la conscience ? R�sumons-les ici, en y ajoutant nos commentaires.

Le mat�rialisme scientifique

L’auteur s’inscrit explicitement dans le postulat du mat�rialisme scientifique: seule l’�tude du fonctionnement des neurones peut donner naissance aux sensations, pens�es et �motions subjectives, c’est-�-dire � la conscience. Darwin avait �t� pr�curseur sur ce point comme sur beaucoup d’autres, puisque pour lui, contrairement � ce qu’avait affirm� son coll�gue Alfred Russell Wallace, les facult�s de l’esprit devaient �tre des produits de l’�volution m�me si initialement ils n’avaient pas contribu� directement � l’adaptation. Le langage serait n� du d�veloppement du cerveau. En retour, il aurait acc�l�r� le d�veloppement de celui-ci. La m�me d�marche est propos�e concernant les raisons de l’apparition de la conscience. Les bases neurales de la conscience, et non celle-ci, ont �t� initialement s�lectionn�es pour leurs contributions � l’adaptation. Ce sont elles qui ont une valeur causale dans le fonctionnement de l’organisme en vue de sa survie. A partir de ces bases s’est construit l’�tat conscient subjectif. Le livre va s’efforcer de montrer comment ceci s’est fait..

Edelman introduit ainsi une de ses propositions importantes. La conscience n’est pas apparue toute arm�e chez l’homme. De plus, ses formes primitives elles-m�mes n’avaient pas de valeur adaptative. Le cerveau s’est d�velopp� selon certaines structures qui, elles, avaient valeur adaptative. Ces structures ont progressivement servi de bases (les bases neurales) aux premi�res formes de conscience. C’est alors seulement que la conscience primaire s’est r�v�l�e utile � la survie des esp�ces qui en �taient dot�es, ce qui a produit en retour le renforcement des bases neurales.
Pour Edelman, on ne peut progresser dans la compr�hension de la conscience qu’en la faisant descendre du pi�destal o� les philosophies id�alistes l’avaient mise. C’est un peu de la m�me fa�on, en d�tr�nant l’homme de la place centrale qu’il s’�tait attribu� dans l’univers, que l’astronomie puis la cosmologie ont pu devenir des sciences.

L’auteur rappelle le fait que la conscience d�pend enti�rement du cerveau, et non d’autres organes. Quand celui-ci est alt�r�, elle l’est aussi. Il n’y a pas de survie de la conscience apr�s la mort. Mais les spiritualistes objectent: “ qu’en savez-vous ? Vous ne recherchez pas scientifiquement de preuves de l’existence de consciences non li�es � des corps, parce que vous postulez que cela est impossible ”. Les mat�rialistes r�pondent : “ si de tels faits avaient �t� scientifiquement observables, ils auraient depuis longtemps �t� observ�s". Il n’y a pas d’ostracisme m�taphysique syst�matique � l’�gard de l’hypoth�se spiritualiste.

La conscience est un processus

Par ailleurs, pour Edelman, la conscience est un processus et non une chose. On ne peut identifier ni dans le corps ni dans le cerveau de neurones sp�cifiques qui seraient le si�ge de la conscience. Ce processus r�sulte de l’activit� de populations de neurones r�parties dans de nombreuses aires du cerveau. C’est aussi un processus propre � chaque individu, puisque chaque humain dispose d’un corps et d’un cerveau non partageable et non exactement semblable � celui des autres humains. Par ailleurs, la conscience est continue, intentionnelle (renvoyant en g�n�ral � des objets ou concepts m�moris�s). Elle est aussi partielle et son champ est fonction du degr� d’attention. Mais l’attention, qui focalise la conscience, n’est pas la conscience. La conscience enfin est unitaire ou int�gr�e, sauf en cas de troubles du cerveau. Elle est faite de sc�nes unitaires se succ�dant � un rythme rapide mais int�grant des exp�riences pass�es (le pr�sent rem�mor� de Edelman).

Qu’est-ce que l’attention ? L’attention est l’aptitude � s�lectionner consciemment certaines caract�ristiques dans un large �ventail de signaux sensoriels pr�sent�s au cerveau. Qu’est-ce qui la provoque ? Un animal peut-il �tre attentif, sans �tre conscient de l’�tre ? Oui, car il s’agit d’un produit des bases neurales de la conscience primaire essentielle pour la survie. Mais comment moi, puis-je s�lectionner consciemment les objets de mon attention ? Qui agit en moi pour m’obliger, par exemple, � rester attentif � la poursuite de la r�daction de ce livre ? Il nous semble que ce th�me de l’attention est trait� trop rapidement par Edelman. Nous pourrions en dire de m�me du th�me de l’heuristique, c’est-�-dire de la recherche attentive de solutions aux probl�mes qui se posent � l’homme, et m�me la recherche de probl�mes l� o� il ne semble pas y en avoir. Ce comportement, chez le chercheur scientifique, est ressenti comme conscient et m�me volontaire. Mais il s’agit sans doute d’une illusion. Quelles en sont alors les bases neurales sous-jacentes ?

Conscience primaire et conscience sup�rieure

Edelman rappelle que nous sommes �galement conscients d’�tre conscients. Mais il faut distinguer absolument entre la conscience primaire et la conscience sup�rieure. La conscience primaire consiste � avoir des images mentales dans le pr�sent. Elle ne s’accompagne pas du sentiment d’un soi dot� d’un pass� et d’un futur. Elle est faite essentiellement de ce que Edelman a nomm� dans ses ouvrages pr�c�dents le “ pr�sent rem�mor�” (rappel d’exp�riences pass�es). La conscience primaire est commune � l’homme et � de nombreux animaux (sinon � tous les animaux).

La conscience sup�rieure est conscience d’�tre conscient, conscience de ses actes et de ses intentions. Au niveau �l�mentaire, elle exige l’aptitude s�mantique, capacit� de cr�er un symbole en associant une signification � une repr�sentation. Au niveau d�velopp�, elle n�cessite l’aptitude linguistique. Les primates en ont quelques rudiments mais seuls les humains sont dot�s de l’ensemble de ces possibilit�s. Par la vie en soci�t� et le langage, porteurs de connaissances m�moris�es au niveau social, ils ont construit des strates successives leur permettant d’acc�der � des capacit�s conscientes de plus en plus �labor�es.

L’�tat conscient, y compris au niveau de la conscience primaire, permet de ressentir les � qualia �, c’est-�-dire d’attribuer des qualit�s subjectives � certaines perceptions. On ne peut d�crire les qualia en termes objectifs, pr�cis�ment parce qu’ils sont subjectifs, c’est-�-dire r�sultant du fonctionnement de corps et de cerveaux individuels, diff�rents les uns des autres. Les qualia s’encha�nent les uns aux autres. On ne peut �tre conscient d’un qualia isol�. Les qualia servent � op�rer des discriminations d’ordre sup�rieur, utiles � la survie : par exemple distinguer un son renvoyant � un objet ext�rieur mena�ant d’un autre renvoyant � un objet inoffensif.

Nous pouvons sans difficult�, nous semble-t-il, suivre Edelman quand il impose de distinguer syst�matiquement la conscience primaire, tr�s r�pandue dans le monde animal, et la conscience sup�rieure, limit�e aux humains et peut-�tre � quelques animaux sup�rieurs. Il y a encore beaucoup de th�oriciens de la conscience qui ne font pas cette distinction, peut-�tre pour des raisons id�ologiques, car ils seraient alors oblig�s de prendre en compte l’existence de la conscience primaire au sein d’esp�ces r�put�es tr�s primitives.
En amont de l’une et l’autre de ces consciences se trouvent des bases neurales plus ou moins �volu�es qui leur servent de support. Les bases neurales font indiscutablement partie du corps. Evoquer la hi�rarchie : - bases neurales, conscience primaire, conscience sup�rieure - a pour effet de r�introduire la conscience dans les ph�nom�nes biologiques. On pourrait dire qu’il s’agit de la “ r�incorporer ”. C’est ce que de leur c�t� font les roboticiens. Ils ne con�oivent plus de conscience artificielle sans l’implanter dans le corps sensible d’un robot (Voir Chapitre 4).

La r�entrance

Edelman montre que c’est l’anatomie du cerveau qui permet de comprendre l’apparition de la conscience : description globale des r�gions du cerveau, modes de fonctionnement des neurones et des synapses, organisation des trois grands syst�mes neuroanatomiques constituant l’architecture g�n�rale du cerveau. Il est important de visualiser le mode de fonctionnement de chacun de ces syst�mes. Le syst�me thalamocortical, par exemple, assure la connexion entre les diff�rentes aires corticales par l’interm�diaire de fibres “ r�entrantes ” (Voir paragraphe suivant). Par ailleurs, il faut se souvenir de ce que les cerveaux ne sont pas des machines analogues � l’ordinateur, c’est-�-dire construits tous de la m�me fa�on et appliquant des programmes identiques. Chaque cerveau est diff�rent des autres et son fonctionnement suppose l’int�gration dynamique de nombreuses aires diff�rentes, tant dans le cerveau lui-m�me que d’un individu � l’autre.

Le terme de � fibres r�entrantes � a �t� forg� par Edelman pour d�signer des fibres massivement parall�les fonctionnant dans les deux sens et connectant les cartes construites dans chacune des aires corticales. Ainsi s’�tablissent des processus synchrones dynamiques mettant en coh�rence les contenus de ces aires. Nous verrons que la r�entrance est une propri�t� essentielle � sa th�orie du cerveau (Gilbert Chauvet a pr�cis� cette notion de r�entrance, qu’il a particuli�rement �tudi�e. Pour lui il ne peut y avoir r�entrance stricte en raison de la non-sym�trie (voir chapitre 2, section 6)). Depuis longtemps, les anatomistes avaient observ� les fibres de liaison dans le cortex dit justement associatif, mais ils n’en avaient pas tir� de conclusions bien pr�cises relativement � la g�n�ration des �tats de conscience. Le terme de r�entrance est inspir� de l’informatique, comme quoi, m�me si les cerveaux ne sont pas selon Edelman analogues � des ordinateurs s�quentiels, on peut y retrouver certains traits caract�ristiques des traitements informatiques en feed-back.

La Th�orie de la S�lection des Groupes de neurones

Le cerveau n’a pas �t� con�u tout d’une pi�ce. Il s’est form� au cours d’une longue �volution soumettant ses diff�rentes structures � la s�lection naturelle. La th�orie du cerveau propos�e par Edelman dans ses diff�rents ouvrages repose sur le darwinisme global ou th�orie de la s�lection de groupes de neurones (TSGN) d�j� cit�e. Seuls les mod�les s�lectionnistes fond�s sur le raisonnement en termes de population lui paraissent pouvoir expliquer que les cerveaux fonctionnent selon des proc�dures globalement proches malgr� l’ampleur consid�rable des variations individuelles qu’ils pr�sentent. La variabilit� neurale ne traduit pas un d�faut du syst�me, mais est fondamentale. Elle permet que parmi ces populations de variantes soient s�lectionn�s � tous moments les �l�ments les plus aptes � produire les comportements n�cessaires � la survie. Ces �l�ments n’auraient pu �tre programm�s une fois pour toutes compte tenu de l’ambigu�t� des entr�es d’informations provenant de l’environnement.

Comment le cerveau produit-il alors des r�ponses coh�rentes et structur�es ? La TSGN r�pond � la question. Cette s�lection � partir d’un tr�s grand nombre de variantes s’applique � trois niveaux : celui du d�veloppement fœtal, celui de l’exp�rience acquise au cours du d�but de vie, celui de la r�entr�e en cours de vie assurant la coordination de nombreuses aires diff�rentes. L’int�gration par r�entr�e des diff�rentes aires corticales est indispensable pour assurer la liaison (binding) entre ces aires, dont r�sulte la conscience. Comme elle n’a pu �tre programm�e � l’avance, elle ne peut r�sulter que de la TSGN, s�lection des groupes de neurones les plus aptes � assurer cette liaison.

La TSGN explique pourquoi les r�ponses du cerveau peuvent � la fois �tre versatiles et efficaces. C’est qu’elles sont “ d�g�n�r�es ”. La d�g�n�rescence est la propri�t� qu’ont des �l�ments diff�rents d’assurer une r�ponse identique, ou l’inverse. Il s’agit d’une propri�t� biologique tr�s r�pandue, assurant la souplesse adaptative des �tres vivants (5).

La liaison entre les neurones ou groupes de neurones participant � l’�tablissement de ce que Bernard Baars (Baars,. A Cognitive Theory of Consciousness, 1988. Le livre est consultable en ligne sur http://www.nsi.edu/users/baars/BaarsConsciousnessBook1988/index.html)appelle (d’une expression qui ne dit pas grand chose) l’espace de travail conscient. Celui-ci fait l’objet de diverses hypoth�ses : synchronisation par m�diateurs chimiques ou par les champs �lectromagn�tiques (sinon par des actions mettant en jeu des particules quantiques). Ces hypoth�ses n’ont jamais pu �tre vraiment v�rifi�es. Pour Edelman, il n’y a pas de v�ritable probl�me : au sein d’un r�seau dense de fibres interconnect�es dans les deux sens, des liaisons se produisent et viennent en concurrence jusqu’� ce que les plus efficaces l’emportent, avant d’�tre � leur tour remplac�es. On pourrait peut-�tre comparer cela � certains effets globaux se produisant (sans que les utilisateurs en soient conscients) au sein du r�seau Internet, sous l’influence de contraintes externes ou internes. Les flux s’y regroupent en faisceaux plus ou moins persistants, par exemple en cons�quence des requ�tes pos�es aux moteurs de recherche. Ainsi un site tr�s souvent consult� appara�tra automatiquement en t�te de liste.

La conscience primaire

Diff�rents m�canismes c�r�braux ont permis l’apparition de la conscience primaire, c’est-�-dire l’aptitude � construire une sc�ne discriminante (sp�cifique). Le processus fondamental est l’aptitude � proc�der � des cat�gorisations perceptives (d�coupages du monde par le cerveau). Celles-ci sont assur�es par des interactions entre syst�mes sensoriels et moteurs dans des “ encartages ” globaux assur�s par des fibres r�entrantes. Un encartage global est une structure dynamique contenant diff�rentes cartes sensorielles li�es par r�entr�es. Cette structure est � la base de la cat�gorisation. Les entr�es sensorielles externes s’y conjuguent avec les entr�es proprioceptives (internes). Le monde est ainsi “ �chantillonn� ” en fonction des activit�s de l’animal. Plusieurs encartages permettent de cr�er un concept, concept du mouvement vers l’avant par exemple.

Ceci, en l’absence de m�moire, ne suffirait pas � assurer l’adaptation. La m�moire est indispensable � la conscience, m�me primaire. Selon la TSGN, la m�moire est la capacit� � r�p�ter ou supprimer un acte sp�cifique. Elle r�sulte de modifications dans l’efficacit� synaptique de diff�rents groupes neuronaux, modifications qui incitent de fa�on d�g�n�r�e certains circuits � recommencer. Il y a plusieurs sortes de m�moire, � long ou court terme, qui supposent des modifications de force diff�rente (La � vraie � m�moire � long terme impose une biosynth�se prot�ique donc des m�canismes autres.). Dans cette perspective, la m�moire n’est pas la reproduction d’un comportement � l’identique mais la fa�on de faire revivre (ou r�activer) non identiquement des comportements ant�rieurs. D’autres syst�mes (syst�mes de valeur construits lors du d�veloppement) modulent l’�tendue des ressouvenirs. Ainsi, la peur ressentie pendant des bombardements commande, m�me apr�s plusieurs ann�es, l’importance attribu�e � tel souvenir �voquant la guerre (6).

Quel est l’�v�nement d�cisif de l’�volution ayant donn� lieu � l’�mergence de la conscience primaire? Ce serait l’apparition des connexions r�entrantes du syst�me thalamocortical, � la transition entre reptiles et oiseaux puis mammif�res. Deux types de voies r�entrantes permettant le traitement des signaux se seraient d�gag�s, celles distinguant le soi du non-soi. La perception y est associ�e � la m�moire dans de tr�s courts intervalles de temps (le pr�sent rem�mor�). Une sc�ne consciente peut alors �tre cr��e en une fraction de seconde. Les informations provenant du soi y jouent toujours un r�le cl�. L’aptitude � cr�er des sc�nes conscientes est utile � la survie (imaginer un pr�dateur � partir de quelques indices sensoriels).
La conscience sup�rieure s’est d�velopp�e chez les primates sur ces bases, par association avec d’autres circuits r�entrants permettant l’acquisition de la capacit� s�mantique et du langage. La conscience sup�rieure permet d’imaginer le futur, de se rem�morer le pass� et d’�tre conscient d’�tre conscient. Mais la conscience primaire reste fondamentale. Sans elle, pas de conscience sup�rieure.

On pourrait penser que Gerald Edelman d�crit les m�canismes de la conscience d’une fa�on arbitraire. Il donne l’impression d’avoir une id�e a priori de ce qu’est celle-ci et de chercher � retrouver ensuite dans l’anatomie et la physiologie du cerveau les facteurs pouvant produire les ph�nom�nes qu’il a d�finis. Mais le livre d’Edelman est un r�sum� de tr�s nombreux travaux exp�rimentaux qui ont, semble-t-il, permis de tester les hypoth�ses initiales et de les organiser en th�orie g�n�rale du cerveau. Aucune th�orie n’�tant d�finitive, celle propos�e par Edelman est d�j� critiqu�e dans des articles sp�cialis�s que nous ne citerons pas ici. Mais elle nous offre une base de r�f�rence indispensable � conna�tre.

Nous sommes cependant oblig�s de constater que Gerald Edelman ne fournit pas d’indications sur les processus �volutionnaires ayant permis l’apparition chez les successeurs des reptiliens du syst�me thalamocortical r�entrant qui est d�cisif, comme il l’indique, pour la discrimination entre le soi et le non soi. Il ne donne pas davantage d’indications concernant l’apparition des autres syst�mes neuroanatomiques n�cessaires � la conscience primaire. On retrouve la question de fond pos�e par la th�orie darwinienne de l’�volution. Comment des caract�res pr�curseurs de syst�mes favorables � une adaptation ult�rieure peuvent-ils �tre s�lectionn�s alors qu’ils n’apportent aucun avantage dans un premier temps ? Une r�ponse possible, en termes darwiniens (C’est-�-dire en refusant, � nouveau, la facilit� de l’Intelligent Design), serait que des caract�res propres aux neurones, par exemple une propension � d�velopper des axones dans diverses directions, auraient conduit � la mise en place au hasard de fibres r�entrantes associatives, conserv�es dans les g�nomes m�me si elles n’apportaient pas d’avantages particuliers, jusqu’au jour o� de telles fibres auraient rendu suffisamment de services fonctionnels pour �tre s�lectionn�es.

Une autre fa�on d’expliquer l’apparition de cerveaux organis�s pour produire de la conscience primaire puis sup�rieure serait de faire appel aux exp�riences int�ressant l’�mergence de propri�t�s linguistiques dans des populations de robots. S’il s’av�rait que de tels robots commencent � �changer des contenus s�mantiques avant d’avoir, si l’on peut dire, le cerveau pour cela, on devrait pouvoir montrer, dans la suite de ces exp�riences, que ces �changes, devenant de plus en plus complexes, pourraient favoriser la s�lection d’organisations mat�rielles et logicielles les mieux aptes � les traiter et � en g�n�rer d’autres, c’est-�-dire de cerveaux artificiels. On rejoindrait l� l’hypoth�se selon laquelle ce serait le langage et, avant lui, chez les animaux, les �changes sociaux � base de symboles, qui auraient entra�n� le d�veloppement des cerveaux (Voir sur ces points les chapitre 4 et 5.).

Le noyau dynamique

Selon la TSGN �tendue, toutes les exp�riences conscientes sont des qualia, autrement dit des discriminations personnelles dans des sc�nes complexes. Mais comment expliquer la richesse de chaque �tat de conscience et son unit� ? Pour Edelman, comme pour beaucoup de neurologues, il faut faire appel aux propri�t�s des syst�mes complexes (Voir chapitre 2). Un syst�me complexe peut � la fois int�grer ses parties et prendre beaucoup d’�tats diff�renci�s combinant les propri�t�s de ces parties. C’est le cas du cerveau. Ses r�seaux interactifs manifestent une int�gration fonctionnelle pouss�e (par exemple l’aire corticale responsable de l’orientation) puis gr�ce aux liaisons r�entrantes ils deviennent int�gr�s au niveau sup�rieur, c’est-�-dire qu’ils acqui�rent davantage de propri�t�s unitaires quand ils sont li�s que quand ils ne le sont pas.

Cette description peut �tre appliqu�e au syst�me thalamocortical. Il est dynamique et gr�ce au nombre consid�rable de ses connexions neurales, il change d’�tat en quelques fractions de seconde. Par ailleurs il est constitu� d’un plus grand nombre d’interactions internes que d’interactions avec les autres parties du cerveau. Il “ se parle principalement � lui-m�me ”. On peut dire qu’il s’agit d’un noyau fonctionnel au service de la conscience. Edelman l’a nomm� le “ noyau dynamique ”. C’est l’outil n�cessaire aux propri�t�s unitaires et pourtant diff�renci�es du processus conscient. Ses r�ponses peuvent aussi stimuler des syst�mes non conscients donc moduler le comportement de l’organisme entier.

Les premi�res discriminations influen�ant le noyau dynamique proviennent des signaux du corps puis, au cours de la vie, du soi corporel. Mais il n’y a nulle part dans le noyau dynamique un observateur interne (un homoncule) qui pourrait appr�cier son �tat instantan�, m�me si nous avons nous-m�me l’impression d’�tre cet observateur. Cette impression est une construction culturelle qui s’est superpos�e, dans les soci�t�s occidentales, au m�canisme d’int�gration des diff�rents signaux endog�nes et exog�nes recueillis et trait�s par le cerveau (7).

Aussi convaincante que soit l’hypoth�se d’un noyau dynamique qui soit le moteur principal de la fabrication du soi dans la conscience primaire puis sup�rieure, il faut bien avouer que l’hypoth�se laisse en grande partie insatisfait. Comment un tel processus peut-il g�n�rer la conviction qu’�prouve le sujet conscient d’�tre un Je observateur mais aussi un Je acteur, dot� de volont�? Edelman r�pondra sans doute que cette sensation d’�tre un Je est un qualia cr�� au niveau de la conscience sup�rieure qui ne peut �tre d�crit en terme de processus neural. On pourra dire aussi que le Je est une cr�ation r�cente de certaines soci�t�s, et qu’il en existe d’autres o� les individus ne se per�oivent pas comme des Je, mais comme baignant dans une sorte de conscience diffuse, telle que la m�ditation peut en donner l’exemple.
Il reste que, les qualia en g�n�ral et l’intuition d’�tre un Je au sein du champ conscient en particulier �tant des ph�nom�nes fondamentaux dans notre appr�hension du monde, l’impossibilit� pr�cise de d�crire la fa�on dont ils �mergent et se manifestent � l’int�rieur d’un syst�me de r�seaux d’informations tel que le noyau dynamique d�crit par Edelman est tr�s frustrante. Le probl�me, bien soulign� par les spiritualistes, mais qui devrait trouver des r�ponses mat�rialistes, est le suivant : comment un m�canisme physique est-il transform� en sensation.

Pourrait-on esp�rer que les sp�cialistes des syst�mes cognitifs artificiels puissent un jour proposer des mod�les de traitement d’information (sans doute en r�seaux multi-agents) plus convaincants que la description du noyau dynamique donn�e par Edelman, avec une repr�sentation du soi “ vu de l’int�rieur ” dans laquelle nous pourrions entrer ? Avec un peu d’optimisme au regard des possibilit�s de la conscience artificielle, on pourrait envisager en effet de voir op�rer un robot dot� d’un Je artificiel dont nous comprendrions mieux les processus que ceux des cerveaux biologiques. Nous pr�senterons quelques perspectives en ce sens dans le prochain chapitre.

La “ transformation ph�nom�nale ” n’est pas causale

L’impossibilit� de localiser dans le cerveau le Je conscient pose la question du r�le causal de la conscience. C’est pour Edelman le nœud de sa th�orie. On a vu comment le processus conscient peut �tre caus� par des processus neuraux, gr�ce aux interactions r�entrantes centr�es sur un soi servant de r�f�rence pour la m�moire, y compris dans la conscience primaire. L’activit� du noyau dynamique convertit les signaux re�us du milieu ext�rieur ou provenant de l’int�rieur du corps en ce que Edelman appelle une “ transformation ph�nom�nale ” : qu’est ce qu’il en est d’�tre tel animal conscient dot� de ce qualia sp�cifique qu’est la conscience de soi. Elle n’est pas caus�e par les processus neuraux mais l’accompagne. Quel est alors son r�le?

Pour Edelman, la transformation ph�nom�nale (conscience de soi) ne peut �tre causale. Ce sont les processus neuraux qui la g�n�rent qui le sont. Mais elle est un indicateur plus ou moins fiable de la fa�on dont ces processus se d�roulent. Cet indicateur sert d’abord au sujet lui-m�me. Il lui donne si l’on peut dire l’�tat d’un certain nombre de ses compteurs corporels. De plus, si cet �tat peut �tre communiqu� aux autres par un langage quelconque, le groupe tout entier en b�n�ficie. Prenons un exemple simple. Si je glisse sur une pente verticale, le fait d’�tre conscient de ma chute ne m’emp�chera pas de tomber. Mais prendre conscience de cet accident me permettra peut-�tre une autre fois de ne pas me mettre dans la situation de tomber � nouveau. Par ailleurs, je pourrai signaler � mes compagnons que je suis en train de tomber, ce qui leur �vitera de s’avancer comme je l’avais fait sur le bord de la falaise. Compte tenu de tels avantages, les processus neuraux produisant la conscience de soi, conscience primaire puis conscience sup�rieure, ont �t� s�lectionn�s par l’�volution.

Edelman fait l’hypoth�se que c’est principalement du fait de leurs b�n�fices en termes de communication que les processus g�n�rant la transformation ph�nom�nale (notamment le noyau dynamique) se sont d�velopp�s au cours de l’�volution. C’est ce qu’illustre l’exemple que nous venons de donner. Tout ce qui est causal provient de l’�tat du syst�me thalamocortical et des autres syst�mes neuroanatomiques. Sans �tre directement causale, la conscience de soi produit par le noyau dynamique, sous-ensemble du syst�me thalamocortical, serait avant tout un v�hicule de communication faisant conna�tre � l’ext�rieur, notamment aux semblables du sujet, ce qui se passe au sein de l’organisme de celui-ci.

Les processus d�crits sont conformes semble-t-il aux observations neurologiques, y compris en ce qui concerne le temps de retard entre une action (ou d�cision) engag�e au niveau de l’organisme et la conscience que l’on peut en avoir. Ces observations comme on le sait, donnent des arguments � ceux pour qui le libre-arbitre est une illusion. Comment faire coexister le d�terminisme au niveau des d�cisions prises par le corps et la libert� au niveau d’une prise de conscience survenant apr�s que la d�cision du corps ait d�j� �t� mise en œuvre ? (8)

Nous pouvons ainsi dire que Edelman “ r�incorpore ” la conscience. Sans en faire un processus sans influence, un simple �piph�nom�ne, il en fait une des modalit�s par lesquelles le corps manifeste ses d�cisions et amplifie leurs effets. Ceci notamment dans le monde des informations communicables par le langage. De la m�me fa�on, quand le corps prend une d�cision, cette d�cision s’accompagne g�n�ralement d’une action musculaire qui entra�ne une cons�quence sur le monde.

Dire que le corps d�cide ne signifie �videmment pas que le corps jouit d’un libre-arbitre quelconque. Le corps est “ d�cid� ” par de nombreux d�terminismes non lin�aires, bien d�crits par Alain Berthoz, comme nous l’avons vu. Il en r�sulte que, dans une tr�s large mesure, la conscience r�incorpor�e est d�cid�e par ces m�mes d�terminismes, avec un niveau de complexit� suppl�mentaire apport�e par ce qui se passe au niveau de l’individu conscient.

Le corps est �videmment aussi le si�ge d’un grand nombre de comportements inconscients m�diatis�s par le cerveau. Edelman �tudie notamment le syst�me des ganglions de la base et du cervelet, responsables d’automatismes inconscients, comme le contr�le du mouvement. Ils ne comportent pas de fibres r�entrantes. Ils sont reli�s au cortex mais celui-ci ne les commande que lorsque l’attention prend le relais des automatismes, par exemple � certains moments difficiles de la conduite automobile. Il existe plusieurs niveaux d’attention, sous commande du cortex. Dans certains cas, les ganglions de la base peuvent agir sur le cortex. Cela pourrait �tre une fa�on d’expliquer l’inconscient freudien et le refoulement, notamment en ce qui concerne le retour du refoul�.

Langage et conscience

La conscience primaire ne permet pas de se repr�senter le pass�, le futur et soi-m�me comme conscient d’�tre conscient. La conscience sup�rieure le peut. Les animaux en semblent d�pourvus, ce qui ne veut pas dire qu’ils n’ont pas de soi, ni d’image du pass� dans le pr�sent rem�mor� ni de m�moire � long terme. Ce qui leur fait d�faut, ce sont les aptitudes s�mantiques, c’est-�-dire l’utilisation de symboles pour donner du sens aux �v�nements et raisonner sur eux en leur absence. Ceci montre l’importance essentiel du langage dans l’�mergence de la conscience. On peut supposer en fait que les deux propri�t�s, aptitudes langagi�res et aptitudes � la conscience, ont co-�merg� et co-�volu� chez les hominiens. D’o� l’int�r�t de l’�tude de l’�mergence du langage chez les robots, �voqu�e dans le prochain chapitre.

Le langage ne se limite pas � l’utilisation de symboles, car il suppose l’aptitude syntaxique, c’est-�-dire la possibilit� de former des phrases. Certains animaux comme les chimpanz�s sont capables de certaines postures reposant sur la recherche de sens (par exemple se reconna�tre dans un miroir) ce qui prouve qu’ils ont un d�but de conscience sup�rieure. Les humains ont des aptitudes s�mantiques et syntaxiques �tendues, se superposant � leur conscience primaire. On a identifi� depuis longtemps les zones c�r�brales y jouant un r�le, notamment l’hippocampe n�cessaire � la m�moire �pisodique, ainsi que les aires du langage dites de Broca et de Wernicke. Mais comment les aptitudes s�mantiques et syntaxiques sont-elles apparues au cours de l’�volution ? Comment a-t-on pu d�couvrir qu’un geste, un son ou un objet pouvait tenir lieu d’une chose ? Sans doute par l’apparition de nouvelles voies et nouveaux circuits r�entrants se superposant � ceux d�j� existants du cortex, et donnant notamment un acc�s �tendu � la m�moire. Par ailleurs nombreuses sont les hypoth�ses anatomiques et comportementales pouvant expliquer l’explosion du langage chez l’homme.

Edelman ne pose pas la question de savoir qui, dans la naissance du langage, a pr�c�d� et induit l’autre, la modification neuronale ou la modification anatomique et comportementale - �tant entendu aussi que le langage n’existant pas encore n’a pu apporter ses b�n�fices, initialement, � ceux qui en �taient d�pourvus. On pourrait l� de nouveau imaginer qu’une petite modification, soit neuronale, soit anatomique, soit m�me comportementale, ait apport� des b�n�fices tr�s r�duits mais suffisamment significatifs en terme d’aptitudes s�mantiques, le processus s’acc�l�rant ensuite. Les pal�oanthropologues consid�rent ainsi que la capacit� des hominiens � cr�er et se transmettre des outils r�v�le l’existence chez eux du langage, ou pr�c�de de peu l’apparition de celui-ci (9). Dans les exp�riences d�j� cit�es d’�mergence du langage chez les robots, c’est la pression de s�lection en faveur de la communication qui a permis l’exaptation en faveur de la cr�ation d’un langage d’aptitudes sensori-motrices pr�-existantes. Certaines hypoth�ses relatives � l’apparition du langage chez les hominiens vont dans le m�me sens. Des aptitudes s�mantiques rudimentaires pr�sentes chez les anthropo�des, peut-�tre � la suite de mutations favorables dans les circuits r�entrants, se seraient trouv�es brutalement encourag�es par un changement d’habitat rendant la communication linguistique indispensable � la survie. Ainsi, la conscience sup�rieure et ses bases neurales seraient un r�sultat de l’�mergence du langage, lui-m�me �tant un r�sultat de l’apparition d’une vie en soci�t� exigeant pour sa survie la communication symbolique d’individu � individu.
Mais peut-on �tre conscient sans langage ? Autrement dit, peut-on penser sans les mots ? Les th�oriciens du “ d�terminisme linguistique ” r�pondent par la n�gative. Edelman semble partager ce point de vue. On sait que la question est controvers�e.

Il est important pour comprendre les cultures d’admettre que la conscience sup�rieure est le produit du langage, lui-m�me produit d’une soci�t� oblig�e � communiquer et ma�trisant la production et l’usage d’outils. La vie sociale structur�e par le langage donne naissance en effet aux grandes constructions symboliques d�passant largement les consciences individuelles (mythologies puis th�ories scientifiques). Ces constructions mod�lent la fa�on dont se construisent les contenus conscients individuels, puis par l’interm�diaire des individus qu’elles mobilisent, elles mod�lent le monde tout entier. Les processus impliqu�s paraissent tr�s proches de ceux d�crits par Edelman au niveau des cerveaux individuels. On pourrait parler d’une th�orie de la s�lection des groupes de neurones transpos�e au champ des m�ta-circuits et m�ta-repr�sentations sociales.

Les consid�rations qui pr�c�dent montrent, � notre sens, que l’�tude de la conscience limit�e � ce qui se passe au plan du cerveau individuel n’est pas suffisante. Il faut absolument �tendre l’�tude aux processus se d�roulant au plan des super-organismes sociaux. Mais ceci oblige � bien d’autres consid�rations, notamment celles concernant le r�le �ventuel des entit�s informationnelles autonomes, les m�mes, circulant sur les r�seaux et susceptibles de formater les contenus de la conscience sup�rieure (Voir Chapitre 5. Susan Blackmore, th�oricienne des m�mes, sugg�re que le Je serait en fait un m�me qui se serait empar� du cerveau des hommes modernes.).
L’�largissement de l’�tude de la conscience au niveau du super-organisme humain n’enl�ve �videmment rien � l’int�r�t de comprendre ce qui se passe au plan des individus humains, de leur corps, de leur cerveau et de leurs contenus cognitifs. L’individu demeure en effet un agent essentiel de l’�volution du super-organisme, du fait qu’il est �quip� pour g�n�rer de l’�mergence � un rythme rapide et avec une efficacit� d’action physique sur le monde consid�rable.

La repr�sentation

Pour Edelman, la repr�sentation est le r�sultat de discriminations et cat�gorisations effectu�es par le sujet conscient. Par exemple, je me repr�sente la table que je regarde comme distincte du reste de la pi�ce. L’auteur ne veut pas en faire l’�quivalent, trop souvent utilis� par ce qu’il nomme les psychologues cognitivistes, des structures neuronales (�quivalentes � des informations dans un ordinateur) induites par les signaux venus de l’ext�rieur. Il s’agit l�, dit-il, d’une description vue de l’ext�rieur ou objective qui perd de vue les sens et les intentionnalit�s qu’ont ces structures pour celui qui les h�berge. De plus, pour lui, le substrat neural de la conscience n’est pas repr�sentationnel. Des formes de repr�sentation se produisent dans la conscience mais elles n’�voquent pas les �tats neuraux sous-jacents, m�moire, cartes perceptives par exemple. Ceci permet de ne pas lier les repr�sentations, terme � terme, avec les �tats du cerveau ou les �tats de l’environnement. Des formes diverses de repr�sentations, par exemple des images mentales, sont li�es � des �tats divers de la conscience primaire et de la conscience sup�rieure, mais ne les d�terminent pas. La cognition et l’intentionnalit� de la conscience sup�rieure ne d�clenchent pas n�cessairement des images. Ceci permet d’�viter de traiter les repr�sentations comme les donn�es n�cessaires au fonctionnement de l’ordinateur c�r�bral, lequel se livrerait sur elles � des calculs.

La signification, essentielle � l’intentionnalit�, r�sulte du jeu de nombreux processus convergents qui enferment la repr�sentation dans les circuits “ d�g�n�r�s ” r�sultant du fonctionnement des fibres r�entrantes support de la conscience sup�rieure. Il n’y a pas une fonction s’appliquant � une repr�sentation, comme dans l’ordinateur, mais des interactions multiples et changeantes dont beaucoup se passent de repr�sentations. N’importe quelle repr�sentation peut correspondre � de nombreux �tats neuraux sous-jacents et � de nombreux signaux diff�rents re�us de l’ext�rieur. Edelman pr�sente des exp�riences de magn�to-enc�phalographie qui d�montrent cette affirmation. C’est la diversit� des faisceaux r�entrants qui permet une telle convergence, nouvelle preuve apport�e selon lui � la TSGN �tendue.

Ceci montrerait qu’une grande partie de la psychologie cognitive perd de son int�r�t, quand elle pr�tend attribuer des �tats fonctionnels �quivalents � des informations de m�me nature cod�es dans les cerveaux et trait�s par des programmes computationnels identiques (10). Une tr�s grande diversit� et variabilit� est la r�gle, non seulement au niveau des repr�sentations et de leur r�le, mais au niveau des �tats neuraux sous-jacents. L’intentionnalit� et la volont� d�pendent de l’interaction des contextes locaux du milieu environnant, du corps et du cerveau.

D’une fa�on g�n�rale, Edelman diminue l’importance que l’on attribue g�n�ralement aux repr�sentations. Il n’en fait certes pas des �piph�nom�nes mais des productions non imm�diatement significatives. En d’autres termes, selon lui, il ne faudrait pas attribuer trop d’importance aux images du monde que nous h�bergeons. C’est l� un nouvel aspect de sa d�marche g�n�rale : r�incorporer la conscience dans les m�canismes neuraux sous-jacents, afin d’aller directement � ces derniers. Mais alors se pose la question du r�le de ces repr�sentations, qu’il faudra bien expliquer pour comprendre leur apparition et leur survie au cours de l’�volution. Y a-t-il l� quelque chose � voir avec l’imaginaire ou m�me avec le r�ve ? Quel est le lien entre la repr�sentation susceptible de prise de conscience et la cat�gorisation qui constitue la fa�on �l�mentaire dont l’organisme vivant s’inscrit dans le monde, ceci avant m�me qu’il ne dispose d’une conscience primaire ?

On ne doit pas non plus oublier que les repr�sentations ne sont pas seulement des constructions individuelles. Elles sont aussi construites au cours des relations entre individus. Par exemple, la repr�sentation d’un pr�dateur est construite au cours d’exp�riences v�cues par le groupe ou transmise par lui. Elles jouent donc un r�le plus important que ne semble le penser l’auteur.

Ceci nous conduit au concept de concept, dont Edelman ne parle pas, sauf � dire que le concept d�signe l’aptitude du cerveau � cat�goriser ses propres activit�s et � construire un universel, ce qui ne nous para�t pas suffisant. Le concept est une des briques de base avec lesquelles se construisent les �changes langagiers au sein d’une collectivit�. Pour simplifier, on pourrait dire que les concepts correspondent aux mots du langage verbal. Ils ne sont pas construits par des individus particuliers, � partir de leurs repr�sentations. Ils �mergent sur le mode darwinien des interactions multiples entre locuteurs ayant acquis des repr�sentations globalement comparables et v�rifi�es par l’exp�rience collective. Ainsi, � force d’�tre expos�s � la pluie, comme tous les �tres vivants, certains d’entre eux y ont associ� une repr�sentation individuelle que, dans leurs �changes, ils ont fini par nommer de la m�me fa�on, rassemblant sous ce nom un certain nombre de caract�res statistiquement significatifs (humidit�, froid, utilit� pour l’agriculture, etc. ). Les concepts, en retour, contribuent � formater les repr�sentations individuelles en les enrichissant de tous les sens donn�s par la collectivit� au ph�nom�ne d�sign� par le concept.

Le concept de concept, entra�nant celui de loi reliant les concepts (loi scientifique, par exemple) nous conduit � la question de la construction des connaissances. M�me si celle-ci est un ph�nom�ne collectif, les cerveaux individuels y contribuent directement. On trouve toujours, semble-t-il, un individu � l’origine de la qualification d’une entit� observ�e. Il ne semble pas qu’aux origines, ce processus soit tr�s diff�rent de ceux int�ressant la cat�gorisation, notamment au sein de la conscience primaire. Mais, dans la conscience sup�rieure, comment le cerveau observant les images qu’il re�oit du monde ext�rieur � partir de ses organes sensoriels et de ses instruments, en fait-il des “ objets ” de connaissance scientifique ? Autrement dit, le processus d�crit par Mme Mugur-Sch�chter sous le nom de MRC s’applique-t-il, consciemment ou inconsciemment ? (Voir chapitre 1 sur le r�le de l’observateur dans la construction de la � r�alit� �. ).

Plus g�n�ralement, ne faut-il pas s’interroger sur le processus �pist�mologique d’acquisition et de contr�le des connaissances, incluant notamment l’induction et l’abduction (11), quand on �tudie la conscience et les bases neurales de celle-ci ?)

1 : Pour ceux qui voudraient approfondir l’architecture g�n�rale du cerveau et ses grandes fonctions, ce que nous conseillons vivement, les ouvrages ne manquent pas. Voir Le cerveau et la pens�e : La r�volution des sciences cognitives, collectif coordonn� par Jean-Fran�ois Dortier Editions sciences humaines 2003. Pour les d�tails anatomiques, l’Atlas du cerveau, De Boeck, de Joseph Hanaway et al, 2000 reste une bonne r�f�rence, m�me s’il n’int�gre pas les derni�res observations permises par l’imagerie fonctionnelle c�r�brale.

2 : Nous pensons n�anmoins que les travaux de Gilbert Chauvet portant sur le cerveau et la conscience permettront d’aller plus loin que ceux de Gerald Edelman, car ils reposent sur une base th�orique math�matique que n’ont pas les seconds.

3 : Les logiques de construction et de fonctionnement du r�seau Internet dont la complexit� s’accro�t quotidiennement, fournissent de nombreux �l�ments de comparaison pouvant aider � comprendre le fonctionnement des r�seaux biologiques complexes, que ce soit dans le cerveau, dans les �changes �volutifs entre esp�ces ou dans les soci�t�s humaines non encore informatis�es. Est-ce � dire qu’Internet est copi� de la nature. Internet �volue seul et selon ses lois propres, du fait de millions d’initiatives individuelles non planifi�es. Il s’agit l� encore d’une convergence de solutions permettant de r�soudre des probl�mes fonctionnels identiques � partir de substrats tr�s diff�rents.

4 : Il s’agit d’une question difficile � r�soudre par des raisonnements lin�aires : comment un cerveau qui constitue un syst�me ferm� peut-il g�n�rer, par la conscience ou autrement, des descriptions de lui-m�me n�cessitant de sortir du cerveau pour le d�crire de l’ext�rieur ? La cosmologie se heurte � la m�me difficult�. Comment sortir de l’univers pour en donner des descriptions objectives alors que nous sommes enferm�s sans recours dans cet univers. La question se r�sout si l’on admet que les descriptions ne sont pas � ambition r�aliste (voir chapitre 1) mais constituent des constructions relatives � l’objet d�crit, � l’observateur/agent causal et � ses instruments.

5 : Le mot � d�g�n�rescence � est �videmment un faux ami. Ici, il est employ� dans une acception inspir�e aux math�matiques. Ainsi une courbe qui � d�g�n�re � est une courbe qui se d�compose en courbes distinctes plus simples, convenant � des besoins de description particuliers.

6 : Gilbert Chauvet, dans son ouvrage, a trait� de l’intelligence collective (Chauvet, Comprendre l’organisation du vivant, p. 111). Celle-ci met en œuvre une suite d’op�rations qui suppose la m�moire, puisqu’elle permet d’apprendre en comparant le pr�sent aux exp�riences pass�es par une mise en relation temporelle. L’auteur met en �vidence quatre grandes �tapes : la m�morisation pr�alable de faits � partir d’exp�riences appartenant � un ensemble d’�v�nements - la stimulation cognitive par un nouvel �v�nement E - la mise en situation de cet �v�nement E par rapport au contexte des �v�nements appris m�moris�s - la mise en relation (explication) avec d’autres contextes, qui cr�e un nouvel �v�nement dans la contrainte d’environnement de E, appartenant � une autre s�rie d’�v�nements. A partir de cette quatri�me �tape, il y a satisfaction ou non, autrement dit l’explication donn�e appara�t ou non satisfaisante. L’am�ricain R.C. Schank , par des voies diff�rentes, a obtenu des conclusions similaires (Goal-based scenarios, dans Leake Case-based reasoning : experiences, lessons and future directions. MIT Press, 1996).

7 : Nous reviendrons dans le chapitre 5 sur la question de la construction du Je, ignor� par d’autres soci�t�s, notamment extr�me-orientales. Lire � ce sujet The Rise and Fall of Soul and Self, de R. Martin et J. Barrest, Columbia University Press. 2006.

8 : De nombreux neuroscientifiques actuels persistent � tenter de d�montrer l’irr�ductibilit� de la question du Je, c’est-�-dire du Hard problem. Citons Christof Koch, "The Quest for Conciousness", Roberts and Co ou Jeffrey Gray, "Conciousness, creeping up on the Hard problem", Oxford University Press. Mais tous finissent par nier le fait que le Hard problem se pose vraiment. Jeffrey Gray envisage m�me l'hypoth�se selon laquelle le monde per�u par la conscience ne soit pas le monde r�el.

9 : C’est ainsi que ceux qui se demandent si l’Homo Neanderthalensis esp�ce humaine ant�rieure (ou parall�le) � l’esp�ce Homo et ayant �t� sa contemporaine, disposait de langage, on r�pond par l’affirmative. Les N�anderthaliens en effet ma�trisaient le feu et des techniques complexes de fabrication d’outils, qui n’auraient pas �t� concevables sans l’existence d’une culture bas�e sur des �changes langagiers. Sur ce point, on lira le r�cent et tr�s int�ressant ouvrage de la pr�historienne Maryl�ne Patou-Mathis, N�anderthal , une autre humanit�, Perrin, 2006. Voir aussi le num�ro sp�cial de La Recherche, N�andertal, ao�t-octobre 2006. Sur le N�anderthal ou N�andertal, l’orthographe diff�re selon les auteurs. Nous ne pouvons malheureusement demander leur avis aux int�ress�s.

10 : Ainsi, il est soit na�f soit volontairement tendancieux d’imputer aux actualit�s t�l�visuelles souvent violentes le d�veloppement de la violence dans les soci�t�s urbaines. Chaque cerveau interpr�te et r�utilise des images identiques d’une fa�on qui lui est propre. On peut cependant proposer des relations statistiques g�n�rales grossi�rement exactes entre violences symboliques et violences v�cues. La question r�f�re � la m�m�tique.

11 : L’abduction (selon Pierce) consiste � passer de d�ductions puis d'inductions locales � l'�laboration de th�ories plus g�n�rales, de type paradigmatique. On consid�re g�n�ralement qu’il s’agit d’une aptitude dont seul l’homme serait capable.

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