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Pour un principe matérialiste fort

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"Pour un principe mat�rialiste fort"

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Un cahier des charges fonctionnel pour une conscience artificielle

Il ne s’agit pas de revenir sur la question de la conscience humaine, mais de se placer dans la position de l’informaticien concepteur de syst�mes calculables, qui propose une vision de la conscience artificielle � partir des techniques les plus sophistiqu�es de l'intelligence artificielle. L’informaticien est un scientifique qui fait des mod�les et qui r�alise des syst�mes. Autrement dit, il fait appel � la science des mod�les calculables.
Pr�cisons par ailleurs que ce que nous pr�sentons ici ne pr�tend pas d�finir la fa�on dont tous les informaticiens devraient ou ne devraient pas sp�cifier un projet de cette nature. Il s’agit d’une possibilit� parmi d’autres. Mais comme les responsables de projets sont g�n�ralement tr�s discrets sur la fa�on dont ils voient les choses, nous ne pouvons rien dire de ce que pourraient �tre d’autres approches. Nous devons par contre remercier Alain Cardon qui, dans la grande tradition d’ouverture de l’universit� fran�aise, n’a pas h�sit� � publier ses id�es depuis leurs origines.

Le probl�me est le suivant : la meilleure mani�re d’imiter les ph�nom�nes complexes caract�risant la conscience humaine, dont l'organisation fait intervenir des actions � de multiples niveaux, n'est pas de d�couvrir le syst�me d'�quations miraculeux qui permettrait de pr�voir � coup s�r leur comportement � tout instant. Il est de concevoir un syst�me m�diateur artificiel, bas� sur de tr�s nombreuses entit�s informatiques autonomes, �volutives et coop�ratives. Ces entit�s produiraient, par le fait de leur capacit� � s’auto-organiser, un �tat semblable � celui du ph�nom�ne r�el �tudi� mais qui serait lisible et de plus totalement param�trable. Il s'agit de faire correspondre � un ph�nom�ne r�el complexe, que l'�volution a produit sur de longues p�riodes de temps par adaptations - s�lections, un syst�me de m�me nature organisationnelle mais artificiel, fond� sur des processus calculables, param�trable et finalement compr�hensible. Alors, que seront l’architecture de tels syst�mes, leur structure et l'�l�ment minimal leur permettant de s'organiser en se calculant d'une mani�re semblable au ph�nom�ne r�el complexe qu'ils viseront � repr�senter ?

Poser le probl�me

Quel est l’�l�ment minimal, la brique de base, � partir de laquelle construire un syst�me qui doit ressentir et penser artificiellement, un syst�me g�n�rateur d'�motions et �prouvant des sensations. Concevoir un syst�me, c'est d'abord le mod�liser, c'est-�-dire d�crire sa structure et ses fonctions, afin de pr�ciser comment on peut et on va le fabriquer. Ensuite, il faut le construire effectivement, ce qui est un travail �ventuellement tr�s minutieux. Finalement, on le mettra en exp�rimentation dans son environnement d'usage puis on le livrera aux utilisateurs. Il ne s’agit pas pourtant d’un processus de r�alisation lin�aire. L’exp�rimentation n�cessitera g�n�ralement de reprendre toute la d�marche, depuis l'analyse jusqu’� la r�alisation en cours. C’est un processus propre � l’Intelligence Artificielle: construire des syst�mes d'une fa�on dite "incr�mentielle".

Mais pour construire, il faut savoir quel est pr�cis�ment le probl�me pos� et le mod�le. Or l'�nonc� de ce probl�me particulier, r�aliser une machine pensante, est �videmment difficile. On proc�dera par �tapes et la premi�re �tape, en s'inspirant du paradigme de l'�volution du vivant, est de concevoir un syst�me capable de produire en lui des �motions. Le vivant dit inf�rieur, m�me s’il ne g�n�re pas de pens�es conceptuelles, �prouve en effet des �motions. Ensuite, partant de ce premier syst�me, il sera possible en l'augmentant, de concevoir un syst�me g�n�rant des pens�es conscientes. Ainsi semble avoir proc�d� le vivant dans son �volution.

Il s'agit donc de concevoir d'abord, avec des entit�s sp�cifiquement informatiques, c'est-�-dire en utilisant des concepts venant de l'informatique et qui se r�alisent essentiellement sous forme de programmes, un syst�me qui g�n�re des �motions. Il faudra pour ce faire que le syst�me ait un corps, qu'il ait des capteurs lui permettant de sentir les changements physiques de son environnement et qu'il ait des effecteurs lui permettant de mouvoir des organes. Ce corps lui permettra d'avoir une sensibilit�, appr�ci�e comme telle, aux ph�nom�nes externes (exog�nes) et aux mouvements internes (endog�nes). Mais remarquons � ce stade qu'une �motion n'est pas ressentie consciemment, elle consiste seulement en la r�action automatique d'un corps sensible � des stimuli.
Il faudra ensuite qu’� partir de ce corps sensible, le syst�me puisse produire des sensations, c'est-�-dire qu'il puisse �prouver du plaisir, de l'ennui, de la peine, et enfin qu'il g�n�re des faits de conscience, c'est-�-dire qu'il se repr�sente, pour son compte et non pour le compte de son constructeur ou de son utilisateur, certaines choses de l'environnement, en conf�rant � ces choses de la signification dans l'espace et dans le temps. Bien plus, il faudra que le syst�me ait envie de penser et ceci de fa�on aussi constante que possible. Ce dernier point, le souci de penser, sera le probl�me le plus d�licat � r�soudre. Comment un syst�me artificiel, construit avec des composants physiques, des capteurs et leurs syst�mes de commande, puis des processeurs qui ne r�alisent en fait que des calculs m�me s'ils sont distribu�s, peut-il avoir envie de penser � quelque chose, ici et maintenant, et finalement comment fait-il pour penser ? Comment peut-il vouloir, pour penser, se servir de son exp�rience pr�sente et de sa m�moire ? Cette m�moire, dans ce cas, n'aura pas grand-chose � voir avec la m�moire � base d’adresses des ordinateurs classiques, mais elle sera s�mantique et s�lective pour retrouver en m�moire des sensations, des �v�nements, des concepts.

Pour progresser, nous devons approfondir toutes ces questions. Il s’agit, ne nous le dissimulons pas, d’un enjeu consid�rable.

Qu’est-ce, d’abord, que penser artificiellement ? Je ne me pose pas la question, quand je pense, de savoir ce qu’est pour moi la pens�e. Je ne saurais d’ailleurs pas y r�pondre. Pour un syst�me artificiel qui aura � penser artificiellement, on doit par contre se poser la question et y r�pondre. Un tel syst�me, en effet, doit �tre con�u dans sa totalit�, construit avec une pr�cision aussi grande que possible et finalement se comporter d'une fa�on que l'on pourra, en principe, d�crire et suivre.

Mais comment ? Est-ce que penser signifie raisonner ? On sait ce qu'est le raisonnement et m�me comment raisonner en math�matiques et en informatique. C’est ce que l’on appelle produire des inf�rences, c'est-�-dire travailler sur l'�quivalent du logos, d�duire, induire � partir d'axiomes et en utilisant des r�gles. L’Intelligence Artificielle s’y applique avec des r�sultats tr�s satisfaisants depuis de nombreuses ann�es. Mais dans ce cas, les bases du raisonnement sont fournies � la machine, elles sont programm�es � l'avance et la machine ne fait que les utiliser, dans le bon ordre et rapidement. Il faut bien voir d�s ce stade ce qui distinguera un syst�me artificiel conscient d’un automate pr�programm�. Le chien A�bo, que Sony avait commercialis� jusqu’� l’ann�e 2005, disposait de dizaines de milliers de sous-programmes, �crits par des centaines de programmeurs. Ces programmes lui permettaient de faire face � des situations pr�vues � l’avance: par exemple remuer la queue pour donner l’apparence du contentement quand son propri�taire lui caressait la t�te. Mais il s’agissait d’un comportement st�r�otype sur le mode stimulus-r�ponse n’autorisant aucune adaptation et n’ayant aucune signification symbolique - pour le chien A�bo tout au moins, car le propri�taire du chien au contraire pouvait se laissait tromper et pr�tait au robot des sentiments qu’il n’avait pas. Par contre, notre syst�me artificiel se trouvera confront� � des objets du monde qu’il devra distinguer, par construction, mais dont il ne saura rien en dehors du fait qu‘il se heurte � eux, qu'il les appr�hende et qu’il doit les concevoir. Quel sera alors le rapport entre ces choses et les pens�es qu’il d�veloppera � leur propos?

La question fondamentale est bien la suivante : est-ce qu'on peut ramener le fait de penser tel que nous le comprenons quand il s’agit de nous � la production d'un syst�me informatique, fut-il complexe ? La d�finition d'un syst�me, en informatique, est n�cessairement pr�cise : c'est un ensemble fini d'entit�s de calculs en relation, qui forment un tout, qui sont agr�g�es et communicantes. Le syst�me est entour� d'un bord ou interface qui lui permet de communiquer avec son utilisateur et avec le syst�me d’exploitation (operating system) g�rant toutes les activit�s sur le hardware de la machine. Ce bord le d�limite et assure sa permanence. Un syst�me informatique existe sous forme de programmes, est fini et est enti�rement descriptible avant, pendant et apr�s ex�cution des programmes.

Notre r�ponse � cette question fondamentale sera affirmative : il sera possible de ramener le fait de penser � l'ex�cution d'un certain syst�me, mais il nous faudra �tendre la notion de syst�me. Pour ce faire, nous allons choisir la voie syst�mique et constructiviste : nous posons que nous pouvons construire d'une certaine fa�on un syst�me qui va g�n�rer des �tats tr�s particuliers que nous appellerons des pens�es artificielles et qui aura une certaine conscience de lui-m�me. Il s’agira d’un probl�me d'informatique de calculabilit�, n’ayant � ce stade que peu � voir, sinon rien, avec la conscience humaine.

Nous �vacuerons donc de cette fa�on le d�bat sur la relation entre corps, pens�e et conscience humains d’une part et pens�e artificielle, conscience artificielle d’autre part. Nous construirons un ensemble d'automates tr�s �volutifs qui produiront certaines choses que d’aucuns appelleront de la pens�e, d’autres non. Peu nous importera, pourvu que notre syst�me fonctionne et se comporte comme nous, sinon aussi bien que nous.
Remarquons que le m�me raisonnement devrait s’appliquer � la pens�e animale. Plut�t que de d�cider a priori que les animaux ne peuvent h�berger une conscience humaine - ce qui para�t d’ailleurs �vident - nous devrions simplement nous demander comment ils font pour r�aliser des choses qui pour nous rel�veraient de la conscience, et m�me d’une conscience assez subtile et �labor�e. Nous d�couvririons alors peut-�tre des ph�nom�nes qui nous �chappent encore.

La conception du syst�me

Nous avons �voqu� jusqu’� pr�sent la n�cessit� de faire appel � l’informatique pour concevoir notre syst�me. Mais cela ne suffira pas. Le syst�me devra disposer d'un corps, et cela concerne la robotique. Depuis une dizaine d'ann�es, on estime que le travail sur les �motions et la pens�e artificielle ne peut �tre fait qu'avec des machines dot�es d'un corps muni de tr�s nombreux capteurs et effecteurs (des milliers sinon plus). On a besoin ici de corpor�it� : il ne peut exister de conscience, m�me artificielle, en dehors d'un substrat mat�riel qui lui donne un ancrage et sa raison d’�tre. Les robots n�cessaires seront malheureusement encore des robots rares et chers, des robots de recherche tr�s �loign�s des habituels robots m�nagers. Mais les co�ts dans l’avenir en diminueront tr�s vite.

� partir de ce corps, il faudra concevoir un syst�me �motionnel qui lui permettra d'acqu�rir la notion de corps et ne pas se contenter d'�tre un assemblage de circuits et de composants �lectroniques sans unit�. Ce sera un syst�me g�n�rateur de ce que Damasio (Antonio Damasio, Le sentiment m�me de soi, �ditions O. Jacob, 1999) op.cit.) appelle le proto-Soi. Enfin, on posera d’embl�e la question pratique de la faisabilit�, parce qu'une fois ce syst�me con�u, il faudra pour le r�aliser v�rifier qu’il est effectivement impl�mentable ou portable de mani�re distribu�e sur des grappes de processeurs li�s aux syst�mes de contr�le/commande du robot.

Avant d’en venir l�, pr�cisons quelques points.

- Le syst�me ne sera pas seulement r�actif. Il ne fera pas que r�agir et optimiser une trajectoire, comme un missile guid�. Il faudra qu'il prenne des initiatives lui appartenant en propre et qui ne seront pas seulement le fait du hasard ni d'un d�terminisme pr�programm�. Il aura des �motions et �prouvera des sensations, des sensations ressenties pour son propre compte. Il aura une certaine structure et une certaine organisation, un peu semblable � la n�tre, mais pour lui artificielle et calculable. Ceci veut dire que faire, en informatique, des syst�mes organis�s d�passant le niveau de la r�activit�, ne sera pas du m�me ordre que faire des syst�mes de type contr�le/commande pour des suivis de trajectoires, syst�mes totalement rigides, pr�d�termin�s, enti�rement pr�dictibles. Dans le cas de notre syst�me, il faudra sortir de ce cadre et aborder une sorte d'informatique encore peu r�pandue, typiquement adaptative et �volutive. Heureusement, les r�alisations actuelles en Intelligence Artificielle �volutionnaire et autonome ont bien �clair� la voie.

- Quels seront les mouvements et les comportements motiv�s d'une telle architecture fortement plastique et �volutive lorsqu'elle sera activ�e ? Quelle relation pourra-t-on �tablir entre son comportement, ses pens�es et la formulation langagi�re gr�ce � laquelle elle communiquera �ventuellement avec nous ? Un tel robot ne devra pas seulement produire, pour celui qui l'observe, l'impression qu'il marche, qu'il fait certaines choses, qu'il a envie d'aller ici ou l�. Non. Il devra v�ritablement disposer d’une intention d’agir avant que d'agir. Pour cela, il devra disposer d’une intentionnalit�, c'est-�-dire g�n�rer des faits de conscience avec intention, attribuer des significations � propos de choses et d'�v�nements distingu�s par lui dans la r�alit� de son monde et avoir envie de s'interroger sur elles et eux.

Ceci pos�, la conception du syst�me fera appel � des bases concr�tes que la robotique peut d’ores et d�j� produire (fut-ce � des co�ts encore �lev�s). On s’appuiera enti�rement sur la corpor�it� d'un robot. Id�alement, nous l’avons dit, il faudrait poss�der un syst�me aussi complexe que possible, disposant de milliers de capteurs, de senseurs et d'effecteurs. Il faudra aussi recueillir beaucoup d'informations venant de tous ces capteurs et �valuer leurs variations continues, pour pouvoir contr�ler un syst�me qui va introduire de multiples variations d'informations, lesquelles vont, par fusions, d�clencher des �motions, des sensations en activant de multiples proc�dures. En pratique, pour des raisons d’�conomie, on pourra rechercher des solutions faisant appel � des syst�mes distribu�s sur des grappes de processeurs, sur le mode du "grid" ou r�seau de calculateurs. Ces probl�mes, sans �tre triviaux, sont aujourd'hui solubles.

Il faudra ensuite concevoir l'architecture logicielle g�n�rant les �motions. Pour cela il faudra se repr�senter clairement ce qu'est une �motion artificielle g�n�r�e par une architecture logicielle organiquement li�e � l'ensemble des capteurs d'un corps de robot. Une telle �motion artificielle ne pourra �tre d�finie que par ce qui la constitue et son concept, comme dans tout organisme. Une �motion est, au sens d'une entit� concevable et calculable, un mouvement organisationnel dans un syst�me dynamique complexe, qui a une certaine dur�e, une certaine intensit�, une certaine fr�quence et surtout une certaine r�gularit�. Il s’agit d'un mouvement r�organisationnel d'entit�s. Cela peut se repr�senter par une courbe d'effet dans un espace.

Pour comprendre, existentiellement, ce qu'est une �motion et ne pas se contenter de l'effet qu'elle produit, il faut abstraire. Il faut repr�senter par une fonction, � d�couvrir, dans un espace, �galement � d�couvrir, ce qui donne l’existence au robot. La focalisation sur ce qui permet l'existence, plut�t que sur ce qui produit des effets, doit pouvoir fournir la solution au probl�me de la g�n�ration d'�motions et de faits de conscience.

Mais pour cela, il faut de plus pr�ciser ce qu'est l'intention. Contrairement � l’�motion, qui est une r�action syst�matique � un stimulus, l’intention signifie "vouloir penser � quelque chose et s'engager vers la formulation de cette pens�e". La question est toujours la m�me � travers les si�cles, de Parm�nide � Martin Heidegger : "qu'est-ce qui nous am�ne � penser ce que nous pensons lorsque nous le pensons?". Transposer cette question dans le domaine du calculable entra�ne une cons�quence majeure : il s'agit de savoir si la notion de pens�e est conceptuellement calculable ou non.

Le syst�me g�n�rateur d'�motions

Pour r�pondre � cette question, demandons-nous ce que l’on trouvera � la source d’un syst�me g�n�rateur d'�motions artificielles tel que nous le concevons ? Ce ne sera pas un syst�me constitu� de neurones formels, car il faudrait lui donner une taille telle qu’il ne serait pas envisageable de le construire effectivement. De la m�me mani�re, il semble bien qu'il soit impossible de r�soudre le probl�me de la cause permettant au cerveau de produire de la pens�e en se focalisant sur le niveau mol�culaire (celui des synapses du neurone vivant et des neurotransmetteurs par exemple). Pour tout probl�me, il faut trouver le bon niveau (le bon grain et le bon mod�le) permettant sa r�solution.

En fait, pour trouver l’�l�ment minimal dans le syst�me, il ne faut pas se placer au niveau de la structure physique. Au del� de la mat�rialit� du corps, il faudra cr�er une architecture plastique faite d’entit�s virtuelles, d'entit�s informatiques autonomes, communicantes et fortement agr�gatives, dont l'organisation permettra la g�n�ration des �motions et des pens�es. Ceci permettra au syst�me artificiel de s'organiser, de s'auto-organiser, d'�voluer.

L'�l�ment de base qui nous nous proposons de retenir est assez r�cemment apparu dans la culture informatique. C’est l'agent logiciel. Un agent logiciel n'a strictement rien � voir avec un agent humain (ni d’ailleurs avec l’agent intelligent g�n�ralement �voqu� par l’Intelligence Artificielle classique). C'est une entit� d'action au niveau informatique, qui est capable d'agir sur son environnement (�galement logiciel). C’est-�-dire que c’est un certain type de programme et rien d'autre. Il est compos� d'un ensemble d'instructions et de structures de donn�es compliqu�es, mais c'est quand m�me un programme. Et c'est un programme qui est proactif, c'est-�-dire qui travaille pour son compte, pour atteindre des buts qu'il peut r�viser mais qu’il s'efforcera toujours d'atteindre. C’est donc un programme particulier qui, contrairement � ce que fait un programme classique, fera des actions pour son compte, avec des objectifs rationnels et qui aura la possibilit� de s'associer � d'autres programmes semblables. Il pourra �voluer en modifiant sa structure, en communiquant avec d'autres agents, en utilisant �ventuellement des informations provenant des capteurs du robot ou en envoyant d’autres informations aux effecteurs.

Les agents aspectuels

L'entit� logicielle de conception, pour un syst�me de ce type, se place donc � un niveau qui est tr�s sup�rieur � celui de l'instruction ou de la variable num�rique. On peut, si l'on veut, dire que cette entit� est du m�me ordre que les groupes de neurones du cerveau exer�ant des fonctionnalit�s pr�cises. C’est en fait un petit syst�me autonome et communicant, qui pourra s'ex�cuter sur un ou des processeurs, � un certain moment et pour la simple raison qu’il doit atteindre l'un de ses buts. Dans la terminologie choisie par Alain Cardon, cet agent a �t� nomm� agent aspectuel (1), pour bien faire remarquer qu'il d�signe des aspects symboliques tr�s locaux de l'activit� du syst�me. Cet agent est en effet dot� d’un caract�re symbolique pr�cis. Il exprime ainsi ce qu'il fait, et cette action est quelque chose que nous pouvons interpr�ter, qui nous permet de le suivre et qui, surtout, correspond � ce qu'il va faire effectivement dans le syst�me. Cet agent est donc aussi une forme d'action, une v�ritable activit� parmi toutes les autres activit�s des autres agents. Nous ne la comprenons pas obligatoirement tout de suite, mais nous pourrons la d�couvrir apr�s coup.

Il faut bien distinguer l’ �agent �, ainsi con�u, de l’ �objet �, entit� utilis�e depuis longtemps en informatique. L’ � objet � est une entit� d�finie de mani�re rigide, qui ne change pas de comportement et dont l’autonomie est insignifiante. L'objet est structurellement li� � tous les autres de fa�on fixe d�s la conception. L’agent, par contre, est une entit� d'action disposant d’une signification propre et d'un tr�s fort degr� de libert� allant jusqu'� la capacit� d'�volution structurelle et de reproduction.

Alors, en utilisant de tr�s nombreux agents, on obtient une autre entit� logicielle, de niveau organisationnellement sup�rieur, et que l'on appelle une organisation d'agents. Dans cette organisation, les agents peuvent socialement s'activer, communiquer, s'agr�ger, se s�parer, s'annihiler, se commander, se multiplier, se structurer, se hi�rarchiser, fusionner, se reproduire, �voluer ... Chaque organisation d'agents pr�sentera ainsi des caract�res comportementaux sp�cifiques, propres � elle et finalement d�finissant tout en la refl�tant l’action de cette organisation dans son milieu. Cette organisation ressemble, si l'on veut, � un tr�s vaste ensemble de traits conceptuels, ayant de multiples possibilit�s de r�organisation. Pour qu’un tel ensemble d�gage une coh�rence, il faudra qu'il se structure, qu'il s'organise afin que sa forme ait un sens. Et il devra �videmment se r�organiser de lui-m�me, sans supervision.

L'agent aspectuel est un programme qui dispose de connaissances sous forme de r�gles du type � si…alors � : "si telle chose est dans tel contexte, alors r�aliser tel effet � tel endroit � la suite de cet �tat". L’effet ou l’action de l’agent prend la forme de communications et d’actions avec des objets de l’environnement ou avec d'autres agents. L’agent fait montre d’un comportement strictement rationnel, qui lui est donn� par un automate comportemental � �tats lors de la construction. Mais cet automate peut �videmment �voluer …

En fait, cet agent n’a rien de myst�rieux. Il s’agit d’un programme, sophistiqu� mais �quivalent � une machine de Turing, c'est-�-dire qu'il est un �l�ment faisant des calculs. Ce n'est certainement pas seulement avec un tel agent que l'on pourra construire une machine pensante.

Alors en quoi une organisation d’agents de ce genre pourrait-elle repr�senter une �motion ? Pour repr�senter une �motion, il faut faire appel � des processus en cours et pas seulement aux effets de ces processus. Il faut repr�senter de l'action en train de se d�rouler et pas seulement s'int�resser aux r�sultats, ce que l'informatique traditionnelle ne sait pas bien faire. L'informatique r�alise habituellement des traitements visant essentiellement � produire des r�sultats de calculs, pour que ceux-ci soient utilis�s es qualit�. Mais le calcul, en ce qui concerne une �motion, est en train de se faire. C'est l'action m�me de calculer qui sera l'�motion artificielle que l'on souhaitera repr�senter. Une �motion est un processus complexe, qui a une certaine ampleur, une certaine dur�e, une certaine modulation. Comment proc�der en ce cas ?

Il faut dans le mod�le repr�senter des processus en cours d'ex�cution, c'est-�-dire des agents logiciels en train d'op�rer, d'agir, de communiquer. On retrouve, ce qui est significatif au demeurant, les travaux de la neurologie moderne montrant, gr�ce aux images de la cam�ra � positrons, les aires neuronales du cerveau en train de s'activer et de communiquer entre elles. Dans le cas d�crit ici, il faudra repr�senter une fonction en cours de calcul et pas seulement le r�sultat de la fonction calcul�e : une fonction qui se calcule, pendant qu'elle calcule ! Ceci n'avait jamais �t� abord� jusqu’ici, et constitue l’originalit� du syst�me (2).

Pour repr�senter � la fois les agents et les actions organisationnelles des agents, on devra de nouveau faire appel � une organisation d'agents logiciels. Il faudra en fait d�finir une structure d’auto-observation des calculs en train d’�tre op�r�s par les agents aspectuels, une structure capable de suivre l'�tat courant des multiples calculs.
R�sumons. Nous disposons d’une organisation d'agents dits aspectuels correspondant aux fonctions typiques du robot en train de capter des informations, par exemple recevoir telle information sonar, de percevoir et analyser tels mots entendus, d'op�rer sur des faits, des informations et des connaissances. Tous ces calculs sont effectu�s par des dizaines de milliers d'agents aspectuels qui sont distribu�s sur des grappes de processeurs. Mais avec cela, on ne fait pas grand-chose au niveau �motionnel. M�me si le syst�me produit quelques bons r�sultats, il ne nous informe pas de la fa�on dont il les produit, il ne nous pr�cise pas le pourquoi des calculs qu’il r�alise et la raison de la variation qui produit l'intensit� de l'�motion ? Or nous devons le savoir pour jouer de l'�tat organisationnel des agents aspectuels et moduler le d�roulement d'une �motion.

L’exigence que nous exprimons est nouvelle en informatique. Elle d�coule des th�ories de la morphogen�se �mises par le regrett� Ren� Thom il y a maintenant quelques ann�es : observer les formes comportementales d'une organisation d'entit�s proactives et exprimer la signification des d�formations de ces formes. Face � une organisation d'agents qui s'activent, il faudra observer les comportements de chaque agent, ceux des groupes et ceux de l'ensemble afin de faire appara�tre la forme de cette organisation. En d’autres termes, il faudra faire appara�tre ce qu'Alain Cardon appelle la morphologie d'un paysage d'agents en cours de r�organisation.
Les agents morphologiques

Pour cela, on organisera l'autocontr�le d'une organisation massive de centaines de milliers d'agents par une autre organisation, par des agents que nous appellerons agents morphologiques, analysant en ligne les caract�res organisationnels du premier ensemble d'agents en train de se r�organiser. On retrouve ici la notion de forme d'une organisation en train de se mouvoir, en train de s'activer. On est en pr�sence d’un syst�me double ou, si l'on veut, � double face. Il s’agit en fait de deux syst�mes fortement coupl�s : celui qui fait les calculs et celui qui observe les calculs en train de se faire, qui en tire des conclusions et qui ce faisant communique avec le premier.

Qu’est-ce qu'une organisation d'agents logiciels en train de s'activer, en train de faire des calculs ? Imaginons la souplesse d'une machine massivement parall�le dot�e de processeurs multiples occup�e � observer les activit�s et les inactivit�s de ses diff�rents processeurs et processus. Elle fera appara�tre par exemple l’�mergence d’un comportement et la vitesse de son d�veloppement, comment ce comportement �volue depuis l'�veil jusqu’� l'action en coop�ration, comment il atteint ses buts. On observera aussi l'activit� sociale de l'agent. Est-il seul ou non, trouve-t-il ou non des alli�s au sein du syst�me ? Que repr�sente-t-il de singulier, de non partag� et qui n'aura aucun effet dans l'activit� des autres agents ? On observera le poids et la domination d'un agent par rapport aux autres : en quoi un agent est-il leader ou soumis... ?

On se trouve en fait devant une population d’agents qui �voluent comme des �tres vivants sur le mode classique de la comp�tition darwinienne. Ils doivent notamment, pour survivre, s’agr�ger afin de d�gager, par leur regroupement, un ensemble de caract�res nouveaux. Mais parce que ce sont des agents actifs, proactifs, communicants, autonomes et qui peuvent agir, ils pr�sentent un certain nombre de caract�res pr�cis. Ceux-ci d�finissent les dimensions d’un certain espace que nous avons appel� espace morphologique, caract�risant l'organisation en train de s'activer.

On obtient ainsi une organisation d'agents aspectuels qui agissent en constituant un syst�me lui-m�me capable de mesurer continuellement se propre activit� organisationnelle. Ceci pourrait �tre compar� � une soci�t� d'individus organis�e pour permettre � un formidable Big Brother de la regarder en train de s'activer, point par point mais aussi globalement, afin d’en estimer les tendances, la coh�rence, les agr�gations et les ruptures... Mais il s'agit d’une soci�t� d’agents et les agents aspectuels sont munis de sondes pour pouvoir �tre observ�s !
Les livres pr�cit�s d’Alain Cardon d�finissent pr�cis�ment ce qu'est la d�termination d'une morphologie : une organisation d'agents avec des caract�res qui se distinguent, que l'on peut projeter sur un espace � plusieurs dimensions. Le sch�ma suivant donne une image simple de ce que l’on peut obtenir par projection dans un espace de dimension 2.

On voit visiblement qu'il se passe un certain nombre de choses dans l'organisation, qui peuvent la caract�riser comme �tant coh�rente ou non coh�rente, agr�gative, se coupant en morceaux... On obtient l� une repr�sentation g�om�trique de l’�volution de l'organisation aspectuelle, c’est-�-dire finalement de la fa�on dont le robot va r�agir globalement aux �v�nements qu’il est en train d'affronter. Remarquons que le terme "g�om�trique" veut dire "en dehors de toute s�mantique". Les agents aspectuels ont de la signification de par leurs buts et comportements, mais leur organisation est observ�e de mani�re essentiellement g�om�trique, en y recherchant des formes.

Nous avons donc con�u un syst�me compos� de plusieurs organisations d'agents, toutes coupl�es par des structures de couplage particuli�res qui seront aussi des agents :

� des agents d'interface, qui vont agir sur les effecteurs puis sur les senseurs du robot,

� des agents aspectuels, qui vont donner de la signification aux activations,

� des agents de morphologie, qui vont regarder comment �volue l'organisation des agents aspectuels,

� des agents de synchronisation, qui vont permettre les couplages entre les diff�rentes parties des organisations pr�c�dentes.

Nous allons alors �tablir un bouclage fort entre l'organisation des agents aspectuels qui agissent et l'organisation morphologique qui observe cette activit�. De plus, cette organisation morphologique, observant l'organisation aspectuelle, va pouvoir modifier l'action de cette derni�re : le processus de couplage fort qui va s’�tablir entre les deux organisations permettra une r�troaction d�bouchant sur un certain �tat d'�quilibre entre les deux organisations. Nous d�finissons plus pr�cis�ment un couplage de groupe � groupe entre ces deux organisations.

Ainsi sera produit l'�quivalent d'une carte �motionnelle selon Damasio, une carte �motionnelle artificielle compos�e d'une organisation d'agents aspectuels, d'une organisation morphologique qui la contr�le, avec un processus de couplage fort entre ces deux organisations r�alis� par une organisation d'agents de synchronisation. Ceci formera un processus miroir qui fera que lorsque l'organisation aspectuelle commencera � s'activer � la suite de la r�ception d'un stimulus, l’organisation morphologique d�tectera ce mouvement et �ventuellement pourra l'emp�cher, ou au contraire l'amplifier, ou encore, dans une autre partie du syst�me, pourra faire agir des modules de reconnaissance de formes ou de toutes autres structures. Cela permettra un auto-contr�le qui partira de l'organisation aspectuelle par l'�valuation de sa conformation, pour la faire aller dans certaines directions, pour donner des tendances pr�cises � ce qu'engage le comportement aspectuel. Il s'agira donc bien d'un processus d'auto-contr�le et de co-activation r�gulant de lui-m�me l'activation des agents aspectuels. On peut retrouver l� un des processus de base suppos�s de la conscience humaine g�n�r�e par des neurones r�agissant � des informations sensorielles et r�agissant en retour sur ces m�mes neurones ou sur d’autres pour influencer leur comportement.

Mais il faut bien voir que l’organisation double [aspectuelle/morphologique] ainsi d�crite ne sera qu'une carte particuli�re dans le syst�me. Dans la machine pensante, il y en aura des centaines sinon des milliers analogues. De ce fait, cette carte �motionnelle, ce composant adaptatif, auto-contr�l�, centr� sur un r�le (que l'on a d�fini comme une m�me cat�gorie dans les agents aspectuels), coop�ratif et synchronisable avec d'autres composants similaires, participera � l’adaptation d’ensemble du syst�me.

Passons maintenant � la structure g�n�rative des �motions. Nous disposons d’un syst�me comportant les capteurs et les effecteurs du robot, des �l�ments d'interface, c'est-�-dire des agents sp�cifiques qui prennent sans cesse les changements d'informations venant de l'ext�rieur, et un ensemble de cartes �motionnelles artificielles, synchronisables par des agents de synchronisation. Ces �l�ments vont avoir un r�le consid�rable dans le syst�me : ils vont faire basculer celui-ci, en quelque sorte, au-devant de lui-m�me dans son fonctionnement. Ils vont permettre son action anticipatrice.

Les agents de synchronisation vont en fait prendre les d�cisions suivantes : ces cartes qui agissent et qu'ils observent peuvent avoir la m�me morphologie; ces groupes morphologiques peuvent �tre semblables, cette carte-l� pr�sente un aspect organisationnel semblable � celui de cette autre, bien que les s�mantiques donn�es par les agents aspectuels soient totalement diff�rentes. Les �l�ments de synchronisation pourront op�rer des mises en conformit�, des associations de cartes par unification de leurs rythmes d'activation. Par exemple, ils coupleront syst�matiquement des cartes repr�sentant du son et de l'image, ou des cartes repr�sentant un mouvement rep�r� avec une information relative � la distance n�cessaire � la fuite…

Le syst�me g�n�rateur de pens�e

Le syst�me g�n�rateur d'�motions �tant d�fini, on peut s'int�resser au syst�me g�n�rateur de pens�es. Ce syst�me est beaucoup plus compliqu� que le syst�me g�n�rateur d'�motions mais l'enjeu est consid�rable : d�finir un Soi artificiel et inciter un syst�me � penser de lui-m�me aux choses du monde qu'il peut se repr�senter. Dans le syst�me g�n�rateur de pens�es, le probl�me de la conception est particuli�rement difficile � r�soudre. Nous avons retenu une architecture inspir�e de celle du syst�me g�n�rateur d’�motions, mais il y a beaucoup plus dans le Soi que dans le proto-Soi, et l'architecture devra �tre diff�rente. Il faudra y introduire les concepts calculables qui correspondent � la solution de probl�mes difficiles comme par exemple ce qui engage effectivement un syst�me � r�organiser ses composants pour g�n�rer une repr�sentation intentionnelle d'une chose de son monde.

Et il faudra donc r�pondre � de nombreuses questions comme celles-ci :


- Comment se repr�sente effectivement ce que l'on va appeler la pens�e artificielle ? Qu'est-ce qu'une pens�e artificielle ? Il s'agira d'une mani�re particuli�re d'organiser des entit�s, mais laquelle, comment et pouvant produire quel �tat ?

- Qu'est-ce qui peut conduire un certain organisme artificiel � penser ici et maintenant � telle chose ? Penser ce sera, pour le syst�me, organiser des ensembles d'agents, des structures � double face organisation aspectuelle / organisation morphologique, synchroniser les organisations aspectuelles avec les organisations morphologiques, et ceci d'une fa�on tr�s fine. Quand il s’agit d’une �motion, nous l’avons dit, le processus est assez clair. On re�oit un stimulus, on l'interpr�te et on provoque une r�action spatiale et temporelle dans l'espace morphologique des organisations d'agents. Ici, en ce qui concerne la pens�e artificielle, il s'agit de provoquer le comportement des organisations d'agents, de pr�ciser pourquoi il est amen� � s'organiser de telle ou telle fa�on, c'est-�-dire � penser.

- Comment se repr�sente et agit la m�moire des choses. Il faut construire une m�moire � la fois incr�mentielle (capable d’acqu�rir en permanence de nouvelles informations) et qui soit aussi s�lective, en permettant l'oubli ?

- Quel est le lien entre la structure repr�sentant des �motions et celle g�n�rant des pens�es ? Autrement dit, comment pourra-t-on aboutir � des sensations suffisamment fortes pour que le syst�me sache vraiment, et de lui-m�me, qu’il les �prouve ? Les �motions ne sont que des r�actions non per�ues, alors que les sensations sont un ressenti effectif, per�u, repr�sent� par quelque chose d'interne que l'organisme appr�hende et qu'il peut utiliser pour g�n�rer des pens�es.

- Et comment se g�n�re et se repr�sente le langage, comment, d'o� et pourquoi viennent les mots per�us ou prononc�s ? Comment telle formulation langagi�re s'attache-t-elle � une situation particuli�re ? Il faudra engendrer des mots � partir de formes de pens�es artificielles et permettre au syst�me de comprendre des sons tels des mots dot�s de significations.

Pour toutes ces questions, il faudra pouvoir r�pondre en proposant des structures calculables, sinon on se bornera, comme d’ailleurs nous le faisons en posant ces questions, � proposer des m�taphores. Mais les m�taphores ne conduisent pas � grand-chose en informatique.

Les r�ponses � ces questions figurent dans le mod�le longuement d�velopp� par Alain Cardon et d�taill� dans l'ouvrage sur la conception d'une machine pensante. Il s'agira d'une architecture bas�e sur la notion de composant adaptatif (qui va ressembler beaucoup � la conception des cartes �motionnelles), qui sera aussi proactif, auto-observateur et �volutif. On la nommera "structure de signification".

Le syst�me capable � g�n�rer des pens�es artificielles sera form� d'un certain ensemble de ces structures de signification synchronis�es par des agents de synchronisation. Il sera de plus construit en co-construction avec le corps du robot, pour suivre le paradigme de la biologie du d�veloppement.

Ce sera donc un ensemble qui comportant d'un c�t� la carte corporelle avec des �l�ments d'interface, le syst�me de prise d'informations, des agents aspectuels sp�cifiques charg�s de suivre ces informations, et des agents de morphologie fortement coupl�s qui observeront sans cesse comment les agents aspectuels agissent, ce qu'ils font, ce qu'ils deviennent. C'est exactement de cette fa�on, notons-le au passage, que les d�cideurs politiques g�rent des villes ou des Etats : ils regardent ce que font les citoyen, analysent leurs activit�s et les mesurent pour pr�voir et contr�ler les mouvement globaux...On aura l� la composante �motionnelle du syst�me.
De l’autre c�t�, le syst�me disposera d’une composante de signification. Celle-ci comportera des �l�ments qui ressembleront structurellement � la carte corporelle. Ce seront les structures de signification qui permettront de repr�senter de l'action signifiante pour le syst�me, et ceci avec l’intention � proc�der � la g�n�ration d’une telle action. La structure de signification est plus compliqu�e que la carte �motionnelle car elle utilise des �l�ments de m�moire.

Cette m�moire, distribu�e dans des agents particuliers et dans les diff�rentes structures de signification, va op�rer la mise � distance (la prise de recul) du syst�me par rapport � l'action imm�diate dans son environnement, afin de le d�tacher de l'�motion r�active. Elle va pour cela retrouver et transformer en agents actifs des traces des sc�nes anciennes qui ont �t� v�cues ou con�ues.

On trouvera enfin dans ce sch�ma, ce qui est le point fondamental, le facteur ou la raison qui am�nera la machine pensante � g�n�rer des pens�es. Il s'agit des �l�ments dits d'anticipation, qui ont le r�le d’anticiper l'action des diff�rentes organisations d'agents par rapport au mouvement global en cours. Pour un informaticien, faire penser un syst�me consiste � l’obliger � produire un signe qui l'y engage, qui l’am�ne � g�n�rer cette forme de pens�e. Il ne s'agit pas de viser un but pr�d�fini, mais d'engager le syst�me � adopter, dans son mouvement organisationnel, une posture particuli�re. L’intention � penser n'a pas de but initial � atteindre et ceci illustre bien la notion si forte de libert� � penser.

Cette anticipation, le syst�me ira la chercher dans les morphologies pr�c�demment pr�sent�es, dans les formes g�om�triques des structures de signification, ceci sans recours � aucune s�mantique. Le syst�me g�n�rera donc des signes, des signes au sens de la s�miotique de C.S. Peirce, qui donneront aux agents morphologiques des structures de significations pour que le syst�me soit globalement incit� � organiser son activit� autour de cette signification g�om�triquement indiqu�e. On retrouve ainsi la d�finition de la vis�e, inspir�e des travaux de Martin Heidegger ou de Paul Ricœur. L'activation, le fonctionnement de ce syst�me, � partir de cette vis�e, constituera sa fa�on de penser intentionnellement.

Les �l�ments de synchronisation - ceux qui synchronisent les cartes corporelles par leurs relations - seront connect�s au corps de la machine. Sinon, on se bornerait � r�aliser une certaine machine de Turing, certes compliqu�e, mais machine de Turing cependant dont la fonction de calcul serait d�j� compl�tement programm�e. Or pour arriver � g�n�rer un syst�me qui pense, qui pense pour lui-m�me en produisant des formes id�elles chaque fois nouvelles, il faudra que les �l�ments de synchronisation soient aussi capables d’interrompre drastiquement l’activation des structures de signification, afin de r�aliser la synchronisation du syst�me g�n�rateur de pens�es avec le temps r�el d'activation du robot, avec la r�alit� corporelle du corps de la machine situ�e dans son monde et affrontant une suite ininterrompue d’�v�nements.

C'est ici que la corpor�it� est n�cessaire pour produire la pens�e, et qu’il est impossible de concevoir un syst�me artificiellement conscient, avec des �motions et des sensations, sans corps. Sans corps, la pens�e n'a pas de sens dans le monde r�el et n'est pas de la pens�e telle que nous l'entendons habituellement. Ceci dit, le corps n’est pas ici n�cessairement fait de composants physiques localis�s dans un endroit pr�cis. Il peut �tre r�parti dans diff�rents composants, il peut par exemple �tre distribu� et accessible via les nœuds d'un r�seau. Mais le corps doit exister, avec la totalit� de ses attributs corporels, senseurs et effecteurs notamment.

Le syst�me propos�, bien que diff�rent d’une machine de Turing, le sera partiellement cependant, puisqu’il s’agira en dernier ressort d’un syst�me informatique et donc essentiellement calculable. Tous les �l�ments, les agents, seront des fonctions calculables qui seront calcul�es, m�me si l'on essaie de les faire muter, �voluer, cloner, se reproduire, selon les principes de la programmation �volutive ou g�n�tique d'agents (qui met en comp�tition des algorithmes, les algorithmes �volutionnaires, afin de faire �merger le plus efficace de ceux-ci dans une situation donn�e). Ce seront des fonctions parfaitement d�finies, telles des machines de Turing. Mais l’ensemble, pr�cis�ment, ne sera que partiellement une machine du Turing. Cela veut dire qu'il sera non pr�dictible, pas simplement non d�terministe, mais non d�fini � l'avance dans ses perspectives calculatoires elles-m�mes. Le syst�me calcule des fonctions en continu, qui sont des machines de Turing. Il produit sans cesse de nouvelles machines de Turing.

Le syst�me d�pendra du corps du robot, des effecteurs et des capteurs, de sa situation ici et maintenant dans le monde. Tous ces �l�ments n'appartiennent pas au domaine du calculable mais de l'automatique et de l'�lectronique, m�me s’ils induisent la g�n�ration, � certains endroits, dans certains agents, de nouvelles lignes de code non pr�vues. Ainsi se marquera l’ouverture du syst�me sur la r�alit� temporelle du monde, et aussi ce que nous avons appel� plus haut, son autonomie.

Le syst�me pr�sentera un �tat fluctuant, c'est-�-dire qu'il y aura une relation syst�matique entre le syst�me �motionnel et le syst�me g�n�rateur de pens�es : il �prouvera des sensations en continu m�me en g�n�rant des pens�es tr�s rationnelles. Il aura la sensation de son organisation, une esp�ce de sentiment de Soi puisqu'il pourra en jouer. Il ressentira globalement son organisation interne d’une fa�on analogue � celle dont localement les capteurs seront per�us et ressentis par les organisations d'agents des cartes corporelles qui s'activent sur les entr�es d'information.

D’autres points ont �t� �tudi�s, dont on ne parlera pas ici, et qui font l’objet de publications dans l'ouvrage d'Alain Cardon: il s'agit notamment des pr�gnances, c'est-�-dire des raisons organiques qui conduisent le syst�me � pouvoir penser de certaines mani�res : pulsions, motivations et tendances fondamentales. L�, on ne se place pas forc�ment dans le m�me registre que l'humain. A priori il n'y a pas de pulsions sexuelles chez un robot, mais il y a quand m�me des pulsions, qui sont repr�sent�es par des aspects morphologiques d'organisations d'agents...

Construire

Pratiquement, pour construire une machine pensante ainsi d�finie, il faudra disposer d'un ensemble de tr�s nombreux processeurs en grappe fortement coupl�s, formant un tout pouvant �tre embarqu� et donc aussi miniaturis� que possible. Cela existe aujourd'hui, mais il n'y en a pas encore en France. On trouve ce que l’on appelle des clusters, mais pas de grappes de processeurs avec des liaisons � tr�s haut d�bit implant�es dans des cartes. Le tout devra fonctionner dans un parall�lisme lui-m�me � tr�s haut d�bit. Il faudra aussi calibrer les cartes �motionnelles selon les fr�quences d'acquisition des informations, et calibrer les structures de signification, ce qui supposera l’appel � des ing�nieurs sp�cialis�s.

Mais plus g�n�ralement, il faudra rompre intellectuellement avec l’informatique traditionnelle qui vise toujours l'optimisation des proc�dures et la distribution contr�l�e d'informations � ses utilisateurs humains. Il ne s’agit plus, nous l’avons vu, de faire des syst�mes de guidage pour missiles de croisi�re qui trouveront leur cible � quelques m�tres pr�s apr�s cinq mille kilom�tres de course. Il s'agit ici d'une autre d�finition de la calculabilit� consistant � repr�senter l'acte de penser sous une forme calculable, mais dont la calculabilit� n’appara�tra que par constat, une fois les calculs effectu�s ! Au d�part, on ne saura pas ce qui va vraiment �tre calcul� mais on disposera d'une vis�e: puis le syst�me calculera, il sera modifi�, les agents �volueront en permanence, se multiplieront, se cloneront, certains vivront, d'autres mourront. Les composants, cartes ou agents, s’alt�reront, se modifieront automatiquement quand ils seront activ�s. On obtiendra donc un syst�me qui, d�s sa conception, ne sera plus compl�tement contr�l�. Ce syst�me pourra m�me se r�v�ler d�faillant, comme certains �tres vivants. On pourra donc constater, apr�s coup, que l’on a calcul� telle ou telle chose, que l'on a produit telle ou telle forme organisationnelle correspondant � telle ou telle pens�e artificielle, mais on ne pourra pas � l’avance annoncer ce que l’on va calculer. C’est ce qui se produit dans les processus de pens�e que nous connaissons. On ne peut pas dire : j'ai l'intention de penser � cela que je ne pense pas encore. La pens�e n'est pas pr�dictible, non plus que la raison de penser.

La r�alisation concr�te d’un tel syst�me, dans ces conditions, supposera un travail pluridisciplinaire, associant informaticiens, roboticiens mais aussi neurobiologistes, psychologues, voire philosophes. Cette collaboration permettra de ne jamais faire le choix de la facilit�, en privil�giant tel d�veloppement et en perdant de vue les autres. Plus g�n�ralement, vu les ambitions du projet, il ne serait pas concevable que le travail soit confi� aux seuls informaticiens, en n�gligeant les apports des sciences humaines.

Terminons ce survol de la conception d'une machine pensante en rappelant ce que nous avons plusieurs fois soulign� mais qui est facilement oubli� vu l’aspect contre-intuitif d’une telle notion : � la diff�rence de la pens�e humaine (au moins quand elle s’incarne dans des individus) les syst�mes de ce type peuvent �tre multi-corps. Ils peuvent avoir un syst�me �motionnel et de conscience loin du syst�me physique avec lequel ils sont pourtant en liaison �troite. Ce sont donc des structures distribu�es qui, mal employ�es, pourraient �tre dangereuses, car il n'existe pas encore de comit� d'�thique en informatique et les perspectives d’applications militaires de tels syst�mes sont d�j� tr�s nombreuses et inqui�tantes.

Nous avons vu cependant que les besoins civils et pacifiques sont potentiellement plus consid�rables encore. L’avenir de tels d�veloppements devrait �tre d’une richesse aujourd’hui inimaginable, par exemple en jetant les bases d’une conscience artificielle de type humain projet�e hors de l’environnement terrestre, entre satellites robotis�s notamment. Il ne faudrait donc pas d�cr�ter d’absurdes moratoires aux recherches. Il faudra par contre, c’est l'un des buts de ce livre, que les citoyens s’int�ressent � ces questions et participent � leur d�veloppement.

Discussion

L’expos� que nous venons de pr�senter pourra faire l’objet de critiques ou tout au moins de demandes d’�claircissements. Voyons certaines d’entre-elles.

- Les sp�cifications fonctionnelles propos�es ne sont-elles pas d�duites, id�alement, de ce que l’on sait ou croit savoir aujourd’hui du fonctionne ment du cerveau. Dans ce cas, la conscience artificielle esquiss�e ici devrait donner satisfaction puisqu’elle serait cens�e reproduire ce qui marche bien au niveau de la conscience humaine ; par exemple �tre capable d’observer le comportement du corps ou ceux de modules partiels de conscience afin d’en tirer un diagnostic global correspondant � la conscience de soi � tel moment. Ce diagnostic permettra en retour d’�mettre des ordres destin�s au corps afin d’am�liorer la situation du sujet, sur le moment ou pour le futur. Mais le probl�me ne consiste pas � se repr�senter ce que fait, plus ou moins bien, le cerveau humain conscient. Il est de r�aliser les dispositifs informatiques capables de produire les m�mes r�sultats en s’adressant, non � un corps biologique, mais � un corps de robot. Or l� nous n’avons aucune indication concernant la faisabilit� ou l’efficacit� des dispositifs calculatoires informatiques �voqu�s.

On r�pondra � cela que si le syst�me con�u par Alain Cardon n’a pas �t� encore programm� dans sa totalit� et ne peut donc pas faire l’objet d’un d�monstrateur, il a �t� test� en partie et s’est comport� conform�ment � ce que l’on en attendait. Le fait qu’aucun bailleur de fonds fran�ais n’ait voulu entreprendre la r�alisation compl�te du projet ne signifie pas que celui-ci ne soit pas viable. Il est d�j� int�ressant de disposer d’un mod�le th�orique compl�tement d�velopp� qui permette aux personnes d�sireuses de se repr�senter ce que pourrait �tre une conscience artificielle d’en avoir une vue d�taill�e. Pour nous, nous estimons que ce mod�le repr�sente un compl�ment indispensable � ce que nous avons �crit pr�c�demment dans ce livre concernant la conscience humaine. Pour le reste, on ne peut demander � un inventeur soumis � un fort espionnage �conomique d’exposer sans pr�cautions toutes ses solutions.

- N’obtiendra-t-on pas, si les sp�cifications fonctionnelles r�sum�es ici �taient compl�tement d�velopp�es au sein d’un syst�me en vraie grandeur, un robot non ma�trisable par ceux qui voudraient l’utiliser. Alain Cardon insiste en effet sur un point capital en ce qui concerne une pens�e consciente, quelle qu’elle soit. C’est qu’elle ne peut se voir commander ce � quoi elle pensera ici et maintenant. Elle surprendra toujours, aussi bien l’entourage que l’entit� qui en est dot�. On peut concevoir alors que des industriels ou des militaires souhaitant disposer de robots asservis ou autonomes dans d’�troites fourchettes seulement, ne veuillent pas d�velopper de tels robots. Ils en auraient plus de soucis que de satisfactions. Dans le m�me esprit d’ailleurs un chef d’entreprise ou un officier pr�f�rera souvent avoir des subordonn�s contr�lables que capables de trop d’autonomie, fut-elle intelligente. Pour tirer parti d’un robot ou de syst�mes de robots pleinement autonomes, il faudrait en effet r�organiser compl�tement les cha�nes de production ou de commandement, comme plus g�n�ralement l’interface homme-robot. Mais alors, si cet effort �tait entrepris, les b�n�fices en retour pourraient �tre consid�rables.

1 : Aspectuel : l’agent exprime des � aspects � significatifs du syst�me. On pourrait dire, par transposition, que les mimiques inconscientes du corps humain sont des agents aspectuels r�v�lant certains faits de conscience�: la timidit�, la col�re, etc.

2 : Pour prendre une comparaison simple, nous dirions qu’il s’agirait de mod�liser le fonctionnement d’un coureur en train de battre un record, au lieu de se borner � enregistrer le r�sultat final qui est le record battu.

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