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Pour un principe mat�rialiste fort
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"Pour un principe mat�rialiste fort"

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M�m�tique et th�orie du cerveau selon Robert Aunger

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A la suite de Dawkins et de Blackmore, le chercheur britannique Robert Aunger diversifie et �tend consid�rablement le concept de m�me. “The Electric Meme”, publi� en 2002, est un volumineux livre tr�s ambitieux. L'auteur y propose ce qu'il appelle “une nouvelle th�orie sur la fa�on dont nous pensons” (A New Theory of How We Think). Cela ne peut pas laisser indiff�rent ceux qui r�fl�chissent aux id�es politiques et � leur r�le.

L’objectif de Robert Aunger est de revenir aux bases m�mes des travaux sur la m�m�tique, en essayant d'identifier le facteur causal d�terminant les ph�nom�nes d�crits par ce concept manifestement encore flou de m�me. Il voudrait “�tre � la m�m�tique ce que Watson et Crick furent � la g�n�tique”. Avant eux, la g�n�tique accumulait les conjectures, dont beaucoup se sont r�v�l�es pr�monitoires, mais faute d'avoir identifi� l'agent causal, elle comportait de nombreux aspects qui relevaient davantage de la philosophie que d'une science exacte. La mise en �vidence de l'ADN et de son m�canisme de r�plication permit au contraire les innombrables d�veloppements de la g�n�tique, dont nous sommes loin d'avoir explor� toutes les possibilit�s.

Ouvrir la chasse au m�me

Robert Aunger ne pr�tend pas avoir trouv� l'�quivalent de l'ADN en mati�re de m�m�tique. En revanche, il esp�re avoir suffisamment d�gag� le terrain pour que la “chasse au m�me” puisse s�rieusement commencer. Pour lui, le m�me est probablement une entit� r�plicative associant par un lien �lectrochimique les synapses d'un ou plusieurs neurones. Le m�me est donc interne au cerveau. Il ne peut en sortir pour contaminer d'autres cerveaux qu'� travers divers processus d'interm�diation que le livre examine. L'auteur propose d'ailleurs le terme de neurom�me.

Cette entit� est susceptible de se d�placer de neurones � d’autres et, surtout, elle peut se r�pliquer � l'int�rieur du cerveau, en envahissant de plus en plus d'aires c�r�brales et en modifiant �ventuellement leurs fonctionnalit�s. Il s'agit donc ainsi et en premier lieu d'une contamination de la mati�re c�r�brale, par un agent r�plicant soumis comme tel aux r�gles de l'�volution darwinienne.

Formul� de la sorte, le ph�nom�ne para�t incompr�hensible. Comment une combinaison de neurones interconnect�s par des synapses et correspondant � l’existence d’un m�me pourrait-elle se reproduire dans le tissu c�r�bral ? Il ne s’agit pas d’une structure mobile qui se d�placerait au hasard comme le ferait une bact�rie. Mais quand il s’agit du cerveau, il faut �viter les vues simplistes. Nous avons vu que le cortex peut stocker des ��patterns�� correspondant � des exp�riences pass�es, auxquels il compare les exp�riences nouvelles. Le neurom�me imagin� par Robert Aunger pourrait jouer le r�le de pattern de r�f�rence dont la forme serait reproduite, aux erreurs pr�s, lors de l’acquisition par le cerveau de nouvelles donn�es dont la configuration serait proche. Un m�canisme de cette nature aurait d’ailleurs pu �tre �voqu� depuis longtemps, sans faire appel � la m�m�tique, pour expliquer la question que chacun peut se poser pour son propre compte : nos id�es sur le monde se modifient graduellement lorsque, au cours d’une conversation ou une lecture, nous prenons connaissances d’id�es �trang�res � la fois proches et un peu diff�rentes. Comment les �� objets mentaux�� (Jean-Pierre Changeux. L’homme neuronal, 1985) correspondant � nos id�es initiales �voluent-ils dans notre cerveau au contact des objets mentaux g�n�r�s par la r�ception de nouvelles id�es�?

Les agents �volutifs identifi�s par la m�m�tique traditionnelle (constitutifs de la culture, si nous opposons celle-ci � la nature, codifi�e par les g�nes), sont multiples. On a d'ailleurs tendance � confondre et le vecteur et le r�pliquant. L'image de Ben Laden (voir ci-dessus) est un m�me (ou dissimule un m�me) puisqu'elle induit des comportements d'ailleurs vari�s chez ceux qui la re�oivent. Mais c'est aussi un v�hicule qui utilise les r�seaux modernes de la soci�t� de l'information pour se r�pandre et pour se dupliquer. Par ailleurs, le mot Ben Laden, l'allusion m�me � Ben Laden r�sultant de la circulation d’une image de lui, peuvent aussi �tre consid�r�s comme des m�mes. Une fois engag� dans cette voie de la m�m�fication (c'est-�-dire de la transformation de tout ce qui nous entoure en m�mes) il n'y a pas de raison de s'arr�ter. Certains ont vu d'ailleurs dans une telle m�m�fication galopante l'effet de la contamination des esprits des m�m�ticiens et de leurs disciples par le m�me de m�me.

Il est certain qu'arriv� � ce stade, il faut reprendre pied. On est certes en droit d'appeler m�me tout symbole du langage, qu'il s'agisse d'ailleurs de mots individuels ou de leurs associations en phrases et en discours. Mais alors il faut revoir � l'aune de la m�m�tique l'ensemble des sciences de l'homme, pour mieux identifier les r�plicants, ainsi que ce � quoi ils correspondent dans les cerveaux (repr�sentations) et dans notre environnement (notamment les objets du monde r�el identifi�s par le langage, ainsi que les machines ou artefacts qui constituent des objets tr�s particuliers cr��s par l'homme). On d�velopperait ainsi une description de type objectif de ce super-organisme qu'est l'humanit� et des traitements d'information qui s'y d�roulent. Cette description conduira in�vitablement � une mod�lisation � partir de r�f�rences computationnelles qui nous permettront ensuite de r�aliser des machines intelligentes.

Si on veut au contraire, comme certains m�m�ticiens semblent le faire, distinguer entre les id�es, images, symboles ou repr�sentations mentales qu'ils qualifieront de m�mes, et d'autres id�es ou repr�sentations �chappant � la m�m�tique et � ses illusions, comme pourraient l'�tre par exemple les th�ories scientifiques d�ment prouv�es par l'exp�rimentation, alors o� faire passer la fronti�re entre ce qui est m�me et ce qui ne l'est pas ? Pour Susan Blackmore, tout est m�me ou m�meplexe, y compris la conscience de soi, le Je. Pour Dawkins ou Dennett il ne semble pas que ce soit le cas. Mais qui a raison ?

Le m�me est un r�plicateur de type biologique

C'est effectivement pour sortir la m�m�tique de cette situation de confusion intellectuelle, qui �tait celle de la g�n�tique avant l'identification de l'ADN, que Robert Aunger entreprend de mieux pr�ciser ce que selon lui nous devrions appeler un m�me. Il retient pour cela l'hypoth�se fondamentale de Dawkins : il s'agit d'un r�plicant ou r�plicateur de type biologique, susceptible de contaminer les milieux qui l'h�bergent.

Cette analyse lui permet d'abord de clarifier les rapports entre les g�nes et les m�mes, rapports de subordination avait dit le p�re de la sociobiologie, E.O.Wilson. Robert Aunger adopte au contraire le point de vue devenu commun selon lequel il y a co-�volution entre la nature (l'organisme et celles de ses fonctions directement command�es par les g�nes) et la culture (tout ce que l'individu apprend au contact de son environnement, d�s le stade de l'embryon, et qui se traduit par la mise en place puis la s�lection de neurones et connexions synaptiques en grand nombre, la vie durant). Mais pour lui, cette co-�volution restera myst�rieuse si on n'en pr�cise pas les m�canismes. Elle est en partie le produit de l'activit� des m�mes.

Les m�mes qui “infectent” l'individu d�s le plus jeune �ge sp�cifient le profil �pig�n�tique de l'individu et les fonctions qu'il remplit au sein de la soci�t�. Mais que sont exactement les m�mes ? En quoi peuvent-ils �tre qualifi�s de r�plicants ? S'agit-il de parasites, de parasites symbiotiques ou de parasites �go�stes ? Comment se fait la co-�volution entre m�mes et g�nes et qui la dirige ? R�soudre ces questions devrait permettre de mieux cerner le concept encore flou de culture et m�me de fonder une v�ritable th�orie nouvelle de la culture, tant animale qu'humaine. Mais elles ne peuvent �tre r�solues qu'une fois les m�mes convenablement identifi�s.

Le zoo des r�plicateurs

Pour y voir plus clair, Aunger propose une analyse des r�plicateurs que nous connaissons d�j� : le g�ne, le prion ou le virus informatique. Cette exploration du zoo darwinien des r�plicateurs permet d’en donner une d�finition pr�cise : la source doit produire directement la copie, identique � elle-m�me, par transfert d'information et en ne disparaissant pas dans le processus. Par ailleurs, la r�plication est au minimum une duplication : le r�plicateur doit donner naissance � deux copies de lui-m�me et pas seulement se reproduire en un seul exemplaire.

Parall�lement, il convient d'identifier les vecteurs, v�hicules ou interacteurs qu'il ne faut pas confondre avec les r�plicants mais qui contribuent � leur diss�mination. Ce sont le plus souvent les interacteurs qui sont visibles et auxquels on est tent� d'attribuer la contamination (en les prenant pour des m�mes). Une image repr�sentant Ben Laden n’est pas un m�me, c’est un vecteur ou interacteur. Le m�me est l’id�e Ben Laden suscit�e par son image.

Enfin, il faut rappeler que la r�plication constitue des lign�es (ou esp�ces en g�n�tique), dot�es d'une stabilit� suffisante pour se perp�tuer, mais cependant susceptibles d'�voluer du fait de leurs mutations sous la pression concurrente d'autres lign�es.

Il s'ensuit une Th�orie de la R�plication, ainsi formulable : “Les r�plicateurs utilisent diff�rents m�canismes pour faire des copies d'eux-m�mes. Chaque m�canisme d�finit une vitesse de r�plication sp�cifique, laquelle entra�ne une dynamique �volutionnaire elle-m�me sp�cifique”. Sous cet angle, la r�plication appara�t comme un ph�nom�ne hautement complexe et sp�cialis�. Les m�m�ticiens doivent s'en souvenir avant de voir dans toute entit� apparaissant ici et r�apparaissant l� un authentique r�plicateur.

A la lumi�re de l'�tude des g�nes, des prions et des virus informatiques, Robert Aunger est conduit � pr�ciser �galement le concept d'information, laquelle est transmise par le r�plicateur. Il n'existe pas de d�finition commune de l'information. Certains y voient une r�alit� immat�rielle. Si on consid�re le m�me (ainsi que les autres r�plicateurs �tudi�s) comme une entit� mat�rielle, il faut au contraire retenir de l'information une d�finition mat�rielle ou physique. Il s'agit de liens atomiques ou �lectro-chimiques entre �l�ments (entre neurones dans le cas des m�mes) qui construisent un certain ordre n�guentropique (1), lequel ordre peut �tre transmis (ou d�truit) au prix d'une certaine d�pense. Le m�canisme de transmission est de type cl�-serrure, � l’image de la reconnaissance mol�culaire st�r�osp�cifique. Les r�plicateurs, y compris les m�mes, sont donc des entit�s qui transf�rent des contraintes structurelles hautement sp�cifiques. Ainsi un neurom�me ayant acquis dans l’espace tridimensionnel du milieu neuronal une forme comportant l’�quivalent d’un tenon en menuiserie pourra s’embo�ter dans un autre dont la forme comportera l’�quivalent d’une mortaise. Par contre, il ne pourra pas le faire avec un autre m�me dont la forme ne comportera que des tenons.

Cela se traduit par ce qu’il appelle le Principe du r�plicateur “casanier” ou “collant” (Sticky R�plicator Principle) : le r�plicateur choisit un substrat pour y vivre et il n'en sort plus. Autrement dit, la source et la copie doivent partager le m�me substrat. Le Principe contredit la m�m�tique classique, qui pr�tend qu'un m�me peut naviguer d'un substrat � un autre (d'un cerveau vers un ordinateur puis � nouveau vers un cerveau, par exemple). Si le m�me pouvait passer d'un substrat � l'autre, on ne voit pas de quoi il serait fait exactement. Cela est possible dans le monde num�rique, entre calculateurs ou autres supports informatiques, mais pas entre des milieux qui ne sont pas des calculateurs.

On peut en conclure que le m�me, s'il existe, constitue une entit� du monde physique, �voluant � l'int�rieur d'un milieu homog�ne. En cela, il ressemble au g�ne.

On ne trouve le m�me que dans le cerveau

Si le m�me est un authentique parasite, responsable de nombreux ph�nom�nes jusqu'ici attribu�s aux g�nes ou � d'autres causes, son identification fera consid�rablement progresser les sciences, notamment les sciences humaines et politiques. Mais o� chercher ce m�me ?

Conform�ment aux principes �voqu�s pr�c�demment, Robert Aunger s’engage dans cette recherche en �liminant tout ce qui n'est pas biologique, notamment les artefacts o� les m�m�ticiens classiques identifient des m�mes aussi nombreux que virulents : une voiture, une maison, un grille-pain. Il �limine �galement les mots et symboles utilis�s dans les �changes entre les hommes. Un mot en soi n'a de valeur m�m�tique que s'il se r�f�re � une connaissance ou une repr�sentation d�j� pr�sente dans les cerveaux des interlocuteurs utilisant ce mot pour communiquer. D'une fa�on g�n�rale les comportements d�crits par les comportementalistes ou b�havioristes ne peuvent �tre consid�r�s comme h�bergeant des m�mes. S'ils peuvent �tre imit�s, ils ne peuvent se r�pliquer de fa�on autonome.

Selon Aunger, c'est finalement dans le cerveau, et seulement dans le cerveau, qu’il est possible de trouver des m�mes. Pour justifier son hypoth�se, l'auteur propose une v�ritable th�orie du cerveau. Il montre que les op�rations c�r�brales d�coulant du fonctionnement des neurones, d'abord limit�es � la mise en relation directe des organes sensoriels et moteurs, ont commenc� � s'associer du fait de l'�mergence de r�plicateurs, les neurom�mes, qui ont �tabli des ponts mobiles entre synapses et neurones. Ce sont ces neurom�mes qui, en se r�pandant et en se r�pliquant dans l’ensemble du syst�me nerveux, ont assur� sa plasticit�. Et ceci pour l’ensemble des esp�ces dot�es d'un enc�phale, tout au long de leur �volution. L'apparition chez les primates puis chez l'homme de gros cerveaux a donn� aux neurom�mes un champ d'action et une efficacit� accrus. Les m�mes ont ainsi pu d�velopper et sp�cialiser des connections non c�bl�es g�n�tiquement.

Aujourd'hui, ils jouent un r�le majeur dans le fonctionnement du cerveau. Leur comp�tition darwinienne permanente assure l'�mergence d'un comportement global adapt� � la milliseconde, reposant sur une m�moire � court terme et, dans certains cas, l'auto-r�f�rentialit�. Dans cette hypoth�se, le m�me est une connexion plus ou moins temporaire entre synapses d'un m�me neurone ou entre neurones, jouant un r�le fonctionnel, par exemple en commandant tel �tat local du cerveau intervenant dans l'�tablissement d'une repr�sentation ou la commande d'un comportement moteur. Il s'agit donc d'une r�alit� physique, que l'on pourrait identifier un jour avec les moyens ad�quats de l'imagerie c�r�brale fonctionnelle. Cependant, comme par d�finition le m�me est tr�s volatil et mobile, la mise en �vidence d'un m�me identique susceptible de se trouver � divers endroits du cerveau sera pratiquement impossible. Le m�me concr�tise en fait une coh�rence d'�tat entre un ou plusieurs neurones � un certain moment et en un certain lieu, permettant de d�clencher la production d'une impulsion globale. Robert Aunger avance l'hypoth�se qu'il y a continuit� entre la m�moire � tr�s court terme r�sultant de l'activit� des m�mes et sa consolidation dans une m�moire � long terme command�e par les g�nes. Il �voque en ce sens le r�le d'une prot�ine sp�cifique dite CREB, connue pour consolider certaines liaisons synaptiques. Ces hypoth�ses nous paraissent particuli�rement int�ressantes face au probl�me que nous avons �voqu� dans le chapitre consacr� � la conscience : comment se forme la conscience instantan�e au sein de l’espace de travail conscient, support de la repr�sentation du Je.

Poursuivant la construction de sa th�orie m�m�tique du cerveau, l'auteur avance la d�finition suivante du neurom�me : le neurom�me correspond � la configuration d'un nœud du r�seau neuronal capable d'induire la r�plication de son �tat dans d'autres nœuds. Cependant l’auteur ne pr�cise pas clairement les m�canismes permettant cette induction d'�tat. S'agit-il de l'envoi de transmetteurs ou d'une v�ritable induction �lectro-magn�tique entre axones parcourus par le potentiel d'action ?

Quoi qu'il en soit, les m�mes devraient exister en tr�s grand nombre. Chacun des 100 milliards de neurones du cerveau humain pourrait en g�n�rer un � tout moment, pla�ant les m�mes en comp�tition darwinienne permanente, dans l'inconscient ou le conscient, pendant la veille ou le sommeil. Certains seraient stationnaires, responsables des zones de stabilit� relative du cerveau. D'autres seraient mobiles, utilisant notamment les liaisons neuronales associatives r�entrantes entre aires c�r�brales. Les repr�sentations mentales un tant soit peu complexes exigent la coop�ration de nombreux m�mes. L'auteur n'indique pas en ce cas selon quelles logiques ou quels processus ces m�mes se conjuguent. De m�me, la question des contraintes dans lesquelles s'exerce la comp�tition darwinienne des m�mes n'est pas non plus �voqu�e. Existe-t-il de telles contraintes ? La comp�tition se fait-elle, comme dans certains syst�mes multi-agents de la vie artificielle, sans contraintes de d�part ? Ces questions restent pos�es.

Quoi qu’il en soit, dans l'hypoth�se ainsi pr�sent�e, qui insiste sur le r�le de la r�plication des m�mes � l'int�rieur du cerveau, leur apparent parasitisme n'en est pas un. L’activit� des m�mes constitue au contraire un avantage adaptatif acquis. Elle permet notamment la redondance des informations entre neurones et plus g�n�ralement la permanence des informations constituant la personnalit� culturelle du sujet. Elle assure enfin la migration de la m�moire � court terme vers la m�moire � long terme. Les m�mes seraient finalement les briques (molles et mobiles) � partir desquelles se construiraient les cerveaux et leurs contenus cognitifs. Il s'agirait de parasites utiles et non nuisibles, un peu comparables aux bact�ries qui assurent le bon fonctionnement des visc�res.

Les “instigateurs”

Les m�m�ticiens ��classiques�� ne se satisferont pas de cette description des m�mes, qui en fait pratiquement des modules internes aux cerveaux. Que devient ce r�le de parasite de l'esprit, avec lesquels les m�mes imposent � des milliers de gens leurs contenus s�mantiques et les comportements destructifs que ces contenus peuvent commander, guerres civiles ou guerres de religions ? Pour les m�m�ticiens, nous l'avons rappel�, les m�mes sautent litt�ralement de cerveau en cerveau, � travers des supports aussi divers qu'inattendus dans lesquels ils s'incarnent momentan�ment. Mais la m�m�tique n'a pas encore expliqu� clairement comment l'information contenue dans un neurom�me peut �tre d�cod�e et recod�e pour s'inscrire dans le v�hicule ou interfacteur, puis � nouveau d�cod�e et recod�e pour entrer dans le cerveau de la personne contamin�e ? Pour Aunger le m�me, tel qu'il est d�fini en conformit� avec la Th�orie du R�plicateur pr�sent�e pr�c�demment, ne peut pas sauter d'un cerveau � l'autre, ni directement ni par l'interm�diaire de signaux dans lesquels il se dissimulerait. Cependant la transmission sociale de l'information reste indispensable � l'�tablissement d'une culture.

Afin de r�soudre cette difficult�, l'auteur propose l'hypoth�se que le m�me se borne � �mettre, via le cerveau et l'organisme dont il est l'h�te, des signaux ayant la fonction d'“instigateurs”. Ils seraient �mis au hasard, jusqu'� rencontrer le cerveau d'un autre organisme en �tat de d�clencher les processus internes permettant la cr�ation d'un homologue du m�me �metteur. La lign�e pourrait alors poursuivre son d�veloppement comme si aucun espace entre les organismes n'avait d� �tre franchi, aux erreurs mineures d'ajustement pr�s r�sultant du processus de conversion. La transmission n'est ni directe, ni parfaite ni m�me assur�e. On se trouve dans la situation d'un arbre qui diss�mine ses graines en esp�rant que l'une d'entre elles rencontrera un terrain favorable pour germer. Dans la plupart des cas, le signal n'est pas re�u ou provoque des r�sultats tr�s �loign�s de ceux que le m�me �metteur transmettait.

En termes de contenus d'information, les m�mes et leurs signaux sont compl�tement ind�pendants. Les signaux sont �labor�s avec les moyens, sous contr�le des neurones moteurs, dont le corps dispose, de la m�me fa�on que le m�me � l'int�rieur du cerveau est transmis par �change �lectrochimique entre neurones c�r�braux. On retrouve l� en fait la fa�on traditionnelle dont les animaux communiquent entre eux. Leurs repr�sentations c�r�brales commandent des comportements musculaires, comportements qui sont re�us comme symboles d'un contenu de communication par les animaux en �tat de les percevoir : par exemple un geste de menace, que d’autres animaux appartenant ou non � la m�me esp�ce peuvent identifier s’ils se trouvent � port�e. En ce cas, le message est transform� par ceux qui l’ont re�u en un contenu s�mantique d�termin�, � partir duquel ils r�glent leur conduite : fuir ou attaquer.

Aux origines, le saut du m�me d'un cerveau � l'autre a d� se produire d�s le moment o� le m�me a pris naissance � l'int�rieur du cerveau. Mobiliser les moto-neurones responsables de l’�mission de signaux vers l’ext�rieur n'�tait pour lui qu'une autre face de l'action de mobilisation des neurones c�r�braux internes. Cela veut dire que la communication culturelle (entre organismes) s'est �tablie d�s le moment o� se sont mis en place des neurones capables d'activit�s internes � l'organisme. Mais, une fois mis au contact du monde ext�rieur et confront� � la comp�tition avec les signaux provenant d'autres organismes, le signal �mis par un m�me donn� a eu toutes les chances d'induire des r�sultats plus ou moins diff�rents de ce que provoquait le m�me dans l'organisme d'origine.

C'est pourquoi la culture �volue. Elle ne d�coule jamais de la simple addition des produits des cerveaux individuels. Elle est le r�sultat d'un conflit darwinien permanent entre agents. Les contraintes � l’int�rieur desquelles cette �volution s'inscrit, qui sont de types sociologiques, �conomiques, politiques ou autres, peuvent parfois (mais pas toujours) �tre identifi�es de fa�on � ce que l'�volution culturelle globale puisse �tre mod�lis�e, voire orient�e au moins marginalement, comme l’esp�rent certains.

Pour que la communication s'�tablisse et que la culture n'�clate pas dans d'innombrables directions, il faut supposer que les organismes qui �changent des m�mes pr�sentent des similitudes. Celles-ci r�sultent d'abord de structures g�n�tiquement programm�es. On retrouve l'hypoth�se de Chomsky relative � l'existence de circuits nerveux inn�s permettant l'acquisition du langage - hypoth�se �tendue aujourd’hui � l’ensemble des fonctions cognitives�: les enfants ne naissent pas avec des pages blanches en place d’esprit. Mais il existe aussi des d�veloppements �pig�n�tiques voisins, ayant conduit � l'�tablissement d’une communaut� de pens�e ou de mode de vie. Les m�mes en ce cas reconfigurent � la marge ce qui existait. Ils ne construisent pas tout � partir de rien. Les fili�res m�m�tiques qui persistent sont celles qui, d'une certaine fa�on, �taient adapt�es au milieu receveur. Sinon, elles ne seraient pas re�ues ou avorteraient presqu’imm�diatement. C'est ainsi qu'une personne de culture scientifique ne c�de pas facilement (en g�n�ral) aux arguments pr�sent�s par une secte ou par un marabout.

Les syst�mes technologiques m�m�tiques

Robert Aunger poursuit actuellement ses travaux par des consid�rations sur le changement sans doute radical qu'apportera dans quelques ann�es l'�mergence de syst�mes automatiques intelligents, associ�s ou non � des cerveaux humains. L'�l�ment nouveau viendra du fait que de tels syst�mes pourront g�n�rer leurs propres m�mes, gr�ce � leur puissance auto-r�f�rentielle et cr�atrice. On pourra les nommer des “technom�mes”. Ces m�mes viendront en conflit darwinien avec ceux des syst�mes sociaux traditionnels. On entrera alors dans un monde diff�rent de l’actuel, auquel il convient de r�fl�chir d�s � pr�sent. Une nouvelle sorte d'�volution appara�tra alors dans notre univers, bas�e en grande partie sur les capacit�s m�m�tiques des technologies et leurs capacit�s de s'associer en m�ta-m�mes ou m�meplexes d'une tr�s grande puissance op�rationnelle. Cela d'autant plus que les machines computationnelles n'ont pas besoin de langages symboliques ou autres m�diateurs pour �changer et agr�ger leurs m�mes. Elles peuvent en principe se parler directement de cerveau artificiel � cerveau artificiel. Nous examinerons ces questions dans le prochain chapitre.

M�m�tique et super-organisme

Comment expliquer la transmission apparente des m�mes ? Autrement dit, comment expliquer le fait que les contenus cognitifs d'un individu soient suffisamment semblables � ceux d'un autre individu, au sein d'une m�me esp�ce, pour qu'un message “instigateur” simple �mis par le m�me d'un individu puisse g�n�rer l'apparition d'un m�me semblable chez un autre individu ? C'est l� que nous retrouverons le concept de super-organisme, lequel rassemble les individus d'une m�me esp�ce.

Le d�faut des analyses m�m�tiques, y compris de celles de Robert Aunger, est de vouloir partir de l'organisme individuel et plus particuli�rement de son cerveau pour analyser le m�me. Il devient alors difficile de comprendre comment le m�me peut �tre partag� par d'autres organismes, sauter d'un cerveau � l'autre. Faire appel � des signaux instigateurs n�cessairement simples ne r�sout pas la difficult�. Si je n'ai jamais entendu parler d'Al Quaida, le mot Ben Laden ne signifiera rien pour moi.
Nous pensons qu’alors il faut introduire le concept de super-organisme, brillamment appliqu� aux syst�mes sociaux humains par Howard Bloom.

Dans les super-organismes que sont les soci�t�s d'insectes sociaux, on ne s'�tonne pas de voir les insectes individuels disposer de moyens de communication fournis par l’�volution, par exemple les ph�romones. L'utilisation des ph�romones r�sout � la fois la question de la forme et du fond (c'est-�-dire du contenu s�mantique) de l'�change. Si par ailleurs de telles soci�t�s, par exemple celles des abeilles, pouvaient g�n�rer une culture non enti�rement sous contr�le g�n�tique, � partir de l'�change de messages produits par les insectes eux-m�mes en interaction avec un environnement sp�cifique, on ne s'�tonnerait pas davantage de voir que chaque individu puisse saisir, m�me � partir d'indices faibles, le contenu cognitif des signaux produits par les autres.

Il faut se rappeler qu'avant d'�tre autonomes, les individus appartenant aux esp�ces complexes, y compris l'esp�ce humaine, sont les membres d'un super-organisme (ou de plusieurs super-organismes) qui leur offrent d�s le d�part un milieu culturel tr�s organis�. Celui-ci est constitu� d'innombrables repr�sentations implicites, d'innombrables signaux ou symboles codifi�s qui correspondent � ces repr�sentations et prennent la forme des divers langages utilis�s par ces groupes pour la communication interindividuelle. Les repr�sentations collectives ne flottent pas en l'air. Elles sont pr�sentes, sous forme de m�mes ou m�tam�mes dans les cerveaux de certains individus (les individus “cultiv�s”). Elles se transmettent par l'exemple, la parole et l’�ducation.

Quand elles sont structur�es, elles prennent la forme de contenus scientifiques. L'apprentissage consiste alors � relier le signal et la repr�sentation collective qu'il symbolise aux repr�sentations et aux signaux d�j� acquis par l'individu, ceci d�s sa vie embryonnaire. Si j'apprends que l'objet que je vois s'appelle un avion et que le mot avion sous-tend un ensemble de relations dont je n'avais jusqu'� pr�sent qu'un mod�le sommaire r�sultant de ma propre exp�rience, je deviens capable d'enrichir ce mod�le de tout ce que j'apprendrai ult�rieurement relativement aux avions.

Il faut bien voir que ce processus de mise en conformit� des membres d'un super-organisme, inh�rent � leur existence (lesquels organismes sont en comp�tition darwinienne les uns avec les autres), n'est pas apparu et ne se poursuit pas � la suite d’un plan d�fini. Il r�sulte d'un m�canisme permanent de type reproduction, mutation, s�lection, amplification, c'est-�-dire d'un processus darwinien. Ce processus ne peut int�resser que des entit�s �volutionnaires, c'est-�-dire en particulier r�plicatives, s'exprimant sur le mode darwinien. En d'autres termes, l'ensemble du processus d'�laboration et de consolidation du super-organisme repose sur l'�mergence et la comp�tition darwinienne permanente des neurom�mes, puis des sociom�mes, puis des technom�mes, r�sultant de l'activit� des syst�mes moteurs et c�r�braux des membres du super-organisme.

Les m�mes ne sont donc pas des facteurs �pisodiques apparus dans la vie sociale mais les agents de base responsables de la constitution des super-organismes associant des individus dot�s de syst�mes nerveux. Il ne faut donc pas s'�tonner s'ils s'adaptent aux repr�sentations comme des clefs � des serrures, mutations mises � part.

Il ne faut pas non plus s'�tonner qu'ils soient partout et qu'ils jouent de multiples r�les. Certains paraissent nuisibles � la survie de quelques super-organismes. On parlera alors au sein de ceux-ci de m�mes parasites ou mortels. Mais ils correspondront � l'�mergence d'autres super-organismes tentant de se faire une place au soleil en recrutant des associ�s dans les super-organismes existants. C'est ainsi que le m�me Ben Laden peut �tre interpr�t� dans diff�rents contextes cognitifs et politiques comme mena�ant pour des int�r�ts �tablis ou f�d�rateur pour des int�r�ts d�sireux de se substituer � ces derniers.

Conclusions pratiques

Faut-il prendre au pied de la lettre toutes les affirmations ou hypoth�ses des m�m�ticiens concernant la �� r�alit頻 de telles entit�s ? Certainement pas. Les m�mes, comme les g�nes et plus g�n�ralement comme tous les ��objets�� d�crits par les sciences, sont des constructions destin�es � essayer de rendre compte de ph�nom�nes dont la complexit� se r�v�le au fur et � mesure que progressent les instruments d’observations. Ce qui est certain, c’est que les anciennes explications psychologiques ou sociologiques ne suffisent plus � rendre compte de cette complexit� et qu’il faut approfondir le regard. Il faut aussi l’�largir en croisant les outils d’analyse fournis par diff�rentes sciences parfois �loign�es les unes des autres, ce qui n’est jamais facile dans un monde o� les cloisonnements entre disciplines restent forts. Pour ce qui nous concerne, nous retiendrons que la m�m�tique, comme l’avait fait la psychanalyse en son temps, ouvre des fen�tres sur le monde dont le mat�rialisme scientifique ne saurait plus se passer.

1 : Il s’agit d’un ordre n�guentropique analogue � l’ordre de la cellule vivante, laquelle se construit � partir du d�sordre en consommant de l’�nergie pr�lev�e dans le milieu.


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