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Compl�ments du livre |
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Les super-organismes techno-scientifiques sont ind�niablement les structures organis�es d’origine humaine les plus puissantes install�es par l’humanit� sur Terre, dans une d�marche mi-volontaire mi-inconsciente de construction de la niche destin�e � l’abriter. Nous avons dit que ces structures ont tendance � �chapper � leurs concepteurs, � leurs utilisateurs et plus g�n�ralement aux pouvoirs politiques et moraux susceptibles de les contr�ler. Il ne faut pas cependant �tre na�f. Des hommes demeurent aux commandes, plus ou moins bien inform�s et comp�tents. Mais ils sont l�. Or qui sont-ils ? Sont-ils les repr�sentants scrupuleux et d�sint�ress�s d’un int�r�t g�n�ral �tendu � l’humanit� toute enti�re ? Ou sont-ils les agents d’int�r�ts particuliers, ceux de certains Etats, de certaines entreprises, de certains complexes politiques, �conomiques et religieux ? La r�ponse ne fait pas de doute. Le monde est ainsi structur�, sans doute depuis les origines m�me de la vie, pour que des int�r�ts en comp�tition darwinienne s’affrontent en permanence. Il ne sert � rien de le regretter. Chez les humains, les conflits apparaissent in�vitables. Ils peuvent appara�tre utiles, m�me sans doute lorsqu’ils provoquent des morts multiples. Ils obligent en effet les soci�t�s � se renouveler au lieu de s’engourdir dans un monde apparemment hospitalier. Depuis les deux derni�res guerres mondiales, l’Occident avait caress� le r�ve qu’un certain consensus pouvait s’�tablir, entre puissants et faibles, pour servir ensemble le d�veloppement collectif, notamment au travers des sciences et des techniques. Le r�ve, aujourd’hui, auquel il ne faut pas renoncer, cache mal cependant l’existence de super-puissances, voire d’hyper-puissances, qui ont su exploiter des situations de d�part privil�gi�es (notamment en terme d’acc�s aux ressources naturelles) pour monopoliser � leur profit les possibilit�s offertes par le d�veloppement des sciences et des technologies. Les Etats-Unis d’Am�rique sont dans cette situation aujourd’hui. Mais � terme il n’est pas impossible qu’ils soient mis au d�fi et rejoints par de futures autres super-puissances, notamment la Chine et l’Inde. Quant � l’Europe, on peut craindre qu’elle ne soit pas capable de se r�veiller de son sommeil actuel et qu’elle renonce � se pr�senter en tant que Puissance dans le monde multipolaire qui succ�dera in�vitablement � la domination am�ricaine actuelle. Mais qui sont ces Am�ricains qui sont aux commandes des principaux super-organismes technologiques dominant le monde d’aujourd’hui. Pour les Atlantistes de par le monde et notamment eu Europe, ce sont les meilleurs leaders dont le ��monde occidental��, voire le monde tout entier, pourrait r�ver. Pour beaucoup d’Am�ricains eux-m�mes, plus avertis que nous des faiblesses de leur soci�t�, ce n’est pas tout � fait le cas. Il nous a paru int�ressant, dans ce livre, d’examiner l’opinion de deux d’entre eux, peu suspects, on le verra, d’anti-am�ricanisme visc�ral non plus d’ailleurs que d’anti-cl�ricalisme syst�matique. La th�ocratie am�ricaine selon Kevin Phillips Il y a quarante ans, Kevin Phillips, jeune analyste politique, militant du parti r�publicain (le Good Old Party ou GOP), avait pr�dit de longues ann�es de succ�s � ce parti. Son livre ("The Emerging Republican Majority" 1969) pr�disait qu’apr�s la seconde guerre mondiale, la migration des �lites et des ressources des vieux Etats industriels du Nord-Est vers ceux du Sud et de l’Ouest (ce qu’il avait appel� la ceinture dor�e ou Sun Belt) donnerait naissance � une majorit� r�publicaine r�nov�e, au conservatisme renforc�, qui dominerait l’Am�rique pendant des ann�es. Un parti r�publicain plus affirm� restaurerait la stabilit� et l’ordre dans une soci�t� boulevers�e par les grands changements cons�cutifs � la guerre. Phillips joignit d’ailleurs le geste � la parole puisqu’il rejoignit � cette �poque l’administration Nixon. Depuis, il publia de nombreux ouvrages politiques, notamment les best-sellers Politics of Rich and Poor (1990) et Wealth and Democracy (2002), dans lesquels il abandonnait progressivement son enthousiasme pour le parti r�publicain, au service duquel il avait rapidement cess� de se mettre. Son dernier ouvrage, American Theocracy (Kevin Phillips American Theocracy, The Peril and Politics of Radical Religion, Oil, and Borrowed Money in the 21st Century. Viking), peut �tre consid�r� comme un long regard en arri�re sur la fa�on dont la coalition conservatrice a trahi les espoirs que lui et beaucoup d’autres citoyens �clair�s avaient mis en elle. Il avoue sans ambages s’�tre tromp� en consid�rant la majorit� conservatrice comme une garantie de stabilit� et d’ordre. Il y per�oit au contraire un m�lange d�sastreux d’extr�misme id�ologique, d’irresponsabilit� fiscale et mon�taire, de corruption rampante et d’un manque complet de vision � long terme. Le message effraiera manifestement (peut-�tre m�me terrifiera-t-il) de nombreux lecteurs, aux Etats-Unis comme ailleurs, mais il est tr�s bien argument� et d�pourvu de toute pol�mique, ce qui est rare aujourd’hui. Il s’appuie par ailleurs sur de nombreux exemples historiques montrant comment des puissances bien �tablies ont pu s’effondrer du fait de gestions � courte vue et �go�stes. Nous devons nous int�resser � ce travail et aux commentaires qu’il suscite. Tout ce qui permet de comprendre un pouvoir qui conduit sans doute l’Am�rique et le monde entier � des impasses voire � des cataclysmes ne devrait laisser personne indiff�rent. Contrairement � d’autres, Kevin Phillips ne s’en prend pas particuli�rement � G.W.Bush et � ses conseillers proches, qu’il consid�re manifestement comme des sympt�mes et non comme des causes. Il n’a gu�re non plus de consid�rations pour d’�ventuels rempla�ants d�mocrates. Son estime pour Hillary Clinton, par exemple, n’est pas tr�s �lev�e. Il veut voir plus haut, ou plus en profondeur. Il cherche � analyser ce qu’il n’appelle pas, mais que nous nommerons, le d�clin de l’Empire am�ricain. Il identifie trois d�rives profondes, qui ne remontent pas � la pr�sente Administration mais que celle-ci n’a fait qu’aggraver. Ce qu’il �nonce ne constitue pas � proprement parler une r�v�lation. Cela fait longtemps que de nombreux commentateurs de la vie politique am�ricaine avaient d�nonc� les d�rives qu’il d�crit. Ce qui est int�ressant par contre est que le proc�s soit fait par un ancien partisan des R�publicains, manifestement honn�te et se voulant objectif. La premi�re de ces d�rives est le poids qu’ont pris les int�r�ts p�troliers dans la d�finition et, selon l’expression de l’auteur, dans la distorsion de la politique int�rieure et de la politique �trang�re des Etats-Unis. La seconde est l’intrusion g�n�ralis�e et dangereuse d’un Christianisme radical � tous les niveaux des administrations et du gouvernement. En Europe, beaucoup de croyants n’osent pas reconna�tre et d�plorer ce fait, de crainte de donner des armes aux mouvements la�cs militants europ�ens. Mais ils ont tort car ils ne se rendent pas compte � quel niveau d’outrance le fondamentalisme chr�tien a pu monter en Am�rique, pervertissant tout, des droits de l’homme (et de la femme (1)) jusqu’� la rationalit� scientifique la plus �l�mentaire. Nous y avons souvent fait allusion dans ce livre. La troisi�me d�rive d�nonc�e par Kevin Phillips concerne les niveaux d’endettement fabuleux accumul�s par le gouvernement et l’�conomie am�ricaine. On se plaint en Europe de l’importance des d�ficits publics et de l’endettement, mais ceux-ci n’ont rien de comparable avec ceux des Etats-Unis. Les perspectives de la dette, loin de s’am�liorer, ne font que s’aggraver, dans l’indiff�rence des Pouvoirs Publics et des institutions financi�res. Il s’agit pourtant de v�ritables armes que le pays remet inconsid�r�ment dans les mains de ceux qui pourraient se r�v�ler demain d’impitoyables adversaires. Le point peut para�tre mineur vis-�-vis des pr�c�dents, mais il est � consid�rer car l� se trouvera peut-�tre la faiblesse qui fera tomber l’Empire am�ricain, de m�me qu’Al Capone �tait tomb� pour une fraude fiscale peu comparable au reste de ses crimes. A la base de ces d�rives se trouve l’incapacit� des leaders de regarder au-del� de leurs int�r�ts imm�diats et de leurs ambitions politiques, pour proposer � la nation des perspectives de long terme lui permettant de s’engager dans un avenir s’assombrissant de jour en jour. Pour l’auteur, il ne fait ainsi aucun doute que la
d�cision d’envahir l’Irak n’avait rien �
voir avec la pr�sence all�gu�e d’armes de destruction
massive mais avec la volont� de mettre la main sur les puits de
p�trole d’une r�gion richement dot�e. Cela
afin de diminuer les prix du carburant � la consommation et d’encourager
le gaspillage propre au mode de vie des riches Californiens. ��Repr�sentez
vous l’Irak, avait dit un expert p�trolier, comme une base
militaire dot�e de vastes r�serves p�troli�res
en sous-sol.�� Le second point sur lequel le livre dresse un accablant diagnostic concerne l’envahissement des affaires publiques et du gouvernement par les repr�sentants du christianisme radical. Depuis les �lections de 2004, cette mont�e en puissance n’est plus un secret, mais Kevin Phillips en multiplie les exemples. Il s’appuie pour ce faire sur les informations que lui ont fournies des journalistes et des universitaires indign�s. Le portrait qu’il dresse de la droite religieuse est effectivement effrayant. L� encore, en Europe, on pourrait s’estimer prot�g� contre de tels exc�s. Mais ce serait une erreur. Pour des raisons multiples, les exemples bons ou mauvais venus des Etats-Unis sont g�n�ralement docilement suivis. C’est le cas en ce qui concerne d�j� le fondamentalisme chr�tien, que des pays comme la Pologne revendiquent clairement pour leur compte. En science, un mouvement aussi inepte que l’Intelligent Design commence � �tre discut� s�rieusement. L’emprise de l’am�ricanisme est telle que ce n’est plus possible de prendre ce ph�nom�ne � la l�g�re (2). On lira avec int�r�t les longs d�veloppements, quasi anthropologiques, que l’auteur consacre � ces groupements religieux de plus en plus puissants : la "Southern Baptist Convention", les "Christian Reconstructionists" et bien d‘autres �glises de type sectaire. Tous proposent le retour � une l�gislation ouvertement inspir� de celle des Talibans en mati�re de droits des femmes, le rejet pour immoralit� de la s�paration de l’Eglise et de l’Etat, la mise en place d’un gouvernement th�ocratique inspir�e d’une doctrine chr�tienne tir�e du fond des �ges. Plus grave encore, un tiers de la population d’inspiration protestante pr�tend croire aux proph�ties bibliques concernant l’imminence de l’Apocalypse (Armageddon) se traduisant par l’effondrement du monde mat�riel ath�e, le retour du Christ (le nouveau Messie) et l’�l�vation imm�diate des croyants au Paradis. On pourrait en rire mais de telles croyances ne sont pas sans cons�quences politiques. Ces fanatiques en effet ne feront rien pour temp�rer les prises de risques suicidaires du complexe militaro-industriel pr�t � atomiser la moiti� de la plan�te pour pr�server la supr�matie am�ricaine. Aussi bien les pr�dicateurs de l’Apocalypse, selon Kevin Phillips, pr�sentent-ils la guerre en Irak, les politiques d’expansion de la droite Isra�lienne (le grand Isra�l) et m�me la mont�e du terrorisme comme le signe de l’approche de la catastrophe mill�nariste attendue. L’auteur montre que G.W.Bush a explicitement encourag� ces croyances pour donner un appui populaire � sa politique. Ceci d’autant plus que, comme nul n’en ignore d�sormais, Bush et d’autres membres de son administration s’imaginent eux-m�mes �tre des proph�tes en charge de faire triompher la nouvelle religion - proph�tes d’autant plus �clair�s qu’ils avouent avoir �t�, comme le Pr�sident en sa jeunesse, des supp�ts du Mal. L� encore les Europ�ens, qui lisent de telles choses, devraient �tre horrifi�s. Que ces hommes et les millions de fanatiques qui les soutiennent soient en charge de la plus puissante des nations du monde devrait les faire fr�mir. Si un de nos dirigeants se permettait la moindre de ces billeves�es, c’en serait fait de sa carri�re politique… � moins qu’au contraire, nous voyions prochainement se dresser des candidats au pouvoir supr�me se revendiquant par esprit d’imitation comme directement inspir�s par Dieu. Tout est possible. En ce qui concerne ce que Kevin Phillips appelle la troisi�me plaie de l’Am�rique, c’est-�-dire l’augmentation continue d’une dette ext�rieure abyssale, le livre est moins riche en informations originales. Cela fait longtemps qu’aux Etats-Unis comme dans le reste du monde les �conomistes ont d�nonc� les risques courus. Cette dette est d’abord celle du budget f�d�ral, aliment�e par des d�ficits qui ne font qu’augmenter, dus notamment aux �normes d�penses militaires. Mais elle est aussi celle des syst�mes sociaux. M�me si ceux-ci ne sont pas aussi g�n�reux qu’en Europe, ils sont et seront de plus en plus largement d�ficitaires. On sait moins par contre que les d�ficits atteignent aussi les entreprises, les administrations des Etats et des villes, les consommateurs dont la plupart sont lourdement endett�s. Tout ceci a fait na�tre une sp�cification nationale de la dette (national-debt culture). On croirait entendre parler nos propres experts d�non�ant l’endettement fran�ais. Mais autant en France, comme dans les autres pays europ�ens soumis eux � la culture des crit�res dits de Ma�stricht, l’endettement est consid�r� comme un mal absolu, aux Etats-Unis, personne ne semble s’en soucier. C’est que le dollar, gag� notamment par les p�tro-dollars, �tant encore consid�r� comme une bonne monnaie de r�serve, les Bons du Tr�sor am�ricains trouvent toujours preneurs. La culture de la dette a parfaitement servi les politiques de G.W.Bush et du complexe militaro-industriel et politique qui le soutient. Il est surprenant par contre que pendant des ann�es, de nombreux financiers, avec en premier lieu le pr�sident de la Banque F�d�rale de R�serve Alan Greenspan n’ait rien fait pour la contenir, au pr�texte de ne pas crever les diverses bulles permises par le laxisme mon�taire. De ceci a d�coul� la financiarisation "financialization" de l’�conomie am�ricaine, c’est-�-dire le triomphe des actionnaires et sp�culateurs sur les industriels et producteurs de vrais services, notamment dans le domaine public. La multiplication des scandales financiers � base de corruption en a d�coul� �galement. Pour Kevin Phillips, le go�t de la sp�culation, sans tenir compte des risques qui s’accumulent, est le corollaire de l’attirance messianique qu’�prouvent les milieux �vang�liques pour le chaos final. Aujourd’hui, comme nos lecteurs le savent, les p�rils se rapprochent. La bulle dollar est � tous moments menac�e d’effondrement, soit de par ses propres exc�s, soit sous l’influence d�termin�e des ennemis que les Etats-Unis se sont donn�s dans le monde. On parle de l’ouverture d’un march� p�trolier en euro qui signerait la d�route du dollar. La Chine, jusqu’� pr�sent grosse d�tentrice de dollars, pourrait prendre ombrage des menaces am�ricaines � l’encontre de son potentiel �conomique et militaire. Elle n’aurait pas besoin d’une bombe atomique pour ruiner la domination de Wall Street. Il lui suffirait de changer ses dollars en euros ou en yens. L’Europe ne serait pas indemne, du moins celle que ne prot�ge pas le parapluie de l’euro. Certains observateurs pensent qu’une crise mon�taire plan�taire pourrait na�tre � partir du d�ficit ext�rieur de l’Islande, jug� insoutenable. D’autres pays europ�ens et non europ�ens, comme la Nouvelle-Z�lande, sont dans la m�me situation. Ceci contribuera � acc�l�rer le mouvement actuel de rel�vement des taux d’int�r�ts et pourrait mettre un grand nombre de pays en difficult�, sinon en faillite. Le premier d’entre eux serait les Etats-Unis. Il s’agirait alors du rat� du principal moteur de l’�conomie mondiale. Beaucoup d’�conomistes consid�rent que cet �v�nement, comme la pand�mie de grippe aviaire, ne pose pas la question de savoir s’il se produira ou non, mais de savoir quand il se produira. Certains disent que cela pourrait �tre tr�s bient�t. Dans ce cas, les sombres analyses de Kevin Phillips se r�v�leraient particuli�rement proph�tiques.
Contrairement � ce que l'on pense parfois, un nombre de plus en plus grand de citoyens am�ricains, ne se recrutant pas parmi les anarchistes et repr�sentants de la 4e internationale (nombreux aux Etats-Unis) s'�l�vent contre le renforcement du pouvoir f�d�ral qui d�coule de la politique de lutte contre le terrorisme et de la continuation de la guerre en Irak, pr�sent�e comme la meilleure fa�on d'�liminer ledit terrorisme. Ce ne sont pas seulement les morts ou les d�penses impos�es par la guerre qui les inqui�tent, mais la tr�s rapide �rosion des droits civils et des libert�s publiques qui semble submerger les Etats-Unis. Cette situation r�veille l'hostilit� traditionnelle de nombreuses �lites intellectuelles � l'encontre du pouvoir f�d�ral et surtout � l'encontre des liens de plus en plus �troits entre les cercles politiques dominants � Washington et le pouvoir militaro-industriel. Ces liens ne sont pas nouveaux. Ils ont produit depuis de nombreuses ann�es - en fait depuis le d�but de la guerre froide - une conjonction d'influences, d'int�r�ts financiers et de moyens politico-administratifs, le Military-Industrial-Congressional Complex (MICC) qui fut nomm� The Beast, la B�te monstrueuse. Aujourd'hui, La B�te para�t de plus en plus dangereuse, malgr� et peut-�tre parce que l'invasion de l'Irak ressemble � celle de l'Afghanistan par les Sovi�tiques et risque de finir de m�me. Or, au lieu de prendre acte des erreurs et des risques, la B�te pourrait pousser de plus en plus � �tendre la guerre, par exemple en bombardant de fa�on pr�ventive, avec des armes atomiques, les sites iraniens et nord-cor�ens suppos�s abriter des produits fissiles. On imagine vers quelles catastrophes le monde s'engagerait alors. Non seulement le r�gime am�ricain y trouverait sans doute sa perte, mais aussi l'Occident dont nous sommes partie. Ce que d'ailleurs ne semblent pas comprendre actuellement les Britanniques, fid�les suiveurs des Etats-Unis, auxquels ils sont li�s par la "relation sp�ciale" en mati�re notamment d'armements nucl�aires, ce qui leur �te toute autonomie. Il est donc int�ressant d'�tudier comment des esprits ind�pendants, tel Robert Higgs (3), analysent la situation actuelle et quelles alternatives politiques ils proposent. Nous sommes tous concern�s en Europe, y compris parce que beaucoup d'Europ�ens atlantistes (ils n'y a pas que les Anglais pr�cit�s) ne veulent pas voir avec quels alli�s ils voudraient coop�rer. Le livre pr�sente un sombre panorama de la fa�on dont les chefs politiques successifs ont d�mantel� les syst�mes d'�quilibre des pouvoirs h�rit�s de la constitution, abus� du th�me de la S�curit� Nationale pour d�penser des milliards de dollars sans relation avec cette derni�re, d�truit les libert�s civiles � l'int�rieur et poursuivi des aventures militaires sans objet � l'ext�rieur. Les attentats du 11 septembre ont relanc� la course vers un Etat tyrannique dont la n�cessit� ne paraissait plus s'imposer apr�s la chute du communisme. Sans r�sultats �vidents au demeurant. Selon l'auteur, par exemple, la Transportation Security Administration cr��e pour assurer la s�curit� dans le transport a�rien s'est vite r�v�l�e inefficace et politis�e. Aujourd'hui, � la suite des morts au sein de l'arm�e engag�e en Irak et de la chute des engagements en r�sultant, de nombreuses voix s'�l�vent pour r�instaurer le service militaire obligatoire. Mais pour les lib�raux, il s'agirait d'un retour en force d'une sorte de Big Brother State que rien ne justifie. Il convient de s'interroger sur les raisons qui transforment peu � peu une nation r�put�e d�mocratique en une tyrannie grandissante. Quel myst�rieux facteur de d�gradation la d�truit de l'int�rieur�? Pour Higgs, comme pour beaucoup d'analystes politiques europ�ens, il ne faut pas chercher loin. C'est le Military-Industrial-Congressional Complex MICC d�j� cit� qui est � l'oeuvre. Plus clairement, ce sont les grandes industries militaro-industrielles, lesquelles ach�tent directement ou indirectement les votes des �lecteurs et les d�cisions des membres du Parlement. Higgs montre � cet �gard comment malgr� l'�chec du programme d�j� ancien de guerre des �toiles (d�fense contre des missiles suppos�s venir de l'ex-URSS), la menace du terrorisme, artificiellement grossie (4), a permis de reprendre des programmes anti-balistiques qui se r�v�leront sans doute aussi inefficaces que les pr�c�dents mais qui rapporteront gros au MICC. Il en est de m�me des efforts consid�rables faits actuellement par le MICC pour convaincre la nation qu'il faut reprendre la fabrication d'armes nucl�aires (mini-nukes) destin�es � mettre � raison les Etats dits voyous. Il en est de m�me enfin de la course vers une sophistication de plus en plus pouss�e des composants �lectroniques des syst�mes d'armes qui, paradoxalement, les rend de moins en moins utilisables sur le terrain, comme le constatent maintenant les militaires am�ricains engag�s en Irak. Or les pressions se feront de plus en plus fortes pour que de telles armes atomiques miniaturis�es soient employ�es un jour ou l'autre et ailleurs qu'en Irak, ce qui provoquera des cons�quences � la fois impr�dictibles et consid�rables - peut-�tre la chute du syst�me politique am�ricain, devant l'opprobre suscit� par l'emploi d'armes nucl�aires plus de 60 ans apr�s Hiroshima. L'auteur n'�voque pas avec les m�mes d�tails les lobbies p�troliers, dont l'influence sur les leaders r�publicains et sur la Maison Blanche est au moins aussi forte que celle des industries de l'armement. Il ne fait pas de doute pour lui, cependant, comme pour Kevin Phillips, que l'invasion de l'Irak et le fait de s'y maintenir envers et contre tout sont le r�sultat de la volont� de contr�ler l'acc�s aux r�serves p�troli�res du Moyen Orient. La course aux gisements qui est d'ores et d�j� lanc�e, notamment avec la Chine, laisse peu d'espoir de voir les Etats-Unis rel�cher leur pression sur la zone, quel que soit le prix � payer, notamment en terme d'incitation au terrorisme arabe, dont l'Europe sera la premi�re � souffrir. Pour Higgs, la conjonction des int�r�ts industriels et des majorit�s politiques achet�es par ces derni�res, en vue d'une marche d�termin�e � la guerre, ne date pas de G.W.Bush. Il montre que d�s John F. Kennedy, puis ensuite sous Clinton, le ph�nom�ne avait fait des ravages, conduisant progressivement les citoyens � admettre des budgets croissants de d�penses militaires ou assimil�es au d�triment des d�penses civiles en termes d'�quipement d'infrastructures et de Welfare State qui pourtant s'imposaient. Pour justifier cela, le MICC n'a eu de cesse d'inventer des menaces illusoires "Monsters to destroy" ou "Artificial Monsters", selon le terme employ�. Saddam Hussein, qui �tait par ailleurs un �pouvantable dictateur, fut l'un d'eux, mais il risque de n'�tre pas le dernier. De nouveaux monstres sont �videmment en gestation dans l'imagination des leaders du MICC. Certes, une partie des d�penses militaires a provoqu� un important d�veloppement des activit�s de recherche/d�veloppement dans les sciences et technologies. Ce d�veloppement fait illusion. Il repose en partie sur l'achat de cerveaux � l'ext�rieur et pourrait s'effondrer brutalement, notamment si, pour des raisons de lutte anti-terrorisme, la relative libert� dont b�n�ficiaient les laboratoires continue � �tre mise sous contr�le par les agences en charge de la pr�tendue S�curit� Nationale. Un tel livre pose in�vitablement une grande question. Comment se fait-il que les propos apparemment cens�s de cette nature, relay�s par de nombreux Think Tanks lib�raux, blogs anti-war et autres publications, ne provoquent pas un retournement de l'opinion am�ricaine�? Le mal est-il si profond qu'il serait irr�versible ? Des facteurs que nous ignorons justifient-ils sa persistance ? Plus g�n�ralement, peut-on envisager que des soci�t�s se d�veloppent autrement que dans la perspective des combats futurs � mener, quel que soit l'adversaire, comme le pense Jared Diamond� ? Les soci�t�s visant � la puissance doivent-elles s'inventer des "monstres � d�truire"�? Et dans ce cas, de quels ennemis, imaginaires ou non, l'Europe devrait-elle se doter, si elle voulait devenir autre chose qu'un espace ouvert � toutes les strat�gies commerciales et politiques. La question est difficile. Pour tenter d'y r�pondre, il faut d'abord s'interroger sur l'efficacit� de la d�marche actuelle du MICC, enti�rement tourn�e vers la lutte, gr�ce � des armes de plus en plus sophistiqu�es, contre un terrorisme r�cemment d�fini par le pr�sident Bush comme l'�manation d'un fascisme islamique prolif�rant. La constatation la plus souvent faite est que les armes d�velopp�es par le MICC ne � marchent�� pas. A moins de vitrifier une dizaine d'Etats, ce ne sera pas gr�ce � elles que l'on �liminera la menace terroriste. Au contraire. De plus, des militaires am�ricains de plus en plus nombreux commencent � constater que les milliards engloutis dans la guerre scientifique en Irak se font aux d�pends des armements traditionnels. C'est le cas de hauts responsables de l’US Navy, qui d�plorent le fait que celle-ci ait aujourd'hui le plus petit effectif de navires de guerre utilisables de son histoire r�cente (Voir dans Defense News, sur l'��effondrement de la puissance militaire am�ricaine��, http://www.defensenews.com/story.php?F=1158529&C=americas (sur abonnement)). Or, disent-ils, la Chine est en train de se doter d'une flotte certes non comparable mais n�anmoins puissante de porte-avions et sous-marins, qui pourrait en faire le prochain ennemi v�ritable des Etats-Unis. Nous ne sommes pas oblig�s de les suivre dans cette fa�on d'�riger la Chine en futur monstre � abattre, mais la r�action de ces militaires est � prendre en consid�ration. Une autre consid�ration s'impose. Il y a certainement des tendances � l'islamo-fascisme dans le monde musulman, mais si l'occident tout entier pr�tend se dresser contre une telle menace et la combattre par les armes, ce sera le meilleur moyen de la renforcer. Ne disons pas - ce que pourtant de nombreux services de renseignements europ�ens semblent consid�rer - que l'administration Bush cr�e elle-m�me (indirectement s'entend) le terrorisme afin de mieux dominer le monde, notamment l'Am�rique et l'Europe, gr�ce � cette menace. Disons seulement que parler � tous bouts de champs de terrorisme islamique ne fait que susciter des vocations. L'Europe, potentiellement tr�s fragile vis-�-vis des manigances des illumin�s, doit se m�fier de cette attitude comme de la peste. Il faut �tre r�aliste. Les services en charge de la s�curit� nationale, dans les pays europ�ens, disent clairement qu’ils peuvent identifier et emp�cher de nuire chaque ann�e une petite dizaine de groupes extr�mistes. Mais si, g�n�r�s par des politiques irresponsables venant des Etats-Unis et relay�es de fa�on incons�quente en Europe, ce sont des centaines de tels groupes qui apparaissent, les services seront d�bord�s. Le pire sera � craindre. Ajoutons qu’une r�flexion sur les menaces qui serait la plus utile, en Europe mais aussi aux Etats-Unis, viendrait d'un �largissement du regard. Les menaces, les d�sastres qui peuvent s'en suivre, apparaissent dans des domaines o� on ne les attend pas. Les Am�ricains ont d�couvert r�cemment qu'ils n'�taient pas pr�par�s pour faire face aux catastrophes naturelles. Quelques cyclones, tsunamis ou s�ismes du type de ceux qui frappent constamment le reste du monde, s'ils survenaient en Am�rique, pourraient provoquer la chute du r�gime actuel, totalement impr�par� pour y faire face. Plus imm�diatement, la question se pose de savoir si l'Am�rique est pr�par�e � lutter contre une pand�mie de grippe aviaire humanis�e. Selon les experts, elle en est loin, contrairement d'ailleurs � l'Europe. Celle-ci n'est pas tr�s prot�g�e cependant, mais son approche des syst�mes sanitaires et sociaux la rend sans doute un peu moins vuln�rable.
Cela nous conduit � une conclusion tr�s pr�cise concernant les ennemis que l'Europe devrait se fixer pour renforcer sa coh�sion, soutenir ses investissements de recherche et �tendre son influence dans le monde. Il ne s'agirait pas d'ennemis imaginaires (ou si peu) mais d'ennemis bien r�els. Les Europ�ens qui r�fl�chissent � la question l'ont d�j� dit, mais ils sont peu entendus encore. Parmi eux se trouve un groupe de scientifiques britanniques travaillant pour la d�fense. Ils estiment que les programmes auxquels ils sont affect�s (� l’instigation d’ailleurs des militaires am�ricains qui les emploient quasiment � fa�on) n’ont aucune utilit� concernant la d�fense et la s�curit� du Royaume-Uni, non plus d’ailleurs que celles de l’Europe. Les vrais ennemis de l’humanit� se nomment la fin de l'�conomie du p�trole, le r�chauffement climatique, la pollution croissante, les grandes maladies �pid�miques, la pauvret� grandissante du tiers-monde. L'Europe dispose l� de ressources scientifiques et technologiques certaines que les Etats-Unis, malgr� les centaines de milliards engloutis dans leur d�fense technologique, n'ont pas. C'est dans cette perspective que les Europ�ens devraient se battre. Cela ne signifierait pas abandonner les armements traditionnels, mais il faudrait les d�velopper dans l'optique de la dissuasion et non dans celle de la destruction de monstres artificiels. Les investissements scientifiques � consentir par l'Europe, au demeurant, seront en partie duaux, c'est-�-dire utilisables aussi bien dans le domaine civil que militaires. En tous cas, pour les partisans d'un monde multipolaire,
que ce soit en Europe ou ailleurs, il y a l� mati�re �
r�fl�chir, et vite. Rappelons en effet comment la CIA voyait
l'avenir � 20 ans, dans un rapport remis r�cemment. Quatre
possibilit�s selon elle s'ouvrent au monde : la Pax americana (sous
l'�gide mondial du MICC sans doute), la guerre g�n�ralis�e
entre puissances diverses et vari�es, le r�gne des Khalifats
(c'est-�-dire un triomphe des soci�t�s islamiques
appuy�es sur la mobilisation de populations fanatis�es)
et enfin une sorte de monde multipolaire vivant dans une coexistence relative.
C'est cette derni�re option que nous devrions choisir, que nous
soyons am�ricains ou europ�ens. 1 : Les Etats-Unis passent, en Europe, comme le pays o� les minorit�s (genders) sont les mieux d�fendues. C’est effectivement chez eux que le f�minisme a pris apr�s la seconde guerre mondiale ses plus grands d�veloppements. Il reste tr�s influent, dans les milieux intellectuels notamment. On peut donc s’�tonner de constater que, dans ce pays, pr�s de 40% de la population se dit proche des diverses �glises chr�tiennes pour qui les femmes ne devraient avoir aucun droit professionnel et politique, non plus bien s�r que sexuel. L’id�al de la femme pour beaucoup d’Am�ricains demeure le mod�le de l’�pouse Amish, faisant la cuisine et filant le lin au profit de sa nombreuse famille. 2 : On pourrait penser, notamment en Europe, que les pr�tentions de l’ID ne m�ritent pas l’honneur d’�tre contest�es scientifiquement. Mais ce serait un tort. Rappelons-nous, selon la remarque pertinente de Luc Charcellay, que l’obscurantisme b�n�ficie, en Europe m�me, de la bienveillance amus�e de la communaut� scientifique. L’astrologie est souvent pr�sent�e comme un d�cryptage po�tique des �tres et du monde, susceptible d’ouvrir � ses repr�sentants le droit aux titres universitaires. 3 : Robert Higgs, Resurgence of the Warfare State, The Crisis since 9/11 Independant Institute 2005. Robert Higgs est Senior Fellow in Political Economy pour The Independent Institute. Il a �crit de nombreux livres analysant la mont�e d'un pouvoir f�d�ral que beaucoup d'Am�ricains lib�raux consid�rent comme un danger pour les libert�s civiques. 4 : On objecte � ceux
qui d�noncent le grossissement de la menace terroriste par les
milieux conservateurs que celle-ci p�se effectivement sur les Etats-Unis
et sur le monde occidental en g�n�ral. Les attentats du
11 septembre n’ont pas �t� invent�s, non plus
que ceux ayant frapp� plus r�cemment les pays europ�ens.
Mais on peut r�pondre que si le monde occidental, les Etats-Unis
en premier lieu, mettait toute sa puissance � r�duire les
in�galit�s entre les riches et les pauvres, en faisant profiter
chacun des b�n�fices de la technologies, les candidats au
terrorisme seraient moins nombreux. Au contraire, donner � une
super-puissance le seul objectif - totalement vain par ailleurs
- d’�radiquer le terrorisme dans le monde ne peut que
multiplier les vocations terroristes. Nous reviendrons sur cette question
ci-dessous, ainsi que dans le chapitre 7. |
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