Les Editions Jean Paul Bayol
Contact
Publications
annexes
   

 

Pour un principe matérialiste fort

Compléments du livre
"Pour un principe matérialiste fort"

 

Retour au sommaire

Retour au sommaire

 

Cellules-souches embryonnaires. Retour à l’inquisition ou retour au bon sens ?

 

L'Eglise catholique (suivie d'ailleurs en cela par de nombreuses mouvances protestantes et islamiques) ne renonce toujours pas à vouloir faire interdire les recherches sur les cellules-souches embryonnaires, malgré les multiples avantages, notamment thérapeutiques, attendus de telles recherches. Le NewScientist du 14 juillet 2006 nous rappelle que le Cardinal Alfonso López Trujillo, chef du Conseil pontifical pour la famille, vient d'affirmer dans un entretien donné à Famiglia Cristiana le 2 juillet que "détruire des embryons humains, quel que soit leur état de développement, équivaut à un avortement. Les femmes, médecins, chercheurs et hommes politiques se livrant aux recherches sur les cellules souches embryonnaires ou les approuvant pourront être frappés d'excommunication". Les casuistes s'interrogent pour savoir si cette menace pèse seulement sur ceux qui détruiront directement les embryons ou aussi sur ceux qui utiliseront les cellules-souches ainsi obtenues. De même, on s'interroge sur le soutien donné par le pape Benoît XVI à cette position extrême.

Mais d'ores et déjà de nombreux scientifiques font part de leur « horreur ». Le Pr. Chris Shaw du King's College de Londres, qui utilise des embryons clonés pour étudier les maladies des neurones moteurs, parle de « persécution religieuse ».

On sait que sur la question de l'autorisation des recherches sur les cellules-souches embryonnaires, le président Bush a annoncé début août 2006 qu'il allait opposer son veto au projet de loi adopté par le Congrès, laquelle prévoyait d'élargir les financements fédéraux aux recherches concernant les cellules souches embryonnaires.

George Bush a précisé que « cette loi permettrait de mettre un terme à des vies humaines innocentes dans l'espoir de trouver des avantages médicaux pour d'autres. Elle va donc au-delà d'une frontière morale que notre société doit respecter ». Lors de sa déclaration, il était entouré par des enfants issus d'embryons congelés qui ont été adoptés par des parents stériles. Notons que le côté quelque peu macabre et traumatisant (pour les enfants) de cette démonstration n'a été relevé par personne.

L’annonce faite en août 2006 selon laquelle une équipe américaine a réussi à produire des lignées de cellules souches embryonnaires sans provoquer la mort des embryons utilisés (voir la revue Nature http://www.nature.com/news/2006/060821/full/442858b.html) n’a en rien permis de sortir du blocage "éthico-politique" qui entoure ces recherches.

Le Parlement européen, pour sa part, en approuvant le 15 juin 2006 un programme de 50 milliards pour la recherche 2007-2013, a suivi la ligne proposée par la commission de l'Industrie et plaidé pour que le 7e programme puisse financer la recherche sur l'utilisation de cellules souches humaines, qu'elles soient adultes ou embryonnaires, en fonction à la fois du contenu du projet scientifique et de la législation des Etats membres impliqués. En ce qui concerne l'utilisation de cellules souches d'embryons humains, les institutions, les organisations et les chercheurs devraient être soumis à des licences et un contrôle conformément aux règles du pays membre concerné.

Un amendement demandant que le financement de la recherche soit limité aux lignes de cellules souches embryonnaires créées avant le 31 décembre 2003 a été rejeté par le Parlement, par 274 voix contre, 255 voix pour et 35 abstentions. Un autre amendement, appelant à l'interdiction du financement par le 7e programme de l'utilisation d'embryons et de cellules souches embryonnaires à des fins de recherche scientifique a été rejeté, par 287 voix contre, 238 pour et 40 abstentions.

En France, le même esprit d'ouverture semble enfin prévaloir. Pierre-Louis Fagniez, député UMP du Val de Marne, vient de remettre au Premier ministre un rapport parlementaire recommandant la légalisation du clonage thérapeutique. Professeur de médecine, ce parlementaire avait été chargé par le Premier ministre, en janvier, de réaliser un état des lieux scientifique, éthique et juridique des débats concernant la recherche sur les cellules souches adultes, les cellules souches embryonnaires et le clonage thérapeutique en France et à l'étranger afin de moderniser la loi sur la bioéthique de 2004. Cette demande correspond à celle de la plupart des généticiens et biologistes français, quelles que soient leurs opinions philosophiques.

Après audition d'une centaine de scientifiques, philosophes, religieux, juristes et politiques, le Professeur Fagniez a remis le 2 août 2006 son rapport au Premier ministre. Ses conclusions sont claires : « Le moment est venu d'autoriser le recours au transfert nucléaire somatique, c'est-à-dire la légalisation du clonage dit thérapeutique en France. L'évaluation des recherches et le contrôle de l'Agence de la biomédecine permettent une pratique sécurisée de cette technique, souhaitée par un grand nombre de scientifiques, mais perçue avec réticence par une partie de l'opinion. ».

Aux termes de la loi du 6 août 2004, le clonage thérapeutique est un délit puni de sept ans de prison et de 100 000 euros d'amende. Une interdiction qu'une très large majorité de scientifiques combat, arguant que le clonage thérapeutique pourrait permettre d'acquérir un savoir-faire et surtout d'obtenir des avancées dans la connaissance de certaines pathologies. Quelques isolés cependant, tel le professeur Axel Kahn, directeur de l'Institut Cochin de génétique moléculaire, prétendent que si la recherche sur les cellules souches embryonnaires présente un intérêt scientifique, il est illusoire d'en espérer des effets thérapeutiques. D'où sa proposition d'arrêter d'utiliser le terme de "clonage thérapeutique qui peut conduire au clonage reproductif".

Pour le rapporteur, l'objection ne tient pas. Le clonage thérapeutique consiste en effet à vider un ovocyte de son noyau et à y injecter le noyau d'une autre cellule. « On est loin de l'atteinte à la vie humaine ou de l'ambition de la reproduire par clonage. ».

Le Premier ministre a demandé aux ministres de la Santé et de la Recherche de lui soumettre des propositions pour renforcer l'information et la formation sur les enjeux éthiques de l'évolution des sciences du vivant. Avec le rapport Fagniez, la France montre en tout cas qu'elle se situe clairement dans le camp de ceux qui ont permis au Parlement européen d'approuver un programme de recherches, d'ailleurs très encadrées, sur les cellules souches. On peut espérer que les restrictions d'inspiration idéologique qui continuent à rendre ces recherches très difficiles seront enfin levées dans notre pays.
Septembre 2006

Retour au sommaire