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Pour un principe matérialiste fort

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"Pour un principe mat�rialiste fort"

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Une br�ve histoire de l'avenir

Ce texte - �crit en commun avec Christophe Jacquemin* - pr�sente et discute l'ouvrage de Jacques Attali, Une br�ve histoire de l'avenir.
Il compl�te plusieurs chapitres du livre, notamment les chapitres VII et VII. F�vrier 2007
ref�: majattali.html

Une br�ve histoire de l'avenir
Fayard 2006
par Jacques Attali

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Vertigineuse scintillance de l'�-peu-pr�s

Le dernier livre de Jacques Attali, Une br�ve histoire de l'avenir, serait d�j� semble-t-il un grand succ�s de librairie. Cela se comprend. Si l'ouvrage comporte 420 pages, il est �crit de fa�on tr�s simple (et en gros caract�res) permettant le cas �ch�ant une lecture rapide. Il ne s'agit en rien d'une th�se scientifique mais d'un tr�s gros article journalistique, dans le style d'ailleurs des pr�c�dents ouvrages de l'auteur. Ses vues sur l'avenir sont suffisamment dramatis�es pour soutenir l'attention.

Pourquoi le discuter ici ? Parce que, dans notre propre livre, nous avons �voqu� les travaux des futurologues fran�ais et �trangers qui s'efforcent de pr�voir l'avenir, notamment en tenant compte de l'�volution probable des sciences et des technologies. Certes, les pr�visions ont beaucoup de chances de se r�v�ler fausses. Jacques Attali ne manque pas, et il a raison, de nous le rappeler. Mais il serait dangereux et d'ailleurs impossible de fermer les yeux sur l'avenir sous pr�texte que le regard se perd vite dans les brumes de l'incertitude. Ceci n'est pas une raison pour consid�rer comme incontestablement scientifiques les pr�visions de ce genre. Pas plus, comme nous allons le voir, celles d'Attali que d'autres.

Le m�rite du livre consiste � rassembler et mettre en perspective un grand nombre de donn�es, g�n�ralement dispers�es dans de nombreux livres et articles que le lecteur n'a pas n�cessairement la possibilit� de consulter. Il s'agit d'abord de celles concernant le pass�. Dans ses pr�c�dents ouvrages, Jacques Attali a propos� des synth�ses brillantes concernant l'histoire de l'Europe, notamment sous l'angle �conomique et financier. Les deux premiers chapitres reprennent ce th�me, en l'�tendant � l'histoire du monde. Celle-ci est survol�e depuis les temps pr�historiques jusqu'� la seconde guerre mondiale.

L'auteur, qui ne craint pas les simplifications, montre que l'ordre marchand, c'est-�-dire celui du capitalisme lib�ral, s'est progressivement substitu� aux ordres pr�c�dents, ceux des religions et ceux des empires. Cet ordre marchand lui-m�me a connu neuf (?) formes successives, en fonction des technologies d�velopp�es � chaque �poque. Ces formes se sont construites autour de ce qu'il appelle des ��villes-coeurs� �(1). Chaque fois qu'une ville-coeur en rempla�ait une autre, gr�ce � la ma�trise d'une nouvelle technologie et au d�veloppement des r�seaux industriels et commerciaux correspondants, elle se portait davantage � l'ouest, l� o� se trouvaient de nouveaux espaces � exploiter. Les coeurs ont dont migr� de Bruges au XIIIe si�cle jusqu'� Los Angeles aujourd'hui.

La prospective proprement dite commence au 3e chapitre, qui annonce, avec les pr�cautions de rigueur, la fin de l'empire am�ricain vers la moiti� de ce si�cle. La m�thode principalement utilis�e pour faire ces pr�dictions, dans ce chapitre, repose sur une extrapolation des donn�es d�mographiques, �conomiques, g�opolitiques actuellement disponibles. Elle fait appel par ailleurs � la prospective technologique, en �tudiant notamment l'impact des nouvelles sciences et technologies sur les objets produits, les modes de consommation de ces objets et les transformations des soci�t�s et des moeurs en r�sultant. Le postulat de base est que le capitalisme marchand, accompagn� d'une d�mocratisation institutionnelle relative (ce que Jacques Attali nomme la d�mocratie de march�), continuera � s'�tendre mais que ses effets porteurs b�n�ficieront de plus en plus aux Etats-continents asiatiques. L'Am�rique aura du mal � conserver sa supr�matie. Quant � l'Europe, dans ce type de prospective, elle sera progressivement ray�e du nombre des puissances, pour rejoindre l'Afrique dans le non-d�veloppement.

Mais la vision futuriste de Jacques Attali ne s'arr�te pas l�. Dans les trois chapitres suivants, il cesse de faire des pr�visions dans le prolongement des courbes actuelles, annon�ant les �v�nements qui, dans la suite du XXIe si�cle, pourraient survenir du fait de l'�puisement de l'Empire am�ricain et plus g�n�ralement du tarissement des capacit�s innovatrices du capitalisme de march�. Il imagine d'abord l'�tablissement de ce qu'il appelle un hyperempire o� les Etats et les services publics auraient disparu. Le march� sera devenu plan�taire, ses centres se r�partissant au gr� des luttes d'int�r�ts entre diff�rentes parties du monde. Les Etats n'existant plus, ce seront des objets fabriqu�s en s�rie et vendus sur le march� qui remplaceront les polices, les juges et les prisons.

Il s'agira d'objets qu'il nomme des ��surveilleurs � faisant largement appel aux technologies nouvelles telles les nanotechnologies. Ces surveilleurs, mis en place par des compagnies priv�es de s�curit�, travaillant elles-m�mes pour des soci�t�s d'assurances priv�es dont le r�le deviendra majeur, veilleront � la r�gulation des comportements individuels. Mais tr�s vite, ces outils d'hypersurveillance deviendront des outils d'autosurveillance permettant aux individus de v�rifier eux-m�mes qu'ils ne d�rogent pas aux r�gles d'hygi�ne et de s�curit�. Les autres services publics, d'enseignement et de sant�, seront eux-aussi d�l�gu�s � des soci�t�s de service qui vendront les technologies ad�quates.

L'hyperempire r�sultera de l'accord entre ce qui restera des Etats et les soci�t�s priv�es elles-m�mes devenues nomades pour d�velopper ensemble le contr�le sur les individus, par le biais notamment des neurosciences. Tout sera marchandise, au profit de l'individu consommateur, y compris le temps libre. Une cat�gorie dirigeante, les hypernomades, regroupera tous ceux qui profiteront � plein des possibilit�s de jouissance et de pouvoir de l'hyperempire. Dans leur sillage, des ex�cutants de bon niveau, cadres, ing�nieurs, chercheurs formeront la classe des nomades virtuels. Au nombre de 4 milliards, ils seront s�dentaires mais travailleront en r�seau pour des entreprises nomades non localis�es. La pauvret� n'aura pas disparu pour autant. Un effectif de 3,5 milliards d'infranomades ne pourra pas �tre r�sorb�. Ils subsisteront � la limite du seuil de survie de 2 dollars par jour et seront disponibles non pas pour toutes les t�ches, car il n'y en aura plus gu�re pour eux, mais pour toutes les r�voltes. Comme l'hypermarch� ne pourra pas fonctionner sans un minimum de normes et d'arbitrages, les entreprises nomades, au sein des professions qui subsisteront, d�finiront les r�gles et les imposeront � tous. Jacques Attali insiste bien pour montrer, exemples � l'appui, que ce que le lecteur prendra pour un cauchemar existe d�j� en partie. Mais nous ne le voyons pas, du fait que le livre ne nous avait pas encore �clair�.

Comme cependant les contradictions de l'hyperempire ne feront que s'exacerber, avec la multiplication des entreprises criminelles �chappant � tout contr�le, le monde basculera assez vite dans une �re d'hyperconflits. Les infranomades prendront les armes pour sortir de leur esclavage, les anciennes fronti�res g�ographiques et nationales ressurgiront, les guerres entre religions et visions du monde reprendront avec toute leur force. Des armes de plus en plus destructrices seront utilis�es sans aucun contr�le global. Ce pourrait �tre purement et simplement la fin de l'humanit�, comme celle d'ailleurs de tous les �cosyst�mes d�vast�s par les exploitations multiples.

Cette fin serait cependant �vitable si des humains d'un nouveau type, que Jacques Attali qualifie de transhumains, �taient capables de remettre le monde sous contr�le et de proposer - enfin - un d�veloppement harmonieux � l'ensemble des hommes. Tous pourraient alors se r�concilier, dans une nouvelle croissance due aux sciences de demain, nano, bio, info et cognosciences. Les possibilit�s de d�veloppement qu'elles permettraient pourraient �tre mises � disposition de tous, dans le cadre d'une �conomie du don gratuit, de pr�f�rence � une �conomie de march� qui ne serait plus n�cessaire. On ne voit pas tr�s bien comment, de l'exc�s de l'hyperviolence pourrait na�tre ce nouvel �ge d'or, mais il faut que l'aventure finisse bien pour que le livre se vende. Jacques Blamont nous avait confi� que son pessimisme excessif et le manque de happy end avaient d�courag� les achats.

Le livre se termine, dans un retour brutal aux r�alit�s d'aujourd'hui, par les r�formes que Jacques Attali voudrait voir mettre en oeuvre par les vainqueurs des �lections fran�aises. Sans ces r�formes, le d�clin de la France, d�j� amorc�, ne ferait que s'accentuer. Elle n'aurait aucune chance alors de participer avec quelques succ�s aux comp�titions de l'hypermarch� mondial.

Observations

On serait tent� de consid�rer le � songe d'Attali��, que nous venons de r�sumer trop rapidement, comme un exercice de science-fiction propos� par un altermondialiste. Il s'agirait de faire peur en montrant les d�rives qui pourraient r�sulter d'une g�n�ralisation du capitalisme de march� et d'un lib�ralisme �tendu � l'ensemble du monde. Mais nous sommes persuad�s qu'il s'agit d'une pr�vision que l'auteur entend faire reposer sur de v�ritables bases scientifiques. C'est l� que le livre nous laisse sur notre faim. Bien pire, il n'offre pas beaucoup d'arguments permettant de le consid�rer comme cr�dible en profondeur. Les �-peu-pr�s abondent. L'ouvrage dans son ensemble est scintillant, voire vertigineux de scintillance, mais il repose sur beaucoup de lieux communs non critiqu�s. Les nombreux n�ologismes propos�s par l'auteur (hypernomades, hyperempires) n'impressionneront que les na�fs. Ce ne sont que des images.

Certes, l'ouvrage abonde en r�f�rences historiques et g�ostrat�giques difficilement discutables. Les faits et �v�nements contemporains qu'il d�crit sont �galement, dans l'ensemble, susceptibles de l'interpr�tation que l'auteur leur donne. Le m�rite de Jacques Attali, sur lequel il a b�ti une part de son succ�s m�diatique, a toujours �t� d'identifier et nommer des tendances technologiques ou comportementales qui sont devenues ensuite de v�ritables faits de soci�t�. Ainsi de l'apparition des objets �lectroniques qu'il a �t� le premier, sauf erreur, � qualifier de nomades. Attali se tient certainement aussi au courant de l'�volution des technologies et des recherches scientifiques, ce qui lui permet d'en parler, sinon avec originalit�, du moins avec une certaine comp�tence. Mais tout ceci ne suffit pas � construire une oeuvre vraiment scientifique.

Une premi�re remarque s'impose, qui n'est pas seulement de forme. L'absence de toutes r�f�rences � des travaux ant�rieurs sur le m�me sujet �tonne. Certes le nombre d'ouvrages et d'articles qu'il aurait fallu citer aurait �t� tr�s grand. Cependant un minimum de titres paraissait s'imposer. Nous pensons � ceux de Jacques Blamont, Martin Rees et Fred Ikl� (voir la bibliographie g�n�rale pr�sent�e sur le pr�sent site). En ne citant personne, Jacques Attali s'attribue aux yeux des lecteurs na�fs la paternit� des id�es qu'il d�veloppe, ce qui est un peu d�sagr�able. Un simple exemple de ce genre d'abus concerne les transhumains. Il en parle comme s'il avait lui-m�me invent� le th�me du transhumanisme, alors que celui-ci fait l'objet d'une litt�rature abondante.

Plus g�n�ralement, il nous semble qu'un travail scientifique suppose un peu de sens critique dans la d�finition et l'emploi des concepts. C'est ainsi que Jacques Attali appuie toute sa d�monstration sur le r�le conqu�rant du capitalisme de march�, sans vraiment s'interroger sur ce que repr�sente ce ph�nom�ne. Il en traite comme s'il s'agissait d'un �tre du monde r�el dont nous devrions impuissants constater l'apparition puis le d�veloppement. Cette fa�on de proc�der constitue l'argument m�me des lib�raux. Ils veulent pr�senter le capitalisme priv� et le d�sengagement des Etats qui selon eux doit l'accompagner comme les seules solutions capables � terme de r�soudre tous les probl�mes de raret� et tous les risques environnementaux, raret� et risques que ce m�me lib�ralisme g�n�re d'ailleurs en partie (2) .

Dans une approche �volutionnaire plus g�n�rale, il faudrait au contraire essayer de retrouver sous des ph�nom�nes visibles, tels que l'innovation technologique ou l'apparition puis la diffusion des nouveaux produits et usages, les comportements g�n�tiques et culturels qui peuvent les d�terminer. Plus en amont encore, il serait bon d'introduire la probl�matique des conflits entre super-organismes et m�mes structurants qui permettrait de mieux comprendre la raison d'�tre des �volutions �conomiques et politiques en r�sultant. On pourrait ainsi montrer que ce que les lib�raux pr�sentent comme un �tat intangible du monde peut �tre d�compos� et par cons�quent modifi� par des interventions ad�quates - lesquelles d'ailleurs ne seront pas n�cessairement "volontaristes" au sens que leur donneraient les d�fenseurs du libre-arbitre politique.

Si nous posons en hypoth�se que le capitalisme lib�ral est une donn�e de fait (certains pr�tendent d'ailleurs y voir la main de Dieu sur Terre), la seule attitude possible consistera � c�der aux pr�tendues injonctions que cet �tre mythique nous impose (par la voix de ceux qui s'en font les proph�tes). S'il s'agit au contraire d'un ph�nom�ne complexe dont on analysera les causes profondes, il sera possible, du seul fait de cette analyse, de le d�construire et d'en modifier �ventuellement soit les formes soit le cours. Ce que nous �crivons ici � propos du capitalisme pourrait l'�tre repris � propos de tous les autres concepts utilis�s.

A l'inverse, il est des silences et des non-dits qui sont politiquement significatifs. Le peu de cas que, dans ce livre, Jacques Attali fait de l'Europe d�couragerait tout Europ�en de continuer � vivre dans cette partie condamn�e du monde. Il parle en fait de l'Europe comme le ferait un n�o-conservateur am�ricain. Est-ce un hasard ? Nous avons not� que le m�pris avec lequel il �voque pour l'ex�cuter, au d�tour d'une phrase, l'avion de combat fran�ais Rafale, para�t suspect. Pr�f�rerait-il que la France ait rejoint le consortium du F-35 Joint Strike Fighter, v�ritable r�ussite industrielle, tant par les performances et les d�lais de livraisons annonc�s que par le prix�?

Plus g�n�ralement, nous avons plusieurs fois montr� dans cette revue que les pr�tendus ph�nom�nes sociaux ne sont pas des r�alit�s en soi d'un r�el transcendental - non plus d'ailleurs que les objets du monde physique. Ce sont des constructions �labor�es par certains observateurs utilisant certains instruments et poursuivant ce faisant certaines finalit�s qui les int�ressent en propre mais qui ne peuvent pr�tendre � l'universel. Si par une v�ritable intoxication des esprits les �conomistes lib�raux voulaient nous persuader que le capitalisme dont ils nous menacent n'est pas une invention de leur part mais une r�alit� dont tout le monde peut � l'�vidence t�moigner, nous devrions commencer par remettre en question cette pr�tendue �vidence et les t�moignage cens�s prouver sa ��mat�rialit頻. A force de r�p�ter aux gens que le capitalisme lib�ral est la seule solution possible, ceux-ci finissent en effet par s'en convaincre et se comporter de fa�on � confirmer cette affirmation. Autrement dit, il s'agit d'une proph�tie auto-r�alisatrice.

Pour prendre un exemple r�cent, si les �conomistes et les politiques lib�raux nous affirment que l'intervention de l'Etat fait fuir les �lites d'un pays, tous ceux qui pensent appartenir aux �lites vont commencer � pr�parer leur repli dans des paradis fiscaux. Ceci m�me si cette intervention de l'Etat servait � prendre en charge des investissements de long terme refus�s par le capital et indispensable � la survie de la soci�t�. L'acte ind�fendable accompli par un certain Johnny Hallyday fuyant l'imp�t fran�ais dans un paradis fiscal deviendra une r�f�rence m�m�tique qui s'imposera � tous. Ceux situ�s au bas de l'�chelle des revenus, qui ne seront pas les bienvenus en Suisse, trouveront de leur c�t�, par la fraude aux Assedic, l'occasion de nous montrer qu'effectivement la social-d�mocratie et l'intervention �conomique de l'Etat ��ne marchent pas� �. Il ne restera plus qu'� voter � droite.

Ordre �tatique contre ordre marchand

Jacques Attali s'est efforc� de trouver une loi sous-jacente aux succ�s historiques du capitalisme lib�ral. Selon lui, l'�volution des soci�t�s humaines serait d�termin�e en profondeur par la volont� des individus d'�chapper aux contraintes collectives et de devenir les seuls ma�tres de leur avenir. Mais l� encore, il est impossible de d�montrer la pertinence d'une telle hypoth�se. Dans certaines circonstances, l'individuation (comme disent les ethnologues �volutionnistes) peut en effet s'exprimer au sein de groupes b�n�ficiant de conditions favorables. Mais elle dispara�t tout aussi vite et laisse place aux comportements symbiotiques et coop�ratifs d�s lors que les contraintes ext�rieures s'accentuent � nouveau.

C'est sans doute ce qui se produirait si, comme vraisemblablement dans les prochaines ann�es (nul besoin d'attendre 2050), les exigences de survie impos�es par l'augmentation de la d�mographie, la diminution des ressources et la destruction de l'environnement imposaient le retour � un contr�le collectif (participatif) des comportements. Les r�gulations �tatiques et les services publics, tout au moins dans les pays o� ils ont acquis une certaine maturit� face � la corruption et aux crimes organis�s, seraient de nouveau appel�s au secours par les individus. Curieusement, c'est un �conomiste ayant un pass� de financier international, Nicholas Stern, qui l'a laiss� entendre d'une fa�on moins que subliminale.

Il serait possible dans cet esprit de proposer d’autres hypoth�ses que celles des d�fenseurs du lib�ralisme pour expliquer l’histoire contemporaine. Elles ne donneraient pas, comme le fait notamment Jacques Attali, le r�le premier aux individus voulant gagner de l’argent gr�ce aux innovations technologiques et cherchant pour ce faire � s’affranchir des contraintes �tatiques.

Il est certes presque certain que la cause premi�re de toutes les �volutions sociales se trouve dans l’apparition de nouvelles technologies. Ne discutons pas ce point. Mais ceci admis, la premi�re question � poser concerne la cause premi�re de l’innovation technologique. On peut sans trop de difficult�s montrer que diff�rents m�canismes relevant de ce que les m�m�ticiens nomment la diffusion virale obligent chaque technologie � muter et entrer en comp�tition darwinienne avec les autres, selon des cycles de plus en plus acc�l�r�s et convergents. Pour rester dans l’approche m�m�tique, on parlera dans ce cas, non plus de technologie proprement dite (la caravelle, la machine � vapeur, le transistor, etc.) mais de technom�mes qui mutent, entrent en conflit et se reproduisent sur le m�me mode que les esp�ces vivantes. Le terme de technom�me englobe non seulement la technique elle-m�me mais les humains ou groupes humains qui forment avec elle des ensembles symbiotiques.

Or ces humains ne sont pas n�cessairement, contrairement � ce qu’affirme Jacques Attali, constitu�s de marchands qui veulent s’enrichir en imposant un lib�ralisme universel. Il est ind�niable que de tels marchands ont jou� un r�le dans l’expansion des techniques. Mais les pouvoirs �tatiques (voire religieux) ont jou� et continuent � jouer un r�le au moins aussi grand. Ils peuvent pour ce faire s’appuyer sur les marchands, mais ils peuvent aussi intervenir selon leurs logiques propres, qui sont celles du pouvoir et de la domination. Ils seront alors dans certains cas oblig�s de s’opposer � l’ordre marchand.

Nous sommes pour notre part persuad�s que la comp�tition entre ordre marchand et ordre �tatique se poursuit aujourd’hui, sans que l’ordre marchand apparaisse n�cessairement comme le plus fort. Ce dernier n'a r�ussi � s’installer - d’ailleurs provisoirement et sous contr�le - que l� o� l’ordre �tatique, en l’esp�ce certains Etats dominants, trouvait int�r�t � s’appuyer sur lui pour d�manteler d’autres Etats.

En utilisant cette simple grille d’analyse, on peut expliquer l’histoire contemporaine de fa�on toute diff�rente mais aussi convaincante que ne le tente le livre de Jacques Attali. On verra ainsi que si l’URSS a explos�, ce ne fut pas sous la pouss�e des marchands voulant utiliser les nouvelles offres technologiques pour faire du profit. Ce fut sous la pouss�e directe de l’Etat am�ricain s’appuyant sur ces m�mes technologies. De m�me aujourd’hui, si l’Europe ne parvient pas � d�coller politiquement, ce n’est pas parce qu’elle n’est pas assez lib�rale. C’est parce que le lobby politico-industriel am�ricain ne veut pas que se constitue � sa fronti�re orientale une grande puissance capable d’entrer en comp�tition avec la puissance am�ricaine.

Si nous appliquions cette m�me analyse � la pr�vision, nous pourrions ais�ment montrer que les crises r�sultant des abus du lib�ralisme soul�veront de telles oppositions parmi les populations du monde que les puissances �tatiques menac�es dans leur avenir ne tarderont pas � r�agir. Elles le feront avec leurs armes qui ne sont pas n�cessairement les plus aptes � redresser le cours de l’�volution globale, mais en tous cas les marchands, fussent-ils d�localis�s et hypernomades, devront s’incliner.

Pour ce qui concerne le futur de l’Union europ�enne, nous pourrions avancer l’id�e que ce ne serait pas le lib�ralisme qui lui permettrait d’acqu�rir plus de puissance �tatique. Ce serait au contraire un recours � un colbertisme �clair� et participatif, selon le terme que nous avons propos� ailleurs.

* Co-r�dacteur en chef, avec l'auteur, du site www.automatesintelligents.com

Notes

(1) Reprenant notamment ici le th�me d'un pr�c�dent ouvrage, "La figure de Fraser", Fayard, 1984

(2) Cette id�e est d�velopp�e dans un article de Anatol Lieven. Anatol Lieven est "senior research fellow at the New America Foundation" � Washington et auteur avec John Hulsman, de “Ethical Realism� : A Vision for America's Role in the World”. Il ne s'agit donc pas d'un gauchiste irresponsable. L'article se trouve � l'adresse suivante� : http://www.iht.com/articles/2006/12/28/opinion/edlieven.php. En quelques paragraphes, Lieven, selon nous, donne un coup de vieux terrible au livre de Jacques Attali.


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