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Ces propos, recueillis par Jean-Paul
Baquiast, ont �t� publi�s dans la revue Automates
Intelligents Note pour les lecteurs de PMF La relativit� d'�chelle nous int�ressera particuli�rement en ce qu'elle offre un pont entre la relativit� d'Einstein et la m�canique quantique de Heisenberg. Par ailleurs, l'approche relativiste (relative � l'observateur) utilis�e par Laurent Nottale se rapproche beaucoup de celle retenue par Miora Mugur-Sch�chter, expos�e dans ce livre. D'ailleurs les deux physiciens se connaissent et s'appr�cient.
Jean-Paul Baquiast (AI) : Vous �tes le cr�ateur du principe de relativit� d’�chelle (RE). Celui-ci, bien qu’encore mal connu, nous para�t porteur de perspectives consid�rables. Mais pour en convaincre ceux de nos lecteurs qui ne le conna�traient pas, il convient de partir de la base, c’est-�-dire le principe de relativit�... Laurent Nottale (LN) : Le principe de relativit� est un principe tr�s g�n�ral qui transcende les th�ories particuli�res que l’on peut construire � partir de lui. Cela permet de l’�tendre � d’autres grandeurs que celles auxquelles il �tait appliqu� jusqu’� maintenant. Jusqu’� maintenant, il �tait appliqu� � la position, � l’orientation et au mouvement. Les mesures que l’on peut faire d�pendent d’un syst�me de coordonn�es de r�f�rences. Mais les grandeurs que l’on veut d�finir ne peuvent pas l’�tre dans l’absolu. AI : Vous �voquez ici la relativit� restreinte, dont c’est effectivement le principal enseignement... LN : Oui, mais passer de la relativit� restreinte
� la relativit� g�n�rale consiste simplement
� g�n�raliser les variables auxquelles on applique
le principe. La RE consiste pour sa part � ajouter une variable
caract�risant l’�tat du syst�me de coordonn�es
qui est l’�chelle de ce syst�me. Jusqu'� aujourd'hui,
faire des mesures dans un syst�me de Dans la physique actuelle, on d�crit l'exp�rience et les �quations la r�gissant avec des outils, des modes de pens�e tout � fait diff�rents d'un cas � l'autre, tout en pensant n'avoir rien � changer au syst�me de coordonn�es. AI : Il me semble que cela n’inqui�tait personne. On consid�re g�n�ralement que la relativit� g�n�rale s’applique � des objets massifs, c’est-�-dire au cosmos, et non aux petits objets de la physique quotidienne et moins encore � des entit�s quantiques... LN : Oui, mais c’est une erreur. Toute la th�orie quantique, qui s’applique aux mol�cules, atomes et particules sub-atomiques, est parfaitement relativiste. Il existe un quiproquo � ce sujet dans le grand public. Il n’y a pas de contradiction entre la physique quantique et la relativit�. La physique quantique des champs est parfaitement relativiste. Plus rien ne marcherait en physique quantique si l’on n’utilisait pas la relativit� restreinte. Elle a �t� valid�e des milliards de fois. L� o� la difficult� appara�t, c’est entre la physique quantique et la relativit� g�n�rale. Ce que l’on ne sait pas faire, c’est une th�orie quantique de la gravitation. AI : Je comprends que pour vous, il faut appliquer la relativit� � toutes les �chelles, mais d’une fa�on qui tienne compte pr�cis�ment de l’�chelle... LN : � la base de ma d�marche est l’id�e que l’�chelle caract�rise le syst�me de coordonn�es tout autant que les autres variables et que des physiques qui paraissent diff�rentes � des �chelles diff�rentes pourraient �tre des manifestations d’une m�me physique plus profonde. Celle-ci ne serait pas �videmment celle que l’on conna�t aujourd’hui puisque les �quations actuelles classiques et quantiques ne co�ncident pas. Il en r�sulte que l’on ne sait pas fonder le quantique sur le principe de relativit�. AI : En somme, la RE n’est pas l� pour concilier quantique et relativit� puisque cela, on sait d�j� le faire, au niveau de la relativit� restreinte. Elle est l� pour fonder les lois quantiques sur la relativit�, ce qui n’est pas fait aujourd’hui... LN : Exactement. D’o� l’id�e d’�tendre la relativit� pour inclure des transformations d’�chelle. La relativit� des �chelles devrait pourtant �tre consid�r�e comme une �vidence. On ne peut pas d�finir les �chelles d’une mani�re absolue. Compl�ter la relativit� par la physique quantique AI : Revenons, si vous voulez, sur votre histoire personnelle de chercheur. Comment avez-vous eu l’id�e qu’il fallait compl�ter la relativit� pour la rendre applicable � des �chelles o� on ne l’attendait pas ? C’�tait une id�e de g�nie, si vous me permettez le terme... LN : Je ne sais si on peut le dire. Je pense que, comme la plupart des physiciens, j’ai �t� choqu� par mon premier contact avec la physique quantique. La m�canique newtonienne donne l’impression de permettre une compr�hension profonde des ph�nom�nes. Avec la physique quantique, il faut prendre en consid�ration l’�quation de Schr�dinger(1), pos�e en postulat. Or, celle-ci n’est pas expliqu�e. Toutes les �quations auxquelles cet outil satisfait, m�me si elles sont v�rifi�es par les exp�riences, sont des axiomes. AI : C’est bien ce qui avait r�volt� Einstein… LN : Oui. Einstein a pass� toute sa vie � essayer de trouver une fondation � la th�orie quantique. Aujourd’hui, beaucoup de physiciens quantiques rejoignent d’une certaine fa�on le souci d’Einstein. Ils conviennent, apr�s Dirac qu’il faut retravailler les fondations de la physique quantique.. J'ai assist� � un colloque o� certains grands physiciens comme t'Hooft ou Neeman insistaient sur ce point. AI : Si je comprends bien, vous ne vous �tes pas arr�t� � cette difficult� ? LN : C’est vrai. D�s 17-18 ans j’ai voulu r�fl�chir � la th�orie de la relativit� et il m’est apparu qu’avec celle-ci, on comprenait tout. Elle comporte un principe premier et � partir de celui-ci, on peut d�montrer les �quations et commencer � expliquer le monde. La relativit� g�n�rale d’Einstein permet de comprendre la nature de la gravitation comme manifestation de la courbure. Or la courbure est quelque chose de plus g�n�ral que le cadre euclidien. C’est un �nonc� que je qualifierai d’� �nonc� d’abandon d’hypoth�ses �. Au lieu de supposer que l’espace est uniform�ment plat, on se place dans un cadre plus g�n�ral, duquel d�coule la gravitation. Les ph�nom�nes de la nature apparaissent ainsi comme provenant de la plus grande g�n�ralit� possible, r�gis et contraints par des principes premiers dont le premier est le principe de relativit�, principe de logique et d’�quilibre du monde. AI : On peut r�sumer ce propos en disant : il y a des lois fondamentales de la nature et si ce sont des lois fondamentales, elles doivent �tre les m�mes partout. Ceci dit, vous avez eu l’audace de redescendre, si l’on peut dire, de la relativit� � la physique quantique, ce qui supposait de franchir un pas consid�rable... LN. Effectivement, je me suis pos� la question de ce qui faisait d�faut � la physique quantique et je me suis demand� s’il serait possible un jour de pouvoir d�duire le quantique d’un principe de relativit� qui serait forc�ment g�n�ralis�. J’ai �tudi� les auteurs du XXe si�cle qui s’�taient attaqu�s � ce probl�me. Il y en a eu beaucoup. Mais tous ont �chou�. En 1979-1980, j’ai eu l’intuition qu’il leur manquait une nouvelle g�om�trie. J’ai essay� de la construire, en raisonnant un peu comme Einstein avec la courbure. En gros, il faut r�ussir � mettre dans la g�om�trie ce qui est universel dans la physique quantique. Or ce qui m’a paru universel est la d�pendance du r�sultat de la mesure en fonction de l’appareil de mesure, de la r�solution de l’appareil. AI : C’est la relation entre l’observ�, l’observateur et son appareil, qui d�s l’origine de la physique quantique a retenu l’attention des philosophes des sciences - sans d’ailleurs �tre v�ritablement accept�e au moins dans les premi�res ann�es... LN : Exactement. J'ai voulu pour ma part essayer de construire
un espace-temps qui AI : D�pendant de l’�chelle, c’est-�-dire de l’observateur ? LN : Plus pr�cis�ment d�pendant de la mani�re dont il observe et de l’instrument utilis� : microscope optique, microscope �lectronique, microscope � effet de champ, acc�l�rateur de particules, etc. A chaque fois, avec le changement d’outil, la r�solution change. On change profond�ment, non seulement la nature de l’instrument mais celle de ce qu’il sert � mesurer. AI : Revenons � ma remarque pr�c�dente. Vous g�n�ralisez l’approche relativiste de la physique quantique selon laquelle il n’y a pas de r�el en soi descriptible par des valeurs absolues, mais qu’il n’y a que des relations entre observateur et observ�. Vous �tes d’accord avec ce point de vue - et ce, � toutes les �chelles ? LN : Compl�tement. Dans le cadre d‘une description relativiste, on peut pousser cela jusqu’au bout. Dans la description quantique actuelle, on trouve encore des particules d�crites par une fonction d’onde mais qui sont consid�r�es comme poss�dant de fa�on intrins�que une masse, une charge, etc. En RE, on n’a plus besoin de cela. La masse, le spin, la charge apparaissent comme des propri�t�s �mergentes � partir de la g�om�trie m�me des chemins dans l’espace-temps identifi�s � ses g�od�siques. L’outil fondamental que je veux utiliser, c’est
un outil d�duit et d�velopp� en partant des concepts
einsteiniens. Il s'appuie sur l'id�e qu'� partir du moment
o� l'on se place dans AI : Ceci quelle que soit la taille, qu’il s’agisse d’un espace temps tr�s r�duit, de type corpusculaire, ou tr�s grand, cosmologique… LN : Exactement. Au niveau cosmologique, on sait ce qu’il en est : effets de courbure, d�viation des rayons lumineux, etc. . Mais si on applique le principe � tr�s petite �chelle, on se retrouve avec un espace-temps fractal et des g�od�siques elles-m�mes fractales. Cette fractalit� des g�od�siques peut �tre d�crite math�matiquement par ce que l'on appelle une d�riv�e co-variante qui consiste � mettre dans l'op�rateur de d�rivation m�me les diff�rents effets de la fractalit� de l'espace-temps sur le mouvement(3). Quand on �crit une �quation de g�od�sique avec cette d�riv�e covariante, elle se transforme en �quation de Schr�dinger. On voit appara�tre les lois quantiques � partir d’�quations de g�od�siques dans un espace fractal. Le point essentiel n’est pas que j’ai pu ce faisant d�montrer l’�quation de Schr�dinger, c’est qu’elle se trouve d�montr�e comme int�grale d'une �quation des g�od�siques. AI : Il me semble que l� se trouve, trop bri�vement r�sum� malheureusement dans cette interview, le point fondamental et extraordinairement innovant de votre approche. Vous mariez si l’on peut dire ces deux piliers jusqu’ici s�par�s de la physique, l’�quation de Schr�dinger aboutissant � la description de l’objet par sa fonction d’onde, et le syst�me de coordonn�es d’Einstein situant l’objet dans l’espace temps relativiste. Des cons�quences consid�rables en cosmologie AI : La th�orie de la RE ne concerne pas seulement la physique quantique. Elle a des cons�quences consid�rables en cosmologie. Dans ce cas, elle ne pourra pas laisser indiff�rent le grand public. Ne rend-elle pas inutiles les hypoth�ses de l’inflation, de l’�nergie noire et de la mati�re noire, que l’on �voque aujourd’hui dans toutes les revues ? LN : Ce n'est pas exclu. La th�orie de l’inflation a �t� invent�e pour expliquer la naissance des toutes petites structures, � l’�chelle de ce que l’on appelle la recombinaison. 300.000 ans apr�s le Big Bang, les �lectrons et les protons se recombinent pour former les atomes. C’est le moment o� appara�t une dissociation entre le rayonnement et la mati�re. La th�orie actuelle sur la formation des structures, avec laquelle je suis d’accord, consid�re que ce sont ces toutes petites fluctuations qui ont cru jusqu’� maintenant pour des raisons gravitationnelles. Mais quelle est l’origine de ces petites fluctuations ? L� personne ne peut r�pondre. Une des raisons de l’introduction de l’inflation est d’essayer d’amplifier les fluctuations quantiques survenant � une �poque beaucoup plus proche du Big Bang pour pouvoir justifier ces fluctuations. Mais le probl�me n’est pas termin� car quand on prend ces fluctuations telles qu’elles sont observ�es et quand on veut les faire cro�tre, on n’y arrive pas. Pour y r�ussir, il faut imaginer une grande quantit� de mati�re noire qui peut �tre justifi�e par d’autres raisons mais qui n’a jamais �t� observ�e directement. Ceci �tant, il faut se poser la question ? Est-ce vraiment de la mati�re noire ? A-t-on vraiment besoin de l’inflation pour obtenir ces structures ? AI : Qu’en est-il de l’�nergie noire ? LN : Ce que l’on nomme aujourd’hui �nergie noire correspond � la constante cosmologique de Einstein. Il y a une erreur � ce sujet dans la litt�rature destin�e au grand public. Einstein n’a pas introduit la constante cosmologique pour obtenir un espace statique, comme on l’�crit partout. Il avait construit la relativit� g�n�rale pour r�aliser certains objectifs qu’il s’�tait donn�, dont la mise en œuvre du principe de Mach(4). Celui-ci est tout simplement le principe de la relativit� de la masse, une relativit� d’�chelle. Il n’y a pas de masse absolue, mais seulement des rapports de masse et ceux-ci sont des rapports d’acc�l�rations. A travers cela, Einstein a eu l’espoir de pouvoir calculer les forces d’inertie, � partir en fait du champ gravitationnel � tr�s grande �chelle. Finalement l'inertie �mergerait des interactions entre une particule et le reste de l'univers. Or en calculant comment ceci pouvait �tre mis en oeuvre, il s'est aper�u que ce n'�tait possible qu'� la condition d'un rapport constant entre la masse de l'univers et le rayon de l'univers (eventuellement une masse et un rayon caract�ristiques puisqu'ils peuvent �tre infinis). Einstein a cherch� entre 1915 et 1917 les solutions cosmologiques de ces �quations et les a toutes trouv�es en expansion ou en contraction. R �tait variable alors que M �tait constant. Ce r�sultat �tait donc en contradiction avec le principe de Mach. C'est pour le retrouver qu'il a conclu � la n�cessit� d'un espace statique - et non parce qu'il �tait attach� � l'id�e d'absence de mouvement - et qu'il a rajout� dans ce but le terme de constante cosmologique dans ses �quations. Ensuite l'expansion de l'univers a montr� que R variait consid�rablement, ce qui a men� Einstein � retirer cette constante. Mais Einstein avait bel et bien fait une pr�diction cosmologique. En 1922, le math�maticien fran�ais Cartan(5) a d�montr� que la forme g�n�rale des �quations recherch�es par Einstein comportait la constante cosmologique. Il n’y avait donc pas de raison de la supprimer. J’ai pu montrer moi-m�me qu’une fois admise la constante cosmologique, l’univers est bel et bien �machien�. Einstein avait r�solu le probl�me sans s’en rendre compte. On a aujourd'hui la preuve qu'il y a une constante cosmologique et qu'elle est tr�s grande, puisqu'elle correspond � 75% du bilan d'�nergie de l'univers. C’est une constante g�om�trique qui est l’inverse du carr� d’une longueur. En RE, on consid�re qu'il n'y a pas besoin d'�nergie noire. C'est la constante cosmologique qui en tient lieu et ce qui a �t� mesur� repr�sente pr�cis�ment la valeur de la constante cosmologique que j'ai pu estimer th�oriquement au d�but des ann�es 90. AI : Et que dites-vous de l'inflation ? LN : On n’en a pas besoin non plus parce que l’on dispose d’une th�orie de l’auto-structuration. A travers l’espace-temps fractal, on peut montrer que les �quations de la dynamique prennent une autre forme. Elles ressemblent aux �quations de la physique quantique sans qu'il s'agisse pour autant de la physique quantique standard. On obtient une forme d’�quation de Schr�dinger comme �quation de la dynamique int�gr�e. Or cette �quation l� est naturellement structurante. Dans un tel cadre de travail, s'il est confirm�, le probl�me de la formation des structures ne se pose plus. Il est r�solu. On voit les structures se former spontan�ment. AI : Ceci je suppose � toutes les �poques et dans toutes les tailles ? LN : Oui. Mais les structures vont se former en fonction des conditions aux limites : conditions de densit� moyenne, d’environnement. A une �poque donn�e, les structures qui se formeront seront diff�rentes des pr�c�dentes car les conditions auront chang�. Il y aura donc un bouclage entre l’�volution et la formation des structures. AI : Avouez que la RE d�molit, ou plut�t rend inutile beaucoup d’hypoth�ses � la mode aujourd’hui: l’inflation, la mati�re noire, l’�nergie noire. Vous devez vous faire beaucoup d’ennemis... LN : Je ne sais pas, mais ce que je sais, c'est que beaucoup de chercheurs semblent r�ticents � utiliser un outil de type quantique dans des domaines consid�r�s comme ordinairement classiques (alors qu'il ne s'agit pas, dans les applications macroscopiques, de la m�canique quantique standard, mais d'une forme g�n�rique du type Schrodinger prise par les �quations du mouvement dans des conditions nouvelles). Il y a �galement un probl�me de sp�cialisation disciplinaire qui rend difficile la diffusion de nouveaux concepts de nature transdisciplinaires. AI : Ceci nous conduit � la morphogen�se des structures physiques et biologiques macroscopiques telles qu’observ�es sur Terre. Mais je suppose que vous n’avez pas besoin pour d�crire ces structures des mod�les de Mandelbrot… LN : En effet. La m�thode est diff�rente. Dans la RE, on met la fractalit� dans la structure de l’espace-temps lui-m�me. Cette fractalit� implique un changement des �quations. Ensuite, on va chercher les solutions de ces �quations. Les solutions de ces �quations, elles, ne sont pas fractales. Elles peuvent l’�tre dans certains cas, mais dans d’autres on obtient des solutions r�guli�res, cristallines par exemple. AI : La RE ne propose donc pas une loi fondamentale selon laquelle l’univers serait fractal… LN : Non. La fractalit� de l’espace-temps, si l’on veut conserver ce terme, sera un peu comme un bain thermique, une esp�ce d’agitation sous-jacente qui va structurer les contenus. AI : En d�duisez-vous cependant que l’on peut observer dans l’univers l’existence de structures qui seraient identiques � des �chelles diff�rentes, selon l’image traditionnelle propos�e par les mod�les fractals ? LN : C'est vrai, mais cela tient � un autre facteur, l'invariance d'�chelle de la gravitation. Que vous preniez les lois newtoniennes, einsteiniennes ou les nouvelles formes de lois du type �quation de Schr�dinger macroscopique, cette invariance d'�chelle reste v�rifi�e. Ces nouvelles lois ne reposent pas sur la constante de Planck comme les atomes ou les mol�cules, mais sur une autre forme de constante qui est elle-m�me en accord avec le principe d'�quivalence. Cela impose une forme diff�rente aux �quations et � leurs solutions et pr�serve cette extraordinaire invariance d’�chelle de la gravitation qui avait �t� not�e par Laplace. Si bien qu’� travers des th�ories comme celles-l� on pourra comprendre la formation de structures semblables dans l’espace des vitesses mais qui se traduiront dans l’espace des positions par une hi�rarchie de formations, syst�mes plan�taires, galaxies, amas, superamas, etc. On a toute une hi�rarchie d’organisations dont chacune des �chelles est r�gie par les m�mes �quations mais appliqu�es dans des situations diff�rentes. Cela ne donne donc pas de similarit�s strictes. Un syst�me plan�taire n’est pas � l’�chelle pr�s semblable � une galaxie. Mais il y a des points communs. AI : Ce que chacun peut constater en observant le ciel. La g�n�ralisation de l’�quation de Schr�dinger AI : La RE donne ainsi un r�le fondamental, je dirais universel, � l’�quation de Schr�dinger… LN : Pr�cisons bien. Je ne rajoute pas une �quation de Schr�dinger aux �quations pr�c�dentes. C’est bel et bien l’�quation fondamentale de la dynamique newtonienne qui, dans un cadre fractal, prend la forme qui est celle de l’�quation de Schr�dinger, apr�s avoir �t� int�gr�e. L’�quation de Schr�dinger propose alors des solutions stationnaires auxquelles il devient possible de comparer la mati�re observ�e. J’ai pu proc�der ainsi concernant notre syst�me plan�taire, au d�but des ann�es 90. Et l�, �tonnement, je pouvais r�cup�rer les positions de toutes les plan�tes du syst�me solaire et pr�voir des positions nouvelles ne correspondant � aucun objet alors identifi�. Ceci pour des objets internes � l'orbite de Mercure (voyez le sch�ma ci-dessous, o� l'on a port� les positions des plan�tes du syst�me solaire interne et des premi�res exoplan�tes d�couvertes en 1995, compar�es aux pr�dictions de la th�orie) ou pour des objets situ�s au-del� de Pluton. Il se trouve que depuis, on a trouv� des exo-plan�tes autour d'autres �toiles (on en conna�t aujourd'hui plus de 200) et des objets situ�s dans la ceinture de Kuiper au-del� de Pluton. Les pics de probabilit�s observ�s pour ces exo-plan�tes et petites plan�tes ont valid� les pr�visions th�oriques de la RE. AI : Il s’agit donc l� d’une v�rification exp�rimentale de premi�re grandeur, comme le montre d’ailleurs le graphique que vous pr�sentez. Vous pourriez, je suppose, faire la m�me chose pour une galaxie comme Androm�de ? LN : Un �tudiant qui a travaill� sous ma direction, Daniel da Rocha, a fait sa th�se exactement sur ce sujet. Il a pu �tudier avec les m�thodes de la RE le groupe local de galaxies, comprenant la n�tre, Androm�de et leurs satellites. Il a pu montrer que toutes les observations en position et en vitesse satisfaisaient aux �quations de Schr�dinger. AI : Si vous vous posez la question : � Voici une �toile, et il y a une plan�te autour. O� se trouve cette plan�te ? � que r�pond la RE par rapport � la th�orie classique ? LN : La th�orie classique ne peut rien r�pondre. Elle fonctionne sur des conditions initiales. Or l�, on ne les conna�t pas. La RE, par contre, m�me si elle ne sait rien sur ces conditions initiales, peut pr�dire quelque chose. Elle peut d�duire les structures les plus probables, non pas en fonction des conditions initiales, mais en fonction des conditions d’environnement. Donc elle peut faire des �nonc�s l� o� la th�orie ordinaire n’en fait pas. En contrepartie, comme cette th�orie est purement probabiliste et statistique, elle ne permettra pas de pr�dictions d�terministes. AI : En vous �coutant, on croirait entendre un physicien quantique. Vous obtenez ainsi une esp�ce de fonction d’onde de la plan�te, qui permettra de la localiser avec la m�me probabilit� de r�ussite que la fonction d’onde d’un micro-�tat permet de localiser celui-ci. Il s’agit d’un r�sultat assez extraordinaire… R�p�tons ce qui pr�c�de, en insistant, pour nos lecteurs. Gr�ce � la RE, vous avez pu localiser en th�orie un certain nombre d’exo-plan�tes que l’observation, depuis 1995, a pu identifier. J’avoue que je n’avais jamais entendu parler de cette fa�on de proc�der, en d�pit de tout ce qui est dit � propos de la recherche des exo-plan�tes... LN : Vous trouverez sur mon site les r�f�rences des publications qui ont �t� faites � ce sujet depuis 1996 (en ce qui concerne les validations observationelles), ainsi que des articles sur la pr�diction th�orique dont certains datent d'avant 1995 (la date de premi�re d�couverte des exoplan�tes). Un article de vulgarisation r�cent a �t� publi� sur le sujet: Nottale, L., 2003, Pour La Science, 309, 38-45 (Juillet 2003) "La relativit� d'�chelle � l'�preuve des faits". AI : En �largissant le regard, � l’horizon des 800 MParsecs, vous admettez si j’ai bien compris que l’univers se pr�sente de fa�on homog�ne ? LN : Absolument. En RE, si on veut obtenir une description � tr�s grande �chelle, on arrive � la conclusion qu’il doit exister une �chelle maximale, non pas en tant que barri�re physique mais en tant qu’horizon. Il s’agit aux grandes �chelles de l’�quivalent de l’�chelle de Planck aux petites �chelles. Les lois de la relativit� d’�chelle restreinte montrent que d’une fa�on g�n�rale les lois de la relativit� prennent la forme de la transformation de Lorentz. Cet horizon est ind�pendant du mod�le d'univers adopt�, ferm� ou ouvert. Dans ce cadre, du fait de son existence, la dimension fractale effective de l'espace, et donc de la distribution des galaxies dans l'espace, croit avec l'�chelle On trouve qu'elle atteint la valeur D=3 pour une �chelle de l'ordre de 750 Mpc, qui repr�senterait alors une �chelle de transition � l'uniformit�. Pour conclure AI : Je suis s�duit par l’originalit� et la f�condit� de votre approche. Force est cependant de constater qu’elle est encore peu re�ue, aussi bien chez les physiciens quantiques que chez les cosmologistes. A quoi attribuer cela ? LN : Il est aujourd’hui encore tr�s difficile de diffuser des id�es nouvelles. Malgr� beaucoup d’efforts (j’ai du donner dans les ann�es 80-90 plus de trois cents conf�rences et s�minaires sur le sujet), j’ai eu peu d’�chos. Les id�es diffusent sans doute (y compris par exemple en biologie) mais de fa�on tr�s limit�e. C’est un peu le propre des hypoth�ses sur les fondements. Quand elles apparaissent, par d�finition, elles n’int�ressent qu’un tr�s petit nombre de personnes. On peut esp�rer pourtant qu’� partir d’un certain seuil, elles pourront diffuser plus rapidement. AI : J’esp�re que notre revue pourra vous aider � mieux faire comprendre l’ambition de votre th�orie et l’importance qu’elle devrait prendre dans la repr�sentation du monde. LN : Je n'avais pas, au d�but, l'ambition que la th�orie puisse s'appliquer � tous ces domaines. Je voulais seulement essayer de comprendre ce qu’�tait la physique quantique et tenter de la fonder sur des principes premiers. Mais peu � peu, en avan�ant, en fabriquant des fonctions d’onde, en d�couvrant que l’�quation de Schr�dinger �tait plus g�n�rale qu’il n’�tait dit et pouvait s’appliquer au domaine macroscopique, les ambitions se sont pr�cis�es. C’est alors, comme je vous le disais, que j’ai pu pr�voir, avant la d�couverte des exo-plan�tes qu’il y avait des pics de probabilit�s dans lesquels ult�rieurement on a d�couvert les exo-plan�tes attendues. AI : Je ne dis pas cela pour vous faire plaisir, mais je trouve que vous m�riteriez le Prix Nobel… LN : Ce n’est pas � l’ordre du jour en ce moment, je dois dire. AI : Il faut quand m�me admettre le saut �pist�mologique que vous offrez. Votre th�orie. permet de comprendre le pourquoi des ph�nom�nes observ�s au lieu de se limiter � de simples descriptions. LN : C’est vrai. Mais c’est la propri�t� sp�cifique du principe de relativit�. Il est seul � proposer une r�ponse au pourquoi, alors que les autres tentatives de la physique fonctionnent � partir d’hypoth�ses. D’o� la conclusion que le public retient, selon laquelle la science ne peut jamais r�pondre au pourquoi, mais seulement au comment.
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