L’ordinateur quantique
Cette annexe a �t�
�crite en commun par l'auteur, et par Christophe Jacquemin*, en
janvier 2004.
Voir �galement l'article plus r�cent de Christophe Jacquemin
:
Un ordinateur
quantique commercialis� d�s 2008 ?
Le d�partement de la d�fense am�ricain
(DOD) dispose au Los Alamos National Laboratory du 2e ordinateur le plus
puissant du monde, nomm� ASCI Q (avec � terme 30-teraflops).
Celui-ci compl�te les ressources du pr�c�dent, Blue
Mountain (3-teraflops). Le DOD a demand� r�cemment au Laboratoire
de concevoir pour 2008 une machine capable d'effecteur 1 million de milliards
d'op�ration par seconde, soit 1 petaflop. Ces machines servent
� la simulation des essais nucl�aires. Mais des machines
de m�me puissance ont dans le civil de nombreux autres usages tels
que la simulation des mol�cules biologiques en bio-informatique,
ou celles de la Terre en �cologie (Earth simulator japonais). Elles
co�tent extr�mement cher, sont tr�s encombrantes et,
finalement, de tr�s mauvais rendement car elles ne peuvent utiliser
qu'environ 10% de la puissance informatique totale, le reste servant essentiellement
� faire coop�rer les processeurs.
La course � la puissance des ordinateurs classiques
n'a cependant pas atteint son terme. En application de la loi de Moore,
les mat�riels vont encore accro�tre leurs performances dans
les 15 prochaines ann�es. En mati�re de logiciels, on pourra
faire appel � l'intelligence artificielle distribu�e pour
am�liorer les traitements. Mais la limite approche. Notamment parce
que les composants commencent � travailler au niveau de l'atome,
ce qui repr�sente une barri�re infranchissable si l'on veut
d�tecter les signaux. Au-del�, on passe dans la physique
subatomique ou quantique.
Conscients de cette barri�re technologique in�luctable,
et d�j� depuis une vingtaine d'ann�es, des chercheurs
en informatique se sont demand� comment utiliser les propri�t�s
de la mati�re au niveau quantique. Le premier qui en eut l'id�e
a �t� Richard Feynman. Il le sugg�ra pour solutionner
les probl�mes dits "NP-hard" (le nombre des calculs n�cessaires
pour r�soudre un de ces probl�mes cro�t exponentiellement
avec le nombre des variables en cause, si bien que le probl�me
est insoluble sur un ordinateur ordinaire). L'id�e a �t�
reprise quelques ann�es plus tard par David Deutsch. Ces r�flexions
ont donn� naissance � de nombreux projets dans le monde
visant � d�finir puis exp�rimenter un ordinateur
quantique.
Propri�t�s du bit quantique ou qbit
On ne d�crira pas ici un ordinateur quantique possible.
Disons seulement qu'il utilisera les propri�t�s des bits
quantiques ou qbits. Un qbit est un syst�me quantique mont�
en laboratoire. Il peut s'agir d'un atome ou d'une particule, entour�
d'un champ magn�tique intense et subissant des impulsions radio
de haute fr�quence qui modifient sa rotation (son spin). On attribuera
la valeur 1 � une rotation dans le sens des aiguilles d'une montre
et la valeur 0 � la rotation en sens inverse, c'est-�-dire
les deux valeurs utilis�es dans le langage binaire des informaticiens.
Compte tenu de la difficult� que l'on rencontre pour manipuler
de tels atomes, le nombre maximum des qbits qui ont pu �tre mis
en œuvre dans les prototypes les plus r�cents d'ordinateur
quantique ne d�passe pas 7 - ce qui para�t risible au regard
des dizaines de millions d'unit� composant le processeur d'un simple
micro-ordinateur.
"Ordinateur
quantique", oui mais liquide, physique ou gazeux ?
Comment se pr�sentera l'ordinateur quantique
dont certains pr�voient des applications industrielles
d�s les ann�es 2020 ? Sera-t-il solide, liquide
ou gazeux ? Aura-t-il la taille d'un immeuble ou tiendra-t-il
dans la main ? Bien malin qui aujourd'hui pourrait le dire...
L'un
des r�sultats ayant le plus d�fray� la chronique
est celui de la factorisation du nombre 15 par l'�quipe
d'Isaac Chuang (centre de recherche Almaden d'IBM) � l'aide
d'un ordinateur quantique � 7 qbits [notre
actualit� du 19 d�cembre 2001] faisant
ainsi la premi�re d�monstration de l'algorithme
de Shor (voir plus bas, corps de l'article).
Ici, l'approche prend en compte la R�sonance Magn�tique
Nucl�aire (RMN) appliqu�e sur des mol�cules
dans un milieu liquide : mol�cule � 7 spins con�ue
et fabriqu�e par les chimistes (noyau de 5 atomes de fluor
et 2 atomes de carbone) pouvant interagir avec les autres comme
des bits quantiques, et programm�s par des pulsations d'ondes
radio.
Identifier la factorisation gr�ce � l'algorithme
de Shor est revenu � contr�ler un milliard de milliard
de ces mol�cules.
Rappelons
qu'Isaac Chuang avait d�j� r�alis�
en 1998 un premier ordinateur quantique � 2 qbits, dans
un d� � coudre de chloroforme, pour rechercher
les diverses p�riodicit�s d'une fonction. Avec
2qbits, il a pu aussi mettre en oeuvre l'algorithme de Lov Grover
(voir plus bas, corps de l'article) et retrouver une donn�e
parmi quatre en une seule �tape. L'ann�e suivante,
il passe � l'ordinateur � 3 qbits, dans une base
� 8 �l�ments. Enfin, en 2000, c'est la
r�alisation d'un ordinateur � 5 qbits en utilisant
les 5 atomes de fluor d'une mol�cule complexe sp�cialement
con�ue. Le syst�me permet en une seule �tape
de trouver la bonne combinaison parmi deux �l�ments,
alors qu'il en faut jusqu'� 4 dans une approche traditionnelle
(2 des 5 qbits servant dans la recherche de la solution, les
trois autres au calcul du r�sultat).
La lecture par utilisation de la r�sonance
magn�tique est une des m�thodes. Il existe d'autres
approches, par exemple celle des "pi�ges �
ions", faisant �galement appel � un milieu
fluide (notamment �tudi�e aux Etats-Unis et en Autriche).
Cela dit, certains chercheurs pensent qu'il sera d�sormais
tr�s difficile de d�velopper et de synth�tiser
des mol�cules dot�es d'un nombre de qbits sup�rieur
� sept. Chuang lui-m�me, pourtant optimiste, n'imagine
pas pouvoir aller beaucoup plus loin que 10 � 20 qbits
avec son syst�me parce que les signaux magn�tiques
qui mesurent l'orientation des spins et d�terminent sa
valeur (1, 0 ou les deux), deviennent de plus en plus faibles
au fur et � mesure que le nombre de qbits augmentent. C'est
pour cela que d'autres scientifiques - tel Colin Williams du Jet
Propulsion Laboratory de la Nasa - pr�conise de se concentrer
sur les voies dites "solid state" en tablant sur des
qbits fix�s sur des substrats solides ou sur des photons
prisonniers dans des cavit�s optiques. Les syst�mes
�tudi�s (y compris par IBM) vont des spins d'�lectrons
confin�s dans des nanostructures semi-conductrices, aux
spins de noyaux associ�s avec des impuret�s mono-atomiques
dans un semi-conducteur, en passant par les flux �lectroniques
ou magn�tiques � travers des super-conducteurs.
Alors, un premier prototype d'ordinateur quantique "solid
state" d'ici 10 ans ?
NB
: A c�t� de l'ordinateur quantique, mentionnons aussi
un nouveau paradigme qui pourrait s'imposer � terme
comme une v�ritable r�volution : l'av�nement
du calcul biomol�culaire via l'ordinateur �
ADN.
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Mais la particule isol�e peut, comme l'enseigne
la m�canique quantique, se trouver dans deux �tats �
la fois. C'est ce que l'on appelle l'�tat de superposition coh�rente.
Si on veut s'en servir comme unit� de repr�sentation de
l'information (bit) elle peut donc pr�senter simultan�ment
l'�tat 1 et l'�tat 0. L'ordinateur quantique calcule ainsi
en manipulant des bits pouvant prendre soit la valeur 1, soit la valeur
0, soit la superposition 1 et 0. Avec deux bits, un ordinateur classique
peut repr�senter un des 4 nombres traduits en binaire par 00, 11,
01 ou 10. L'ordinateur quantique, lui, peut repr�senter simultan�ment
ces 4 nombres. Trois qbits, de m�me, pourront repr�senter
simultan�ment 8 nombres, au lieu de 1 nombre � la fois.
La suite en proportion, chaque nouveau qbit ajout� aux autres doublant
la quantit� de nombres repr�sent�s par la s�quence:
quatre qbits repr�sentent 16 nombres, cinq qbits 32 nombres…
dix qbits 1.024 nombres (au lieu de 1, r�p�tons-le, dans
un calculateur classique). N qbits peuvent m�moriser 2 puissance
N nombres. Il en r�sulte que si on utilise trois qbits comme donn�e
d'entr�e en vue d'un calcul (diviser par 2 ou extraire la racine
carr�e), comme ils repr�sentent 8 nombres, ils feront 8
calculs � la fois chaque fois que l'on changera l'�tat d'un
des bits. L'ordinateur quantique est donc d'abord un calculateur massivement
parall�le. Avec 13 atomes (ce qui n'est pas envisageable pour le
moment), il atteindrait la puissance de calcul en parall�le de
l'ordinateur Blue Mountain �voqu� ci-dessus.
Un ordinateur quantique peut utiliser n'importe quelle particule susceptible
d'avoir deux �tats en superposition. Des ordinateurs quantiques
peuvent �tre construits � partir d'atomes qui sont �
la fois excit�s et non excit�s au m�me moment. Ils
peuvent �tre construits � partir de photons de lumi�re
qui sont � deux endroits simultan�ment. Ils peuvent �tre
construits � partir de protons et de neutrons ayant un spin soit
positif soit n�gatif ou les deux en m�me temps. Une mol�cule
peut contenir plusieurs millions de protons et de neutrons. Elle peut
donc, th�oriquement, �tre utilis�e comme ordinateur
quantique dot� de plusieurs millions de qbits. Les capacit�s
potentielles de calcul correspondraient, avec un ordinateur classique,
� des dur�es de plusieurs fois l'�ge de l'univers.
On imagine ainsi le gain de temps calcul et d'utilisation m�moire
� laquelle peut conduire cette nouvelle technologie. Mais elle
promet aussi beaucoup plus : les vrais progr�s viendront aussi
de nouveaux algorithmes qui vont permettre de r�soudre des probl�mes
jusqu'alors inaccessibles pour l'informatique classique
La course � la conservation de l'�tat de superposition
Il y a donc un int�r�t strat�gique majeur �
ma�triser cette puissance, sachant que les nombres et les calculs
sont aujourd'hui � la source de toute connaissance et de toute
action sur le monde. De nombreux laboratoires se sont donc mis en piste.
Mais une �norme difficult� a jusqu'ici arr�t�
les chercheurs : la difficult� de maintenir en �tat de superposition
un ensemble de plus de 1 particule. La localisation ou l'impulsion d'une
particule quantique en �tat de superposition ne peuvent �tre
d�finies que par une probabilit� statistique d�coulant
elle-m�me de la fonction d'onde de la particule. Pour conna�tre
exactement ces valeurs, il faut faire interf�rer la particule avec
un instrument, comportant par d�finition une grande quantit�
d'atomes. Mais alors, la fonction d'onde s'effondre et l'observateur n'obtient
qu'une seule des deux valeurs, l'autre �tant d�finitivement
perdue, en application du principe d'ind�termination. C'est ce
que l'on appelle aussi le ph�nom�ne de la d�coh�rence.
Pour qu'un ou plusieurs qbits conservent leur caract�re quantique,
et puissent donc travailler en �tat de superposition, il faut les
isoler de toute mati�re ou �nergie avec lesquels ils interf�reraient
- ce qui paraissait impossible ou tr�s difficile d�s que
le nombre de qbits d�passait deux ou trois. Aujourd'hui cependant,
en utilisant diverses techniques, un certain nombre de laboratoires ont
annonc� (comme un grand succ�s c�l�br�
unanimement par la communaut� des physiciens) avoir maintenu �
l'�tat quantique de courtes s�quences de bits (4 �
7) et pour des dur�es de temps suffisantes � la r�alisation
de quelques op�rations.
L'avenir de l'ordinateur quantique repose donc sur les technologies qui
seront utilis�es pour g�n�rer et maintenir en �tat
de superposition coh�rente des cha�nes de bits de plus en
plus longues. La d�marche consiste � r�aliser d'abord
une porte logique quantique (ou syst�me microscopique), g�n�ralement
de 2 qbits, capable de r�aliser une op�ration quantique
�l�mentaire dans une longueur de temps donn�e. Les
physiciens ont depuis longtemps r�ussi � maintenir en �tat
de superposition un atome ou un photon isol�. Mais si on veut cr�er
des circuits avec ces portes, en les ajoutant les unes aux autres, les
risques de d�coh�rence augmentent rapidement, du fait de
l'interaction avec les atomes de l'environnement. L'information utile
se trouve donc dissip�e. Il faut donc r�aliser des syst�mes
microscopiques ou les qbits interagissent avec eux-m�mes et non
avec ceux de l'environnement. C'est l� l'enjeu essentiel de la
course � l'ordinateur quantique, engag�e depuis une dizaine
d'ann�es dans les principaux pays du monde. Diff�rents substrats
et diff�rentes m�thodes de d�tection (par exemple
la r�sonance magn�tique nucl�aire) sont actuellement
exp�riment�s.
Mais une autre difficult� devra �tre r�solue. Il s'agit
des modalit�s de la programmation d'un ordinateur quantique. On
comprend bien que l'on ne puisse utiliser une programmation classique
pas � pas. Il faut d�finir de nouveaux algorithmes qui exploitent
un �tat de superposition pouvant contenir un nombre exponentiel
de termes diff�rents. Ainsi une instruction pourra �tre de
la forme suivante : "prendre la superposition de tous les nombres
r�sultant de l'op�ration pr�c�dente".
De telles instructions permettent de programmer la r�solution d'un
probl�me de factorisation (�crire une somme sous forme d'un
produits de facteurs), qui est encore actuellement consid�r�
comme le domaine d'excellence de l'ordinateur quantique. Diff�rents
langages de programmation ont �t� r�alis�s
avant m�me que des ordinateurs quantiques op�rationnels aient
�t� r�alis�s. Citons par exemple l'algorithme
de Shor, propos� en 1994 par le chercheur d'ATT Peter Shor, qui
met � profit les propri�t�s des qbits pour factoriser
de tr�s grands nombres dans un temps “polynomial”(1)
(c'est sur cet algorithme que s'est appuy� Isaac Chuang d'IBM
pour factoriser le nombre 15 dans un v�ritable ordinateur quantique
� 7 qbits [voir encadr� ci-dessus] Citons aussi, Lov Grover
(chercheur au Bell Labs), qui dans un autre domaine a publi� en
1996 un algorithme quantique permettant la recherche d'un �l�ment
dans un ensemble de n objets beaucoup plus rapidement que par les m�thodes
classiques (application potentielle riche de promesses en ce qui concerne
la recherche dans les bases de donn�es). Isaac Chuang l'a d'ailleurs
d�montr� pratiquement en 1999 dans son ordinateur quantique
� 2 qbits.
Toujours dans le cadre des difficult�s, insistons sur le fait qu'avec
l'ordinateur quantique, le r�sultat final d'un calcul n'�tant
d�termin� que par des lois de probabilit�s, un calcul
peut a priori donner n'importe quel r�sultat. Il faut donc disposer
d'algorithmes qui permettent d'augmenter la probabilit� que le
syst�me "d�coh�re" dans l'�tat correspondant
� la bonne r�ponse, sachant que lorsqu'on regarde un r�sultat
dans un registre quantique (r�seaux de qbits), tous les autres
�tats disparaissent...
Qui a besoin de l'ordinateur quantique ?
Les scientifiques reconnaissent qu'on est encore bien
loin du but : produire un ordinateur quantique de grande puissance et
manipulable comme un micro-ordinateur. Ils comparent la situation actuelle
de la recherche � celle ou se trouvait la connaissance de l'atome
quand Marie Curie �tudiait la d�sint�gration du radium.
Cependant, comme dans tous les domaines, les progr�s seront d'autant
plus rapides que les recherches disposeront de plus de moyens. Pour cela,
il faut que les d�cideurs institutionnels se persuadent de l'int�r�t
d'un tel ordinateur.
On retrouve dans ce domaine le m�me ph�nom�ne qui
a marqu� la prise en consid�ration de la fusion nucl�aire
destin�e � produire de l'�nergie industrielle. Pendant
des ann�es, les r�acteurs exp�rimentaux ont v�cu
dans une certaine indiff�rence g�n�rale. Puis subitement,
� la suite de l'int�r�t manifest� par les Etats-Unis
dans une ambiance de comp�tition avec l'Europe et le reste du monde
pour la ma�trise de cette �nergie du futur, le programme
ITER s’est emball�.
Une question d'ordre strat�gique est d�sormais pos�e
non pas aux chercheurs mais aux autorit�s gouvernementales qui
financent les recherches fondamentales en mati�re de physique quantique:
convient-il de laisser les recherches sur l'ordinateur quantique se poursuivre
dans un grand nombre de laboratoires, au rythme n�cessairement
lent que suppose l'exp�rimentation de techniques difficiles et
souvent diff�rentes, alors que les hommes et les cr�dits
y affect�s sont rares ? Faut-il au contraire changer de vitesse
? Si oui, comment ?
On ne s'�tonnera pas de nous voir recommander ce dernier choix.
Il faut bien voir que les industriels de l'informatique qui les premiers
mettront sur le march� un ordinateur quantique performant prendront
sur leurs concurrents une avance industrielle et commerciale consid�rable.
C'est pourquoi chez IBM, les recherches sur le sujet b�n�ficient
de moyens importants (voir les publications du centre de recherche IBM
d'Almaden consacr�es � la computation quantique http://www.almaden.ibm.com/st/quantum_information/index.shtml).
Il en est de m�me concernant les moyens importants d�di�s
par Microsoft aux recherches concernant l'ordinateur topologique.
Mais les industriels informatiques ne sont pas seuls en cause. Dans un
monde ou les technologies sont aussi et surtout de souverainet�,
les pays qui disposeront en premier d'une industrie du calcul quantique
comp�titive en b�n�ficieront pour maintenir ou accro�tre
leur influence sur le reste du monde. C'est ce qui, depuis 50 ans, s'est
produit avec l'informatique classique, puis avec l'Internet. Les Etats-Unis
ayant per�u l'enjeu de ces outils ont encourag� leurs laboratoires
de recherche et leurs entreprises � s'en donner la ma�trise
technologique et � en g�n�raliser l'usage �
leur profit, bien avant les concurrents. Chacun sait aujourd'hui que la
capacit� de la science et de l'industrie am�ricaine �
s'appuyer sur des r�seaux de tr�s grands calculateurs constitue
l'un des principaux moyens leur permettant d'assurer leur supr�matie.
L'histoire risque de se r�p�ter dans le domaine des calculateurs
quantiques, comme sans doute dans celui des calculateurs � ADN
(non �tudi�s ici) si ces derniers voient le jour avant ceux-l�.
D'ores et d�j� les perspectives offertes par les calculateurs
quantiques sont tr�s attrayantes, dans les domaines de la cryptographie,
de la recherche en base de donn�es avec multiples entr�es
et, bien �videmment aussi en mati�re de calcul num�rique,
calcul dont les applications seront de plus en plus importantes. Plus
g�n�ralement, toutes les mod�lisations supposant
des calculs massivement parall�les, dans le domaine militaire,
en bio-informatique, en �conomie et surtout en physique quantique
elle-m�me (gravitation quantique), comme en cosmologie, pourront
enregistrer des progr�s d'efficacit� consid�rable
avec ces ordinateurs r�volutionnaires. On peut imaginer aussi qu'implanter
de petits calculateurs quantiques dans des robots autonomes devrait accro�tre
sensiblement leurs capacit�s d'auto-adaptation (des chercheurs
en intelligence artificielle distribu�e, tel Alain Cardon, voudraient
par exemple �tudier le comportement de syst�mes multi-agents
adaptatifs constitu�s de qbits).
Ajoutons qu'apprendre � manipuler couramment les particules en
�tat de superposition coh�rente constitue le sine qua non
de toutes les applications possibles de la physique quantique.
En Europe, les laboratoires travaillant sur l'ordinateur quantique sont
relativement nombreux, comme le montre la carte �tablie par le
Centre for Quantum Computation britannique(2)�:�
http://www.qubit.org/phpscripts/places.php?cat=areaname&value=europe.
Mais ils sont dispers�s, abordent souvent des domaines tr�s
sp�cialis�s qu'il sera difficile de mettre en synergie dans
un produit final. De fa�on plus grave, ils ne sont certainement
pas consid�r�s comme prioritaires dans l'allocation des
ressources budg�taires. L'Europe va-t-elle perdre la bataille de
l'ordinateur quantique comme elle a perdu celle de l'ordinateur classique
?
Vu l'�tat actuel des connaissances, il serait contre-productif
de vouloir regrouper plusieurs laboratoires dans un programme unitaire.
Mais ceci ne veut pas dire que les Pouvoirs Publics ne devraient pas s'int�resser
au sujet. Il faudrait que des projets pr�cis soient encourag�s
au sein des programmes cadres de l'Union europ�enne ou dans des
projets conjoints entre plusieurs pays, avec des m�thodes d'�valuation
et de diffusion des r�sultats communes. Pour cela s'affirme constamment
le besoin d'engager un grand travail de sensibilisation.
Rappellerons au lecteur qu’un nombre croissant de physiciens, le
plus repr�sentatif �tant Seth Lloyd, pr�sent�
dans le chapitre 1 de ce livre, consid�re que l’univers fonctionnerait
fondamentalement comme un immense ordinateur quantique, ce qui expliquerait
ses performances pass�es et futures. On voit que la question de
l’ordinateur quantique prendra de plus en plus d’importance
dans les ann�es � venir, au plan tant conceptuel que pratique.
Nous pourrions aller jusqu’� sugg�rer que ce sera
l’enjeu scientifique majeur du XXe si�cle. Il serait peut-�tre
utile que les jeunes �tudiants en sciences, candidats �
de futurs prix Nobel, y r�fl�chissent.
*
Co-r�dacteur en chef, avec l'auteur, du site www.automatesintelligents.com
(1)
: Fa�on math�matiques de dire que l'accroissement de la
taille des clefs de cryptage n'est plus un obstacle insurmontable, sachant
que la factorisation des grands nombres est l'un des principes de base
du d�cryptage. En d'autres termes, ce qui prendrait plusieurs milliards
d'ann�es de calcul � l'ordinateur classique actuel le plus
puissant au monde pour trouver les diviseurs d'un nombre de 300 chiffres
en les essayant laborieusement les uns apr�s les autres, ne n�cessiterait
que 30 heures de calcul avec un ordinateur quantique.
(2)
: Il est significatif que l'�quivalent d'un tel Centre n'existe
pas en France, ce qui montre bien le manque d'int�r�t des
d�cideurs et de l'opinion pour cette question. Les chercheurs existant
sont bien isol�s et bien peu mis en valeur.
Pour en savoir plus�:�
Center for
Quantum Computation :
http://www.qubit.org/
Groupe de
recherche 2285 "Information et communication quantique" :
http://www-lsp.ujf-grenoble.fr/vie_scientifique/gdr/info_quantique/labosGDR.html
Programme
europ�en "Quantum Information Processing & Communication"
:
http://www.cordis.lu/ist/fet/qipc.htm
Un ordinateur quantique commercialis� d�s 2008 ?
http://www.editions-bayol.com/PMF/ordi_quantique2.php
�
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