Le mat�rialisme est d’abord une conviction.
Il consiste � croire que tout ce qui existe dans l’univers,
jusqu’� l’homme, son esprit et sa conscience morale,
r�sulte d’une �volution spontan�e des composants
mat�riels de l’univers. Les religions sont convaincues
du contraire. Pour elles, rien de ce qui existe dans l’univers
ne serait apparu sans l’intervention d’un Dieu tout puissant,
situ� hors de l’espace et du temps mais capable d’intervenir
� tout moment dans notre monde pour y imposer sa volont�.
Le mat�rialisme s’appuie sur la raison et
plus particuli�rement sur la recherche scientifique exp�rimentale,
pour qui l’�nonc� d’une loi d�crivant
le monde doit �tre justifi� par une d�monstration
objective que toute personne dot�e de raison puisse refaire en
tous temps et en tous lieux. Ceci n’est en rien contradictoire
avec le fait que la science �voluant sans cesse propose constamment
de nouvelles lois et de nouvelles exp�riences visant �
les justifier. Les religions � l’oppos� s’appuient
sur l’affectivit� qui est fondamentalement subjective et
dont les grands ressorts �voluent peu au travers des lieux et
des �poques.
Tout naturellement, le mat�rialisme moderne est
donc scientifique et la science moderne est donc mat�rialiste.
Pourquoi serait-il alors n�cessaire, comme nous voulons le faire
dans ce livre, de r�affirmer le postulat mat�rialiste,
voire d’en renforcer encore l’expression et les ambitions
?
C’est parce que la science qui a fait la force
du mat�rialisme occidental est de plus en plus attaqu�e
par les religions. Celles-ci ont toujours vu dans la science et dans
le mat�rialisme des adversaires � combattre. Non seulement
parce qu’ils peuvent mettre en �chec leur messages spirituels
mais surtout parce qu’ils leur disputent le pouvoir temporel,
celui qu’elles exercent en ce bas monde sur les personnes et les
institutions et qui leur rapporte influence, honneur et argent.
On aurait pu croire au cours du 20e si�cle qu’un
accord de neutralit� r�ciproque s’�tait �tabli,
mais on constate au d�but du 21e si�cle qu’il n’en
est rien. La science, aujourd’hui, malgr� les apparences,
accumule les succ�s. Elle transforme v�ritablement le
monde. Les religions cherchent donc de plus en plus � la mettre
� leur service, quitte � d�tourner son esprit.
Si une religion pr�tend qu’elle utilise la m�thode
scientifique pour justifier ses affirmations, peu de gens dans le grand
public, faute de temps et de comp�tences, pourront d�montrer
qu’il n’en est rien. La science et le mat�rialisme
font donc l’objet de nombreuses tentatives de r�cup�ration
devant lesquelles, fort l�gitimement, les scientifiques mat�rialistes
r�sistent.
Ce faisant, la science et le mat�rialisme ravivent
l’hostilit� non seulement des religions mais des pouvoirs
politiques (gouvernements, partis, organisations combattantes) qui veulent
mobiliser les foules � leur service. Le monde contemporain voit
en effet se multiplier les affrontements entre puissances grandes et
petites pour qui tous les moyens de conqu�rir le soutien des
populations sont bons. Comme les foules sont encore majoritairement
croyantes, ces pouvoirs politiques veulent les emp�cher d’�couter
la science en expliquant que la science et le mat�rialisme sont
non seulement dans l’erreur mais dans l’amoralit�
et le mal. Ainsi les contrev�rit�s les plus �videntes
propag�es par ces pouvoirs politiques ne rencontreront plus de
contradictions de la part des scientifiques.
Le mat�rialisme scientifique ainsi attaqu�
doit se d�fendre. Mais pour cela il ne lui suffit plus d’en
appeler � la vieille rationalit� scientifique dont les
arguments ont fini par s’user. Il lui faut s’appuyer sur
les d�veloppements les plus r�cents des sciences �mergentes.
Celles-ci, comme nous allons le montrer dans ce livre, ne sont pas r�ductrices.
Elles �clairent d’une nouvelle clart� l’�volution
du monde. Il s’agit toujours d’un monde sans Dieu, mais
d’un monde o� certains des attributs traditionnels du divin
se retrouvent dans les formes les plus �labor�es de la
mati�re intelligente qui semble en cours d’apparition non
seulement sur la Terre mais peut-�tre plus largement au sein de
l’univers. Les nouvelles explications mat�rialistes peuvent
l�gitimer la recherche du sacr� et de l’amour qui
a toujours caract�ris� non seulement les hommes mais sans
doute aussi beaucoup d’animaux. Il s’agit de traits �volutifs
qui, au m�me titre que la capacit� d’imaginer et
de cr�er, ont permis jusqu’� pr�sent �
certaines esp�ces d’�tendre leurs habitats bien
au-del� des niches originelles.
Nous verrons qu’ainsi les nouvelles sciences et
les nouvelles philosophies nous dessinent des paysages dont la splendeur
et l’inspiration d�passent de beaucoup l’au-del�
propos� par les religions. De nouvelles d�finitions de
la vie, de l’homme, de l’intelligence et de la conscience
sont en train d’appara�tre. Sans nous �loigner de
la nature, elles nous mettront mieux en phase avec ce qui est peut-�tre
le ressort profond de l’�volution cosmologique.