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            | ET SI C'�TAIT VRAI ? PAR PATRICE VAN 
                EERSEL |   
            | Comment d�partager na�vet�, 
                idiotie et innocence ?Nous vivons dans des soci�t�s dont les princes semblent 
                �tre des enfants. On sait les enfants-soldats en nombre 
                croissant dans le monde. Et les d�linquants les plus d�cha�n�s 
                ont parfois dix ans. Mais les sages ne disent-ils pas : � 
                Pour atteindre la lumi�re, redevenez comme des enfants 
                � ?
 
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                Qu'entend-on au juste, quand on vous souhaite “d'aimer 
                  l'enfant en vous” ? Immacul�e Ilibagiza est cette 
                  Etty Hillesum rwandaise qui raconte, dans 'Miracul�e', 
                  comment sa foi lui a donn� la force de traverser l'enfer 
                  du g�nocide — et m�me d'y “trouver 
                  la lumi�re”. Quand elle parle des premi�res 
                  �missions de la sinistre Radio T�l�vision 
                  des Mille Collines, o� les extr�mistes hutus appelaient 
                  � l'extermination des Tutsies, elle dit une chose que 
                  l'on retrouve souvent dans les d�buts de guerre : on 
                  avait presque envie de rire, tellement ces cris de haine �taient 
                  enfantins.Comme au d�but du nazisme. Ou de la R�volution 
                  culturelle chinoise. Ou de la guerre yougoslave. Bien s�r 
                  d'autres, adultes, manipulent ces gamins. Encore faut-il qu'il 
                  y ait en nous, dans l'esp�ce humaine en g�n�ral, 
                  surtout masculine, quelque chose d'essentiellement immature, 
                  pour que ces infantilismes puissent s'embraser, sans susciter 
                  illico de contre-feu. Aucune esp�ce animale ne devient 
                  folle de cette fa�on. Aucune non plus ne croit en Dieu. 
                  C'est apparemment parce qu'une foi totale la guidait qu'Immacul�e 
                  a eu la force de passer � travers les massacres. Elle 
                  nous en convainc. Est-ce la foi des petits enfants ?
 Quand on parle de r�enchantement 
                du monde, de brillants esprits ricanent : croire que la vie a 
                un sens, quoi de plus niais ? Je viens de lire l'astrophysicien 
                Michel Cass�. �a s'appelle � Cosmologie dite 
                � Rimbaud �. Voil� un scientifique r�enchant�, 
                � qui j'ai envie de laisser la parole :� Deux astrophysiques se font face. L'une 
                pudique, tr�s recueillie et drap�e dans une r�serve 
                ironique, l'autre coiff�e d'ailes de colombe, chaleureuse, 
                violente et engag�e, menac�e d'hyst�rie, 
                au sens o� Rimbaud est un Boileau/Ponge hyst�rique. 
                Si l'on me demande ce que je suis en philosophie, r�pondrai-je 
                que je suis un mat�rialiste ? Oui peut-�tre. Mais 
                qu'est-ce au juste que la mati�re sachant que la lumi�re 
                est une forme mat�rielle neutre ? Et le vide quantique 
                ! Le “Vide” dans le sens o� on l'entend en 
                physique moderne est un �l�ment du monde, aussi 
                digne que les autres. Sa vertu est r�pulsive : � 
                la diff�rence de la gravitation commune, qui entra�ne 
                au regroupement, � la coh�sion, c'est un agent de 
                dispersion, p�re de diaspora, mais non seulement cela, 
                il ne faudrait pas me pousser beaucoup pour dire qu'il est le 
                p�re de la lumi�re (et de la mati�re), car 
                il a r�gn� “au commencement”. Il a servi 
                de moteur � ce que les cosmologues appellent l'“Inflation 
                cosmologique”, extraordinaire �pisode de croissance 
                exponentielle de l'espace, et s'est bien vite effac� au 
                b�n�fice de la mati�re et de la lumi�re, 
                leur c�dant son �nergie interne... � Bref, 
                l'enthousiasme de la science et la pr�cision de la po�sie, 
                comme aurait dit Nabokov. Enchantement de l'adulte-enfant devant 
                le r�el !
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    | Lambda ou Cosmologie 
        dite � RimbaudPar Michel Cass�
Jean-Paul Bayol Editions, 2007, 195 pages
Pr�sentation par Jean-Paul Baquiast
 16/09/2007
   Michel Cass� est astrophysicien, directeur de recherche au Commissariat 
        � l’Energie Atomique. Il a �crit de nombreux ouvrages 
        scientifiques et de vulgarisation.
 
 Voici un �trange livre, bien peu attendu de la part d’un 
        �minent astrophysicien que ceux ne le connaissant pas pourraient 
        croire enferm� dans le monde aust�re des mod�les 
        d’univers aux math�matiques �sot�riques. Mais 
        pourquoi refuser aux cosmologistes le droit � l’�motion 
        et � l’expression po�tique. Nous-m�mes profanes 
        acceptons bien de r�ver devant un ciel nocturne peupl� d’�toiles 
        � l’infini. Lorsque nous apprenons que ces �toiles 
        ne sont que l’avant-garde visible de 100 milliards d’analogues 
        dans notre galaxie et qu’il y aurait cent milliards d’autres 
        galaxies au sein de l’espace-temps, n’�prouvons-nous 
        pas une �motion encore plus forte ? Il arrive m�me � 
        certains, plus rares certes, de r�ver en consid�rant ce que 
        pourrait �tre un univers � tourbillonnant � dans un 
        espace de Calabi-Yau, ce jusqu’� une ultime contraction suivie 
        d’une nouvelle expansion 1).
 La difficult� avec ce genre d’�vocations 
        po�tiques est de requ�rir des lecteurs relativement inform�s. 
        Il se peut que la plupart des allusions auxquelles se livre Michel Cass� 
        dans Lambda en laissent un certain nombre sur le bord de la route. Certes, 
        il fournit de nombreuses r�f�rences en notes, mais celles-ci 
        sont sans explications. Seuls sans doute les fous de savoir les utiliseront 
        pour compl�ter leur information.  Ceci dit, on peut supposer que dans ce nouveau livre, 
        Michel Cass� n’a pas voulu faire œuvre de vulgarisation, 
        comme il sait si bien le faire par ailleurs. Il a sans doute voulu, � 
        l’occasion d’une synth�se brillante mais en partie 
        implicite des hypoth�ses r�centes de la cosmologie th�orique, 
        montrer aux lecteurs qu’il existait un monde perceptible, non par 
        les sens ni m�me par l’esprit logique, mais par l’imagination 
        (ou la sensibilit�) po�tique. Ainsi seraient ils incit�s 
        � s’instruire plus en profondeur. Une telle recherche d’information ne serait en 
        effet pas inutile. Combien de personnes en sont rest�s aux hypoth�ses 
        du Big Bang et des Trous noirs ? Peu s’imaginent que la mati�re 
        visible ne repr�sente que quelques pour cents de la mati�re 
        dite noire. Peu encore ne soup�onnent que l’h�ro�ne 
        du livre, l’�nergie noire dite aussi Lambda, force d’expansion 
        acc�l�r�e, �cartera les galaxies, dans quelques 
        milliards ou trilliards d’ann�es, de telle fa�on que 
        les futurs habitants de l’une de ces galaxies contempleront un ciel 
        noir et vide � la place du ciel �toil� que nous �voquions 
        en introduction. Entendre un scientifique respect� faire de ces 
        questions mati�re � �vocation po�tique, en 
        en parlant comme Ronsard le faisait de la rose, ne peut qu’inciter 
        � une saine curiosit�.  Une manifestation de la spiritualit� mat�rialiste Au del� de son contenu de connaissances scientifiques, 
        nous sommes tent� de voir dans le livre de Michel Cass� 
        une manifestation de la spiritualit� mat�rialiste, qui n'est 
        pas faite de certitudes tir�es des Ecritures mais de questions 
        sur ce qu'elle est. Que sait un astrophysicien face � sa discipline? 
        Que pense-t-il ? Quels sont ses doutes ? Et lorsque non sans malice il 
        discourt avec Rimbaud et Ponge son propos n’est pas de faire le 
        point sur ce que l’on sait en astrophysique mais de montrer qu’il 
        y a beaucoup � savoir et que les questions et interrogations restantes 
        sont immenses. De la m�me fa�on Jean Rostand dans son “Carnets 
        d’un biologiste” s’interrogeait sur sa discipline, exposait 
        ses doutes et ses certitudes mais ne d�crivait � aucun moment 
        la bio-g�n�tique dont il fut un pionnier. Dans Lambda, on trouve sous-jacente la question fondamentale 
        de la globalit� : l'auteur montre que la science, toute autonome 
        et rigoureuse qu’elle soit, est �crite et pens�e par 
        des hommes dont les r�f�rents sont dans la culture humaine, 
        donc aussi dans les r�ves, la po�sie, le langage. Ce livre 
        semble dire : faisons de la place � l’imagination, faisons 
        de la place � la po�sie qui contourne notre raison raisonnante 
        et en cela nous d�concerte, faisons de la place � la r�verie 
        car ce sont de magnifiques et indispensables instruments de la pens�e 
        et par l�-m�me de la science. Il fait plus que cela. A l’occasion 
        d’une synth�se brillante mais en partie implicite des hypoth�ses 
        r�centes de la cosmologie th�orique, il veut montrer aux 
        lecteurs qu’il existe un monde perceptible, non par les sens ni 
        m�me par l’esprit logique, mais par l’imagination ou 
        la sensibilit�po�tique. C'est finalement une exp�rience, 
        le texte personnel et libre d’un scientifique qui parle de son art 
        et de sa pratique.  R�alisme ou non-r�alisme? Nous aimerions cependant, � l'occasion de ce livre 
        et puisque nous avons virtuellement Michel Cass� en interlocuteur, 
        lui poser quelques questions, qui seront peut-�tre d�velopp�es 
        dans un entretien ult�rieur. Ainsi il �voque (bien qu’avec 
        prudence) la mal nomm�e th�orie des Cordes ou l’hypoth�se 
        du Multivers sans pr�ciser que d’autres cosmologistes tel 
        Christian Magnan pr�f�rent les laisser au rayon de la m�taphysique 
        scientifique 2). Que pense-t-il lui-m�me la plausibilit� 
        de ces hypoth�ses extr�mes? Au del� de cela, comment 
        se positionne-t-il dans le d�bat d�j� ancien du r�alisme 
        et du non r�alisme? A ses yeux, le monde d�crit par le langage 
        humain, que ce langage soit po�tique, litt�raire ou scientifique, 
        existe-t-il r�ellement, c’est-�-dire ind�pendamment 
        de l’observateur-descripteur et ce de fa�on bien d�termin�e 
        ? Au contraire, consid�re-t-il que ce monde est construit par l’�volution 
        des �tres vivants (et aussi des structures mat�rielles) en 
        interaction avec un monde infra-mat�riel (disons le vide quantique 
        pour simplifier) non d�termin� avant d’avoir �t� 
        � observ� �. Dans le premier cas, nous pourrions dire 
        qu’il est r�aliste et dans le second, � constructiviste 
        �.  Pourquoi cette question ? Parce que l’hypoth�se 
        (ou paradigme) constructiviste donnerait selon nous plus de poids � 
        sa propre reconstruction po�tique du monde que le paradigme r�aliste. 
        En effet, pour les r�alistes, la description doit se rapprocher 
        de plus en plus fid�lement d’un r�el pr�-existant. 
        Le mod�le scientifique exp�rimental est alors plus rigoureux 
        que le mod�le po�tique. Celui-ci, malgr� sa beaut�, 
        risquerait d’�loigner inutilement le sujet du but � 
        atteindre. Dans le paradigme constructiviste au contraire, toute description 
        poss�de une valeur de construction. L’hypoth�se po�tique, 
        comme celles de l’imagination en g�n�ral, fait appara�tre 
        de v�ritables nouveaut�s qui, du fait d’�tre 
        dites, deviendraient des � v�rit�s � relatives 
        ou interm�diaires, � condition d’�tre reprises 
        et amplifi�es par des entit�s �volutionnaires capables 
        de les int�grer dans leurs comportements exploratoires ult�rieurs. 
       S’engager dans le d�bat � r�alisme/non 
        r�alisme � suscite des questions plus fondamentales encore. 
        En lisant Michel Cass�, comme en lisant tout autre astrophysicien 
        de sa qualit�, on ne peut que poser la question classique en psychanalyse 
        du � Qui parle ? �. Mais il ne faut pas la limiter au discours 
        personnel de l'auteur. Il faut l’�tendre au discours scientifique 
        plus g�n�ral qu’il retranscrit. Comment un primate 
        humain apparu depuis quelques centaines de milliers d’ann�es 
        seulement peut-il se trouver dot� d'un cerveau qui construit - 
        de lui-m�me ou par l’interm�diaire du cerveau collectif 
        auquel il participe - des mod�les de l’univers cosmologique 
        ayant un minimum de pertinence, s’�tendant sur des milliards 
        d’ann�es de notre temps - voire incluant des multivers, 
        espaces de Calabi-Yau et autres exotismes ?  Les spiritualistes r�pondront : parce qu’un 
        Dieu situ� au dessus de lui inspire ledit primate. Les mat�rialistes, 
        comme l’auteur de cette note, pr�f�reront se r�f�rer 
        au constructivisme. L’homme �labore en �voluant de 
        vastes hypoth�ses sur le monde qui, jusqu’� �tre 
        d�menties par l’exp�rience, contribuent � �difier 
        un univers �mergent. Les lois fondamentales qu'il y d�couvre 
        ont �t� d�termin�es par les premiers choix 
        initiaux, ceux de la toute premi�re particule mat�rielle 
        apparue al�atoirement au cours d'une fluctuation elle-m�me 
        al�atoire du vide quantique 3) L'homme, rien qu'en existant, exprime 
        et s'il est dou� de parole, verbalise les lois de cet univers particulier 
        qui l'a g�n�r�. De m�me les termites construisent 
        des termiti�res jusqu’aux limites de r�sistance des 
        mat�riaux confront�s � la force de la pesanteur. 
        Ils se comportent comme s'ils avaient �tudi� Newton dans 
        le texte.  Les termites ne g�n�rent pas de mod�les 
        explicites de leur monde physique, except�es �videmment 
        chacune des termiti�res particuli�res qu'ils construisent. 
        Mais les cerveaux des humains en sont devenus capables. Gr�ce � 
        des neurones sp�cialis�s observant le fonctionnement du 
        cerveau global, ils peuvent fabriquer de v�ritables images du cosmos, 
        un cosmos non pas tel qu'il serait en soi mais tel qu'ils le vivent. Au 
        demeurant, la nature physique ne fait-elle pas un peu la m�me chose? 
        Pindare, dans la veine po�tique de Michel Cass�, aurait 
        pu dire que, de la m�me fa�on, l’eau du lac refl�te 
        (construit) l’image des nuages qui passent, ceci parce qu'il y a 
        des nuages et parce qu'il y a un lac 4).  Notes1) Nous proc�dons ici comme le fait Michel Cass� dans son 
        livre, par allusion, c’est-�-dire de fa�on un peu 
        frustrante pour le lecteur. Notre propos �voque un sc�nario 
        dit du � slingshot � ou de la fronde pr�sent� 
        par l’astrophysicien italien Cristiano Germani lors d’une 
        r�cente conf�rence organis�e par l’Universit� 
        du Sussex. Voir NewScientist, 8 septembre 2007, p. 12. Ce sc�nario 
        rendrait inutile l’hypoth�se du Big bang et peut-�tre 
        celle de l’inflation. Elle pourrait �tre test�e par 
        le prochain satellite europ�en Planck, con�u pour examiner 
        le rayonnement cosmologique micro-onde (CMB) d’une fa�on 
        plus d�taill�e que celle actuellement permise par la sonde 
        am�ricaine Wilkinson. Pour les sp�cialistes, voir http://arxiv.org/abs/0706.0023 
        The Cosmological Slingshot Scenario: Myths and Facts, Cristiano Germani 
        & al.
 2) D�signons par m�taphysique scientifique, non de la m�taphysique 
        philosophique, mais, au sens originel, simplement des hypoth�ses 
        qui sont inv�rifiables en l’�tat actuel de l’instrumentation.
 3) Voir notre article “Pourquoi les lois fondamentales de la physique 
        paraissent-elles ajust�es pour permettre la vie et la conscience 
        ?”
 http://www.automatesintelligents.com/echanges/2007/juil/anthropique.html
 4) Pindare, qui savait beaucoup de choses, ne savait pas qu'en fait c'est 
        notre cerveau qui constuit l'image des nuages. Mais encore faut-il qu'il 
        y ait une organisation sp�cifique de photons � percevoir
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