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Annexe V. Nouvelles observations semblant confirmer
la th�orie de l’ontophylogen�se et son application
� l’hypoth�se des syst�mes anthropotechniques
Dans la mesure o� nous donnons un r�le important
� la th�orie de l’ontophylogen�se pour comprendre
l’�volution pass�e et future des syst�mes anthropotechniques,
il est important de remarquer que beaucoup d’observations r�centes
semblent amplement confirmer les hypoth�ses de Jean-Jacques Kupiec.
Rappelons que celui-ci insiste sur l’absence d’un mod�le
d�terministe dans le domaine g�n�tique. Les g�nomes
comme les prot�ines, les cellules et les organismes r�sultant
de l’expression des g�nes sont soumis � des processus
al�atoires o� jouent � tous niveaux le processus
darwinien de mutation-s�lection. En voici quelques illustrations
recueillies dans des publications r�centes.
Les diff�rentes cellules d'un m�me organisme n'ont pas n�cessairement
le m�me ADN
Cette observation est importante. Elle bat en br�che
la croyance jusque-l� universellement r�pandue selon laquelle
le programme g�n�tique d�termine rigoureusement les
diff�rents d�veloppements de l'organisme, y compris en ce
qui concerne le point essentiel qu'est l'ADN de chacune des cellules du
corps. Or une �tude de scientifiques qu�b�cois, mentionn�e
par un article de la revue am�ricaine ScienceDaily(1),
vient de montrer que chez un m�me patient, les cellules du corps
n'ont pas n�cessairement le m�me ADN. Or selon l'hypoth�se
de l'expression stochastique des g�nes dite aussi du darwinisme
cellulaire, l'expression finale d�pend de fa�on probabiliste
des interactions al�atoires des cellules avec leur environnement.
Ici, l'environnement serait, soit l'organisme tout entier avec lequel
chaque organe interagit, soit le milieu ext�rieur avec lequel l'organisme
entier ou certains de ses organes interagissent. De ces interactions diff�rentes
d�coulent des ADN adapt�s aux situations diff�rentes
et ne pr�sentant donc pas rigoureusement la m�me organisation.
Au plan �pist�mologique, il est inutile
de souligner l'importance de cette d�couverte, si elle �tait
confirm�e. Moins que jamais on ne pourra d�fendre l'id�e
que toutes les cellules d'un m�me organisme disposent du m�me
ADN, par la gr�ce d'un programme g�n�tique s'appliquant
rigoureusement. En dehors de la th�rapeutique, les applications
d'un tel changement, par exemple en sociobiologie, dans les croyances
fondant encore l'empire des g�nes, devraient �tre consid�rables.
L'�pig�n�tique s'ouvrira ainsi de nouveaux espaces
de recherche consid�rables. On pourra rechercher notamment si des
cellules fonctionnellement li�es � l’utilisation continue
d’un m�me outil poss�dent ou non des ADN rigoureusement
semblables � ceux de cellules exer�ant d’autres fonctions
au sein du m�me organisme.
Selon les scientifiques qu�becois, l'habitude
d'utiliser les cellules du sang pour d�terminer le g�nome
des cellules de l'organisme d'un patient a longtemps masqu� la
diversit� des g�nomes au sein des cellules d’un m�me
organisme. C'est en recherchant les causes g�n�tiques d'une
pr�disposition aux an�vrismes aortiques abdominaux que les
chercheurs ont �t� conduits � pr�lever des
cellules sp�cifiques aux tissus concern�s et � constater
qu'elles n'avaient pas le m�me g�nome que les globules du
sang du m�me individu. L'observation a ensuite �t�
�tendue et g�n�ralis�e.
L’auto-organisation des prot�ines dans les bact�ries
Un article de la revue ScienceDaily(2)
vient confirmer l’hypoth�se selon laquelle la construction
d’organismes vivants apparemment identiques, loin de d�couler
de la mise en œuvre d’un programme pr�existant rigoureux
d�termin� par leur ADN, peut faire appel � des processus
diff�rents dans le d�tail, d�coulant d’organisations
internes elles-m�mes diff�rentes. L'�tude ne porte
que sur des bact�ries, mais les perspectives de son extension �
des organismes biologiques ou artificiels plus complexes n’est pas
� exclure. L� encore, il devrait �tre possible d’�tudier
les cons�quences apport�es � l’organisation
de certaines cellules par l’utilisation r�guli�re
d’un outil.
Une �quipe du laboratoire Berkeley de l’universit�
de Californie, du Howard Hughes Medical Institute et de l’Universit�
de Princeton vient de montrer dans un article publi� par PLOS Biology,
comment, au sein de cellules bact�riennes procaryotes (sans noyaux)
des milliers de prot�ines constitutives de leurs membranes s’assemblent
en r�seaux (clusters). Ceux-ci pilotent les d�placements
de la cellule gr�ce auxquels elle se procure dans son environnement
les composants chimiques n�cessaires � son d�veloppement.
Les observations r�alis�es ont montr� comment des
processus p�riodiques complexes peuvent �tre g�n�r�s
et au besoin r�par�s au sein des syst�mes biologiques
sans r�sulter de la mise en œuvre d’un plan d’ensemble
pr�alable.
Les cellules observ�es sont celles de la tr�s
commune bact�rie Escherichia Coli. Les chercheurs ont montr�
que des clusters de prot�ines se formaient spontan�ment
en son sein selon un processus qu’ils ont qualifi� d’auto-assemblage
stochastique, sans que rien de pr�alable n'ait d�termin�
� l’avance l’affectation de ces prot�ines dans
des sites sp�cifiques au sein de la cellule. Pour eux, il s’agit
de l’application d’un m�canisme d�crit en 1952
par Alain Turing sous le nom de ��self-organizing patterns�
�.
Il faut rappeler que le d�veloppement et la survie
des organismes monocellulaires � noyau (eucaryotes) supposent qu’ils
acc�dent facilement aux composants indispensables pr�sents
dans leur environnement, prot�ines, lipides, acides nucl�iques.
Pour cela, ces cellules se sont progressivement dot�es d’organites
sp�cialis�s connus depuis longtemps, peut-�tre acquis
par symbiose avec des virus. Mais la m�me exigence d’acc�s
aux nutriments s’impose aux procaryotes (sans noyau et sans organites),
tels que E. Coli. La fa�on dont ces derniers proc�dent n’�tait
pas d�crite clairement jusqu’� ce jour. Or il est
apparu que, loin de mettre en œuvre un programme pr�existant
rigoureux, des bact�ries individuelles apparemment identiques se
dotent � cette fin d’organisations internes diff�rentes,
selon des processus eux-m�mes diff�rents dans le d�tail.
Les observations ont port� sur le r�seau
de prot�ines d�j� bien �tudi� dit �
chemotaxis network � par lequel les bact�ries identifient
dans leur environnement les compos�s dont elles ont besoin puis
se dirigent vers eux. Les chercheurs savaient que ce r�seau s’organise
dans l’espace de la membrane de la cellule de fa�on p�riodique
et non al�atoire. Mais � la suite de quel processus ? Autrement
dit, comment se forme le r�seau, comment la cellule contr�le-t-elle
sa taille et la densit� des prot�ines, comment cette organisation
se maintient-elle lorsque la cellule grandit et se divise ?
L’observation de 326 cellules impliquant 1 million
d’exemplaires des 3 principales prot�ines participant au
chemotaxis network de ces cellules a montr� qu’aucune distribution
sp�cifique caract�ristique n’apparaissait, au contraire
de ce que l’on supposait. La distribution r�sulterait d’interactions
al�atoires entre prot�ines, suffisantes pour g�n�rer
les patterns complexes et ordonn�s observ�s. Les chercheurs
consid�rent qu’ils ont mis ainsi � jour un m�canisme
simple d’assemblage sur le mode stochastique. Ils s’attendent
� le retrouver partout ailleurs, aussi bien dans les cellules procaryotes
qu’eucaryotes. Ce processus intervient sans implication du cytosquelette
ou de m�canismes chimiques internes de transport.
Leur objectif est d�sormais d’en identifier
d’autres exemples dans la nature. Comme les syst�mes biologiques
sont si l’on peut dire des pr�curseurs des futurs syst�mes
� base de nanotechnologies, il leur para�t important de montrer
que l’auto-organisation stochastique est capable d’assembler
des milliers de prot�ines en patterns complexes reproductibles.
Les applications en seront nombreuses, notamment pour d�velopper
des circuits �lectroniques.
Ajoutons pour notre part que parler de l’�mergence
d’un processus stochastique d’auto-organisation ne suffit
pas. Il faut montrer comment ce processus donne naissance � des
produits ordonn�s, ceux-l� et pas d’autres. Pour cela
il faut se replacer dans ce que Jean-Jacques Kupiec a nomm� le
darwinisme cellulaire, c’est-�-dire la comp�tition
darwinienne entre cellules, sanctionn�e par la s�lection
des individus cellulaires comportant les solutions d’organisation
les plus aptes � la survie. On pourra alors parler, non pas d’auto-organisation
mais d’h�t�ro-organisation, le milieu (h�t�ro)
o� doivent survivre les cellules jouant le r�le de filtre
s�lectif. Mais, en se pla�ant au palier ant�rieur
de comp�tition, celui o� s’affrontent les prot�ines
du chemotaxis network, on observe le m�me processus de darwinisme,
s�lectionnant les prot�ines les plus aptes � constituer
des r�seaux efficaces. Plus en amont encore, au niveau du g�nome
de E. Coli, on devrait retrouver ce m�me processus de s�lection
darwinienne portant sur les produits divers r�sultant de l'expression
stochastique des g�nes. Il s'agira d'un argument de plus pour tenter
d'appliquer ces observations en vue de r�aliser des entit�s
� biologiques artificielles � faites de nanocomposants.
Evolution darwinienne et ��p�n�trance partielle���
Le ph�nom�ne d�crit par Jean-Jacques
Kupiec sous le nom d’��expression stochastique��
ou al�atoires des g�nes, fondant sa th�orie de l’ontophylogen�se,
se traduit notamment par le fait que, dans des organismes dot�s
de g�nomes identiques, des ph�notypes (ou individus) peuvent
acqu�rir � la suite de mutations al�atoires d’origine
non g�n�tique des traits ou caract�res diff�rents
qui produiront des comportements diff�rents. Au cours de la comp�tition
darwinienne s’�tablissant entre ces individus pour survivre
au sein d’un environnement s�lectif, certains d’entre
eux l’emporteront sur les autres et transmettront � leurs
descendants les caract�res favorables dont ils auront b�n�fici�.
Il s’agit donc d’un processus de mutation diff�rent
de celui classiquement d�crit par le n�o-darwinisme, puisqu’il
ne prend pas son origine dans la mutation d’un g�ne. Il oblige
� �tendre le concept darwinien de mutation suivie de s�lection
� tout changement survenue al�atoirement et transmissible
h�r�ditairement. Mais son r�sultat peut se comparer
� celui r�sultant des mutations d’origine g�n�tique.
Il produit des organismes porteurs de modifications pouvant leur apporter
des avantages dans l’adaptation � des milieux eux-m�mes
changeants.
La question alors pos�e concerne la cause de ces
mutations non li�e � la mutation d’un g�ne.
L’ontophylogen�se a d�montr� la fausset�
de l’id�e impos�e par la biologie mol�culaire
des ann�es 1970, selon laquelle � tout g�ne correspond
une prot�ine et une seule susceptible de contr�ler dans un
sens bien d�fini le d�veloppement de l’embryon. Les
mutations r�sultant de l’expression al�atoire des
g�nes se traduisent principalement par une grande vari�t�
dans la forme et l’agencement des centaines de prot�ines
elles-m�mes produites al�atoirement par le g�nome.
Ces prot�ines entrent en comp�tition darwinienne pour la
production des diff�rentes cellules et organes caract�risant
chaque ph�notype puis les descendances de celui-ci. C’est
l’interaction avec le milieu (milieu cellulaire, milieu d�fini
par l’organisation des organes et des organismes, milieu d�coulant,
en ce qui concerne les humains, de l’utilisation r�guli�re
de certains outils, milieu environnemental enfin), qui s�lectionne
les solutions les mieux adapt�es � la survie de l’organisme
tout entier comme les multiples solutions de d�tail composant l’architecture
et le fonctionnement global de l’organisme. Jean-Jacques Kupiec
l’a nomm�e l’h�t�ro-organisation. Dans
le cadre de notre essai, c’est �videmment l’�tude
des s�lections impos�es par la pratique des outils et des
technologies qui nous int�ressera. Rien ne peut en �tre dit
pour le moment, mais des exp�riences en ce sens devraient pouvoir
�tre envisag�es.
En cons�quence de l’h�t�ro-organisation
apparaissent des individus semblables au plan g�n�tique
(semblant tels tout au moins compte tenu des moyens d’analyse des
ADN dont on dispose aujourd’hui) mais dot�s de caract�res
morphologiques et de comportements pouvant �tre diff�rents.
Pour �tudier ce mode d’�volution, il est �videmment
plus facile de l’observer dans des populations bact�riennes,
lesquelles se reproduisent et mutent tr�s facilement. Mais il ne
devrait pas exister de raison permettant d’exclure la possibilit�
qu’il se produise aussi au niveau des organismes multicellulaires
complexes.
Concernant les bact�ries, l’existence d’un
processus al�atoire de mutation non g�n�tique, produisant
des ph�notypes variants susceptibles de se reproduire et d’�liminer
�ventuellement les bact�ries non mut�es ne peut plus
d�sormais �tre ni�. Mais les biologistes traditionnels
n’en tirent pas d’argument pour remettre en cause le d�terminisme
g�n�tique. Ils attribuent l’apparition de ces variants
� un � bruit � se produisant au cours du processus
bien huil� qui pour eux demeure la r�gle, d�coulant
de l’application rigoureuse du pr�tendu � programme
g�n�tique �. Pour Jean-Jacques Kupiec, au contraire,
ces mutations et leur stabilisation dans les descendances font partie
du processus darwinien g�n�ral de l’ontophylogen�se,
non sp�cifique aux seules bact�ries.
Ceci �tant, en dehors de la cause des mutations
se pose la question de la cause des modalit�s selon lesquelles
certaines d’entre elles sont s�lectionn�es et inscrites
dans les descendances. Ceci se fait-il sous la forme de changements mineurs
�ventuellement non observables � leur d�but ou par
ce que l’on pourrait appeler des sauts quantiques, d’un �tat
discret � un autre ? Remarquons qu’en ce qui concerne les
mutations d’origine g�n�tique, c’est ce dernier
processus qui a �t� observ� par les s�lectionneurs,
depuis Mendel. Si l’on croise des pois lisses et des pois rid�s,
on n’obtiendra pas au sein de chaque g�n�ration des
descendants pr�sentant un m�lange al�atoire de rides
et de zones lisses, mais des pourcentages strictement d�termin�s
d’individus affectant la forme pois lisse et la forme pois rid�.
Pourquoi cela ? Les r�ponses apport�es par les g�n�ticiens
classiques � ce ph�nom�ne bien connu nous paraissent
manquer de nettet�.
Il se trouve que la m�me question se pose �
nouveau lorsque l’on �tudie la p�n�tration
dans des g�n�rations successives de bact�ries isog�niques
d'individus porteurs des mutations non g�n�tiques r�sultant
d’un m�canisme que les g�n�ticiens actuels
persistent � nommer du bruit (noise) et que nous pourrions nommer,
selon la terminologie de Jean-Jacques Kupiec, le darwinisme prot�inique
ou l’�volution stochastique des prot�ines. On constate
l� encore que les descendants des individus mut�s ne pr�sentent
pas un m�lange confus de propri�t�s, mais se r�partissent
entre descendants mut�s et descendants non mut�s (en excluant
ceux porteurs de mutations l�tales qui n’ont pas surv�cu).
Comment alors les caract�res mut�s se r�pandent-ils
dans les populations successives de bact�ries ? Restent-elles marginales
ou touchent-elles progressivement l’ensemble des individus composant
ce que pour des raisons traditionnelles on continuera � nommer
une esp�ce�? Des �tudes r�centes ont montr�
que tout d�pendra du nombre des individus touch�s par la
mutation. Si ce nombre reste faible, la mutation dispara�tra. S’il
devient important, elle s’imposera. Ceci para�t d’ailleurs
relever de l’�vidence.
Mais � nouveau, quelle raison fera que certaines
mutations resteront peu r�pandues, tandis que d’autres affecteront
rapidement les g�n�rations suivantes ? Il se trouve que
ce ph�nom�ne de diffusion partielle (ou partial penetrance)
est aujourd’hui �tudi� dans le cas de bact�ries
facilement observables avec les techniques dont on dispose.
Un article publi� dans Nature(3)
fait part d’observations conduites par des biologistes am�ricains
afin d’approfondir le m�canisme de diffusion partielle. Des
exp�riences men�es sur le Bacille subtil ont mis en �vidence
un ph�nom�ne de ��partial penetrance��
li� � une capacit� sp�cifique dont disposent
ces bact�ries : produire des spores susceptibles d’assurer
la sauvegarde de l’esp�ce en p�riode de disette. On
a d’abord pu v�rifier que la diffusion de mutations d’origine
non g�n�tique au sein d’une population isog�nique
se manifeste sur le mode du tout ou rien. Un individu en b�n�ficie
et les autres pas. Dans le cas du Bacille subtil les mutations non g�n�tiques
int�ressant le m�canisme de production de ces spores se
traduisent par l’apparition de solutions alternatives discr�tes�:
avoir un ou plusieurs spores, spores ou non dot�s d'un ADN... Certaines
sont plus favorables que d’autres � la conservation de l’esp�ce.
Comment ces derni�res se r�pandent-elles�? Non par
l’apparition de mutations interm�diaires partielles mais
par une mutation d’un autre ordre touchant la fr�quence du
nombre des individus dot�s du nouveau comportement. Si 10�%
de la population poss�de ce nouveau comportement, cela suffit pour
que les populations comportant cette mutation se stabilisent par ce qui
est attribu� � un ajustement graduel de leurs param�tres
g�n�tiques.
Par ailleurs, les chercheurs n’ont pas pu se cacher,
en amont de l’apparition de ces mutations, le fait qu’elles
ne se produisaient pas en cons�quence de la mutation d’un
ou plusieurs g�nes, mais de modifications dans l’ordonnancement
des prot�ines responsables du syst�me de signalisation permettant
� chaque cellule-m�re de communiquer avec son spore. Comme
indiqu� ci-dessus, ils se bornent � consid�rer qu’il
s’agit de � bruits � survenant apparemment sans raisons
dans le processus d�terministe aboutissant � la fabrication
du ph�notype. Les m�mes observations et les m�mes conclusions
ont �t� produites � l’occasion de l’�tude
d’une autre bact�rie, le Clostridium Oceanicum.
Mais peut-on nommer bruit un ph�nom�ne
aussi r�pandu�? Au contraire, dans l’esprit de l’ontophylogen�se,
on serait tent� de mettre en cause un facteur sp�cifique,
de survenue al�atoire, s’exer�ant au niveau de l’expression
stochastique des prot�ines. Il serait sans doute erron�
d’attribuer ce ph�nom�ne � un simple bruit.
Pourquoi alors ne pas chercher � retrouver ce facteur �
tous les niveaux o� se produisent, par sauts discrets, des mutations
influen�ant la comp�titivit� darwinienne des ph�notypes
?
Pour nous, ces analyses publi�es dans Nature sont
insuffisantes. Il faudrait les reprendre � la lumi�re de
l’ontophylogen�se. Il faudrait aussi commencer � en
�tendre les conclusions � un domaine certes m�thodologiquement
et politiquement plus p�rilleux, l’�tude de l’apparition
et de la propagation de mutations non g�n�tiques au niveau
des organismes complexes. A partir de l�, il sera sans doute in�vitable
de s’interroger sur les modalit�s d’apparition et de
diffusion, partielle ou compl�te, des formes discr�tes par
lesquelles des individus mut�s se distinguent du mod�le
jug� caract�ristique d’une esp�ce donn�e.
On pourra ainsi �tudier le pourquoi de l’apparition d’insectes
� 4 ailes chez les dipt�res et, pourquoi pas, de surdou�s
cognitifs chez des esp�ces � gros cerveaux.
G�nes ��sauteurs��
au sein des neurones humains
Nous avons relat� plus haut la d�couverte
d'une �quipe de biologistes qu�b�cois selon laquelle
il appara�t que dans certains organismes, notamment chez les humains,
toutes les cellules du corps n'ont pas n�cessairement le m�me
ADN, contrairement � ce qu'avait laiss� croire jusqu'�
pr�sent l'habitude d'utiliser les cellules sanguines pour d�terminer
les g�nomes des cellules des patients. Nous avons indiqu�
que cette d�couverte apporte selon nous un argument de poids �
la th�orie de l'ontophylogen�se pr�sent�e
par Jean-Jacques Kupiec. Selon l'hypoth�se de l'expression stochastique
des g�nes dite aussi du darwinisme cellulaire, l'expression finale
des g�nes d�pend de fa�on probabiliste des interactions
al�atoires des cellules avec leur environnement. Ici, l'environnement
serait, soit l'organisme tout entier avec lequel chaque organe interagit,
soit le milieu ext�rieur avec lequel l'organisme entier ou certains
de ses organes interagissent. De ces interactions diff�rentes d�coulent
des ADN adapt�s aux situations diff�rentes et ne pr�sentant
donc pas rigoureusement la m�me organisation.
Une d�couverte allant dans le m�me sens
que celle des chercheurs qu�b�cois mais autrement plus riche
de cons�quences �pist�mologiques vient d'�tre
faite par une �quipe du Salk Institute for Biological Studies dirig�e
par le Pr. Fred Gage, sp�cialiste des maladies neurod�g�n�ratives
associ�es � l'�ge�: les neurones du cerveau humain
pr�senteraient, chez le m�me individu, une surprenante diversit�
dans la composition de leurs g�nomes. Ceci permettrait peut-�tre
d'expliquer aussi bien les performances adaptatives du cerveau, notamment
� l’occasion de la pratique de certaines technologies, que
certains troubles neurologiques.
L'�quipe a observ� la pr�sence dans
les cellules du cerveau humain d'un nombre inattendu d'�l�ments
mobiles constitu�s de fragments d'ADN qui ins�rent apparemment
au hasard des copies d'eux-m�mes � l'int�rieur du
g�nome sur le mode du � copier-coller �. Ce m�canisme
pourrait �tre responsable de la diversit� c�r�brale
qui rend chaque personne unique. Le cerveau comprend 100 milliards de
neurones reli�s par 100 trillions de synapses. L'insertion des
�l�ments mobiles d'ADN pourrait rendre chacun des neurones
individuels l�g�rement diff�rents des autres(4).
Les seules cellules du corps humain connues jusqu'ici
pour leur aptitude � remodeler leurs g�nomes sont celles
du syst�me immunitaire. Dans ces cellules, les g�nes responsables
de la production des anticorps sont constamment � rebattus �,
comme des cartes � jouer, afin de diversifier les anticorps et
leur permettre de reconna�tre un nombre th�oriquement infini
d'antig�nes distincts.
Dans un travail pr�c�dent, Fred Gage avait
d�j� montr� que des fragments mobiles d'ADN, qu'il
avait nomm�s LINE-1, intervenaient au hasard pour ajouter des copies
d'eux-m�mes dans les g�nomes des neurones de la souris, selon
un processus qui avait �t� nomm� le � saut
� (jumping). Ces m�mes processus avaient d�j�
�t� identifi�s dans les organismes primitifs, plantes
ou levures, o� ils jouent un r�le important. Mais chez les
mammif�res et a fortiori chez les humains, ces g�nes �
sauteurs � �taient jusqu'� pr�sent consid�r�s
comme des h�ritages du pass�, n'ayant pas de r�le
pr�cis. Ils constituent cependant 50�% environ du g�nome,
ce qui jette un doute sur leur inutilit� suppos�e.
Pour �claircir le r�le de ces g�nes
sauteurs dans le cerveau de la souris comme dans celui de l'homme, l'�quipe
du Salk Institute proc�da d'abord � des exp�riences
in vitro. Celles-ci montr�rent que le ph�nom�ne affectait
bien les neurones humains isol�s. Mais il fallait savoir s'il en
�tait de m�me au sein des neurones d'une personne vivante.
C'est en effet au niveau des neurones que les g�nes pourraient
changer rapidement de configuration sans entra�ner de cons�quences
nuisibles, contrairement � ce qui se passerait s'ils se transformaient
dans les cellules d'organismes dont le fonctionnement doit �tre
stable, comme les reins ou le cœur.
L'�quipe eut la surprise de constater, sur une
centaine d'�chantillons de tissus corporels humains, que les tissus
du cerveau pouvaient comporter, comme indiqu� ci-dessus, plus de
100 copies diff�rentes de cellules, contrairement aux autres tissus.
Cela �tait la preuve que les sauts d'ADN se produisaient bien dans
les neurones et que par cons�quent ceux-ci disposaient de g�nomes
diff�rents de ceux des autres cellules du corps et diff�rents
de neurones � neurones.
Il en r�sulte que ces sauts d'�l�ments
mobiles peuvent consid�rablement diversifier le mode d'�volution
du cerveau, puisqu'ils introduisent un facteur de mutation al�atoire
autrement plus puissant que celui d�coulant du processus normal
de division cellulaire, qui se fait � l'identique sauf �ventuelles
erreurs typographiques. Resterait �videmment � montrer,
sur des exemples pr�cis, comment la pr�sence de neurones
l�g�rement diff�rents les uns des autres am�liorerait
les performances adaptatives globales des tissus c�r�braux
observ�s 1). Ceci d'autant plus que les neurones, en principe,
ne se renouvellent pas, au rythme tout au moins des autres cellules du
corps.
Quoi qu'il en soit de ce dernier point, le m�canisme
d�crit par l'�quipe du Salk Institute nous para�t
cadrer parfaitement avec les principes de l'ontophylogen�se tels
qu'appliqu�s au cerveau et � la possibilit� qu'il
a de faire face rapidement aux changements du milieu. Le cerveau d'un
individu humain poss�de une dur�e de vie d'environ 80 ans,
au cours desquels il doit faire face � des sollicitations permanentes,
tenant notamment � la richesse des �changes "culturels"
auxquels l'individu participe. Pour cela, les neurones doivent se renouveler
et se diversifier en permanence. Seul un processus d'expression stochastique
de leurs g�nes permet cette adaptation. Ce processus ne se retrouve
pas dans les autres cellules du corps pour lesquelles, comme nous l'avons
indiqu�, il serait fonctionnellement dangereux.
Les nombreuses � micromutations � se produisant
au hasard dans les g�nomes des neurones du fait des sauts de fragments
d'ADN qui s'y d�roulent se trouvent en comp�tition darwinienne
les unes avec les autres. C'est la s�lection par les contraintes
du milieu au sein duquel op�re le cerveau (l'h�t�ro-s�lection
selon le mot de Jean-Jacques Kupiec) qui garantit au mieux l'ad�quation
anatomique et fonctionnelle globale de chacun des cerveaux individuels
aux contraintes s'imposant � lui.
Fred Gage consid�re qu'� l'inverse c'est
un d�r�glement de ce m�canisme de sauts d'�l�ments
d'ADN qui pourrait induire des d�sordres neurologiques. Ceux-ci
pourraient peut-�tre �tre soign�s par un r�tablissement
dudit m�canisme.
Pour ce qui concerne les questions que peut poser la
rapidit� d'adaptation (�pig�n�tique) des humains
� l'�volution encore plus rapide des technologies au sein
de ce que nous appelons dans cet essai des syst�mes anthropotechniques,
nous pourrions consid�rer que les d�couvertes r�centes
de l'�quipe du Salk Institute, si elles �taient confirm�es,
apporteraient de nouveaux �l�ments de r�ponse. Ces
r�ponses seraient d'autant plus importantes qu'elles concernent
l'anatomie et le fonctionnement du cerveau. Celui-ci, comme nul n'en ignore,
est responsable des capacit�s cognitives plus ou moins d�velopp�es
des individus qui interagissent, � tous niveaux, avec ces technologies.
Ce pourrait �tre les mutations spontan�es (changements) de
ces derni�res, depuis le lointain �ge de pierre, qui ont
oblig� les cerveaux des humains � s'adapter � elles,
plut�t que le contraire�: les mutations des cerveaux entra�nant
des changements technologiques.
On pourrait comparer, toutes choses �gales par
ailleurs, le cerveau humain au syst�me immunitaire. Celui-ci a
d� s'adapter pour produire rapidement des anticorps face �
l'invasion permanente d'antig�nes constamment renouvel�s.
Parall�lement, les modules d'information ou g�n�r�s
au hasard, � l'ext�rieur de l'individu humain, par l'�volution
incessante des technologies et des cultures technologiques, ne pourraient
�tre ��trait�s�� que par des neurones
ou circuits neuronaux capables d'une r�-adaptation imm�diate.
Cette contrainte, �videmment, ne p�se pas sur les cerveaux
d'animaux tels que la souris, �tudi�e par Fred Gage. Ceux-ci
ne risquent pas d'�tre "d�bord�s" par les
effets en retour des cr�ations culturelles de l'esp�ce,
aussi complexes puissent-elles para�tre.
1. Article de ScienceDaily�: DNA
Not The Same In Every Cell Of Body�: Major Genetic Differences Between
Blood And Tissue Cells Revealed
http://www.sciencedaily.com/releases/2009/07/090715131449.htm
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2. Article de ScienceDaily
http://www.sciencedaily.com/releases/2009/07/090708132820.htm
Voir aussi un article dans PLOS Biology (r�serv� aux sp�cialistes)
Self-Organization of the Escherichia coli Chemotaxis Network Imaged with
Super-Resolution Light Microscopy
http://www.pubmedcentral.nih.gov/articlerender.fcgi?artid=2691949
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3. Article de Nature
http://www.nature.com/nature/journal/v460/n7254/abs/nature08150.html
Voir aussi
http://media.caltech.edu/press_releases/13276
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4. Article de Physorg.com. 'Jumping
genes' create diversity in human brain cells.
http://www.physorg.com/news168697506.html
NB�: Nous avons adapt� les informations fournies par cet article,
en les ins�rant dans des consid�rations qui nous sont propres.
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